Le président Félix Tshisekedi Tshilombo s’est entretenu, vendredi 15 mars, à Kinshasa, avec le sous-secrétaire d’Etat US chargé des Affaires africaines, Tibor P. Nagy. Il y a trois semaines, « Fatshi » recevait Peter Pham, Envoyé spécial du département d’Etat pour la Région des Grands lacs. Mercredi 13, « Felix » a eu un entretien, à Nairobi, avec le chef d’Etat français, Emmanuel Macron. Le constat est là: les premiers pas du successeur de « Joseph Kabila » sont plutôt « salués » à Bruxelles, Paris et Washington.
Coïncidence ou pas, avant d’entamer l’étape congolaise, le secrétaire d’Etat adjoint Tibor P. Nagy a fait escale à Kampala, en Ouganda, ainsi qu’à Kigali, au Rwanda. De 1997 à 2003, les dirigeants de ces deux pays voisins – en l’occurrence Yoweri Kaguta Museveni et Paul Kagame – ont fait plus la pluie que le beau temps dans l’ex-Zaïre. Et ce à travers l’AFDL (Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo) et ses avatars. Vingt et une années après la prétendue libération du 17 mai 1997, les provinces congolaises de l’Est (les deux Kivu) et l’ex-Province orientale peinent à retrouver la paix et la stabilité.
Loin est apparemment l’époque où certains milieux occidentaux en général et américains en particulier filaient le « parfait amour » avec ces deux leaders africains dont l’implication dans la déstabilisation du Congo-Zaïre n’était pas à démontrer. Bien entendu, avec la connivence avérée de certains Zaïro-Congolais.
C’est en tous cas ce qu’on peut déduire des propos tenus par le secrétaire d’Etat adjoint Nagy dans une interview mise en ligne le 4 mars dernier par le magazine « Jeune Afrique ». « Nous voulons coopérer avec le président Tshisekedi pour voir comment nous pouvons servir la cause du Congo et en finir avec ces choses horribles qui ont plongé le pays dans la misère », a-t-il déclaré.
RASSURER LE CHEF DE L’ETAT CONGOLAIS
En soulignant qu’il était impatient d’ « échanger » avec le nouveau chef de l’Etat congolais afin de connaitre « ses projets » et « sa vision » pour son pays.
De retour de Nairobi où il a participé au sommet sur le climat, Felix Tshisekedi Tshilombo s’est entretenu, vendredi 15 mars, avec son hôte américain. A voir les sourires immortalisés par le photographe, on peut gager que les « échanges » ont eu lieu dans une « ambiance constructive ». Le nouveau chef de l’Etat congolais est présenté dans certains milieux occidentaux comme un « homme consensuel et de compromis ».
Dans une dépêche datée du vendredi 15 mars, l’Agence congolaise de presse (ACP) rapporte que le « Monsieur Afrique » du président Donald Trump est venu « rassurer » le chef de l’Etat congolais « du soutien du gouvernement américain dans ses efforts pour le développement et l’épanouissement » de son pays.
LA PAIX PRÉFÉRÉE À LA « VÉRITÉ DES URNES »
A en croire l’ACP, Nagy a « fait savoir » que le gouvernement américain « a accueilli très favorablement » l’élection de Tshisekedi Tshilombo à la magistrature suprême. C’est ainsi, a-t-il souligné, que les Etats-Unis sont prêts à œuvrer pour que le peuple congolais puisse bénéficier du fruit de l’exploitation des potentialités dont regorge son pays.
On apprend, par ailleurs, que l’Administration américaine est disposée à accompagner « tous les projets de développement » qu’aura à initier le Président congolais. Elle entend « encourager » les investissements américains au Congo en vue de créer des emplois.
En attendant sa rencontre avec le président Tshisekedi, Tibor P. Nagy, accompagné de l’ambassadeur Mike Hammer, s’était rendu à Goma, chef-lieu du Nord Kivu. Dans cette ville, il a pu admirer le potentiel touristique que recèle le pays. L’Américain a émis le vœu de voir le Congo recouvrer une paix durable. Pour lui, c’est un préalable pour permettre au pays de devenir « très fort » et d’attirer des touristes. Selon lui, la puissante Amérique a la main tendue « pour travailler ensemble ».
Il importe d’ouvrir une parenthèse ici pour souligner qu’au départ, Washington semblait appuyer la thèse soutenue par les évêques catholiques selon laquelle les « résultats provisoires » annoncés à la présidentielle par la Commission électorale nationale indépendante ne concordaient pas avec l’ordre d’arrivée des prétendants constatés par les observateurs déployés sur la Cenco (Conférence épiscopale nationale indépendante).
FAYULU INFLEXIBLE
Après la proclamation des « résultats définitifs » par la Cour constitutionnelle, les autorités américaines ont commencé à douter. Un doute qui s’est mué en conviction qu’il fallait préférer la paix à la recherche de la « vérité des urnes ». Cette conviction s’est renforcée par le calme observé à travers le pays après la confirmation de la « victoire » de Felix Tshisekedi. Et ce en dépit de l’appel lancé par Martin Fayulu Madidi invitant la population à descendre dans la rue de peur se laisser « voler sa victoire ».
Fayulu qui a entamé samedi 9 mars, à Bruxelles, une tournée européenne s’est montré inflexible devant un public acquis à sa cause. Il se considère toujours comme le « véritable président élu ». Pour lui, le Président de la CENI, Corneille Nangaa, « a fabriqué les résultats annoncés le 10 janvier en faveur de Felix Tshisekedi ». Il a promis « de se battre jusqu’au bout ».
On imagine que Fayulu a dû écarquiller les yeux en parcourant l’interview précitée particulièrement lorsque le sous-secrétaire d’Etat Tibor P. Nagy déclarait que l’élection organisée le 30 décembre 2018 est « probablement la meilleure » que le pays « ait jamais connue ». Au motif que l’apocalypse redoutée n’a pas eu lieu. Fermons la parenthèse.
UN PARFUM DE LUNE DE MIEL
Une certitude: les premières mesures prises par le président Tshisekedi (réouverture de la Maison Schengen, levée des mesures restrictives sur le nombre de vol de la compagnie aérienne Brussels Airlines, libération des prisonniers, lutte contre l’impunité, ambiance libérale dans le pays etc.) semblent rassurer non seulement les Etats-Unis mais aussi l’Union européenne au sein de laquelle la Belgique et la France jouent un rôle de premier plan sur le dossier congolais.
Dans l’interview avec « Jeune Afrique », le sous-secrétaire d’Etat US aux Affaires africaines, a dit, de manière univoque, la volonté de l’Occident de ne plus « regarder en arrière » dans le dossier congolais. « Nous voulons aller de l’avant », a-t-il assuré.
Lors de la tripartite qui a eu lieu mercredi 13 mars entre Emmanuel Macron, Uhuru Kenyatta et Felix Tshisekedi, le chef de l’Etat français a dit également « qu’il faut avancer ». Traduction: la crise post-électorale n’est plus à l’ordre du jour. Loin est le temps où le chef de la diplomatie française Yves Le Drian qualifiait dédaigneusement la « victoire » de Tshisekedi Tshilombo comme le résultat d’un « compromis à l’africaine ». Macron a exhorté « Felix » de tendre la main à l’opposition.
En clair, pour Washington et Paris, l’équation à résoudre se trouve ailleurs. Elle se décline en quelques mots: Comment « briser » l’apparente ascendance que « Joseph Kabila » exerce sur son successeur.
Entre « Fatshi » et l’Occident, il y a comme un parfum de lune miel…
Baudouin Amba Wetshi