Selon des sources, le président Felix Tshisekedi Tshilombo a quitté Kinshasa, dimanche 25 avril. Destination: Paris. Après la capitale française, il pourrait effectuer un « séjour privé » en Belgique, pays où il a vécu durant près de trois décennies. A Kinshasa, la situation politique est loin de briller par la clarté. Le Premier ministre Jean-Michel Sama Lukonde Kyenge n’a pas encore présenté le programme de son gouvernement devant l’Assemblée nationale. Initialement prévue le vendredi 23 avril, la séance plénière a été reporté à lundi 26 avril. Si tout va bien.
D’après l’Agence congolaise de presse (ACP), le chef de l’Etat congolais effectue à Paris une « mission d’Etat ». Une expression pour le moins inhabituelle en matière protocolaire. L’ACP a-t-elle voulu parler d’une « visite d’Etat » qui est, en fait, une visite officielle? Selon des informations parcellaires, après Paris, Fatshi pourrait effectuer un « séjour privé » à Bruxelles. Rien de bien surprenant de la part d’un homme qui a passé plus de la moitié de sa vie en Belgique.
Président en exercice de l’Union Africaine, Felix Tshisekedi a assisté, vendredi 23 avril à Ndjamena, aux obsèques du président Idriss Deby Itno. Le président français Emmanuel Macron était également présent. Des observateurs ont fait état de nombreuses concertations entre la dizaine de chefs d’Etat présents.
Nommé Premier ministre le 15 février dernier, Jean-Michel Sama Lukonde Kyenge n’a pas encore passé « l’oral rituel » devant la Représentation nationale. Il a pourtant déposé un exemplaire du programme gouvernemental. C’était le mardi 20 avril. La séance plénière prévue le vendredi 23 a été reportée « sine die » avant qu’une nouvelle date soit annoncée par le Rapporteur de la Chambre basse, Lembi Libula.
Trois versions circulent au sujet du renvoi de cette séance.
Selon la première, les parlementaires auraient été « désagréablement surpris » de trouver le nom du Président de la République au bas de la dernière page du programme gouvernemental. « Que vient faire Felix Tshikedi dans ce document alors que le Président de la République est politiquement irresponsable? », s’interrogeaient certains députés. Le « Premier » aurait été invité à apporter la « correction » sur la « page litigieuse ».
La seconde version laisse entendre que plusieurs députés originaires des « points chauds » du pays [Entendez: les deux Kivu et l’Ituri] avaient purement et simplement « sécher » cette réunion. Il s’agissait de « protester » contre « la promesse non-tenue par le chef de l’Etat d’installer l’état-major général de l’armée à l’Est ».
Les tenants de la troisième et dernière version croient savoir que des parlementaires – non promus au gouvernement – exerceraient du « chantage » en exigeant une certaine « motivation » pour voter l’investiture du gouvernement Sama. Et ce, comme à la « belle époque ». Laquelle? « Durant ses dix-huit années de pouvoir, Joseph Kabila avait l’habitude de soudoyer les parlementaires de sa famille politique pour faire voter une loi. Il en est de même pour l’investiture d’un gouvernement », soutiennent des observateurs de la vie parlementaire congolaise. Qui dit vrai?
« FATSHI CONSCIENTISE LES DÉPUTÉS »
Rebondissement. On apprenait durant le week-end que le chef du gouvernement congolais était attendu ce lundi 26 avril à 10 heures au Palais du peuple pour présenter le programme de son gouvernement. Que s’est-il passé?
Dès son retour de la capitale tchadienne, « Fatshi » a donné rendez-vous aux députés qui se « réclament » de l’Union sacrée de la nation (USN). La rencontre a eu lieu samedi 24 avril à la Cité de l’Union Africaine. De quoi ont-ils parlé?
On retiendra, pour l’essentiel, que le Président de la République a joué à fond la carte de la « conscientisation ». Il a sensibilisé les parlementaires présents sur l’importance du rôle qu’ils doivent jouer pour conduire le pays aux échéances politiques de 2023. Il a affirmé, au passage, sa détermination de faire organiser ces consultations politiques dans les délais constitutionnels. « J’imagine que vous caressez le rêve d’être réélus au Parlement en 2023, d’entrer au gouvernement ou même d’accéder à la Présidence de République », a-t-il dit en ajoutant qu’une telle ambition requiert un brin de « discipline » et de « solidarité ».
Felix Tshisekedi a profité de cette rencontre pour tordre le cou aux rumeurs lui prêtant l’intention de « glisser ». Suivez son regard! « Je vous le dis et confirme qu’il y aura bien des élections en 2023. Nous allons les affronter la tête haute. Je compte sur vous pour mettre en place les mécanismes qui vont nous conduire à des élections crédibles et transparentes », a-t-il souligné.
Le président « Fatshi » n’a pu s’empêcher d’évoquer les « frustrations » entendues ici et là après la publication de la composition de l’équipe du « Premier » Sama Lukonde. Il a promis d’examiner ces « réclamations » tout en exhortant les députés présents « à soutenir le gouvernement ». Et de conclure: « Il n’est pas possible de composer un gouvernement avec toutes les tendances socio-ethniques du pays ». Il a invité ses interlocuteurs à faire preuve de « solidarité » en jugeant non pas les personnes nommées au gouvernement mais plutôt le travail fourni.
« DES DÉPUTÉS VORACES ET VERSATILES »
Fin septembre 2020, Felix Tshisekedi avait effectué sa plus récente « visite privée » à Bruxelles. Il s’était entretenu au téléphone avec le Souverain belge avant d’être reçu par Sophie Wilmès, alors Premier ministre. Devenue ministre des Affaires étrangères, Mme Wilmès a rappelé bruyamment l’attachement de son pays au respect de la Constitution jetant un certain froid sur les rapports entre les deux Etats.
Avant de reprendre son avion pour Kinshasa, « Fatshi » avait accordé un entretien à des journalistes de la diaspora congolaise de Belgique. A l’époque, Alexander De Croo venait d’accéder au poste de Premier ministre du royaume de Belgique. « L’avènement d’Alexander De Croo à ce poste est une excellente nouvelle », disait-il en soulignant que « Papa De Croo » prénommé Herman est un vieil ami de la famille Tshisekedi. « Je l’ai toujours appelé Tonton Herman(…)« .
Six mois après, le monde politique belge se hâte très lentement à reprendre le chemin qui conduit à l’ex-Léopoldville (Kinshasa). Le Covid-19 est sans doute passé par là. Reste que la complexité de la situation politique au Congo-Kinshasa incite plus à l’expectative qu’à des effusions. Preuve s’il en était besoin que l’intérêt reste plus que jamais le socle des relations d’Etat à Etat.
Selon des informations parcellaires, le Président congolais devrait faire un nouveau « séjour privé » à Bruxelles. On peut gager qu’il aura des entretiens de haut niveau. Ses interlocuteurs européens en général et belges en particulier piaffent, sans aucun doute, d’impatience d’avoir la « bonne information » sur la situation du Congo-Kinshasa depuis l’implosion de la coalition Fcc-Cach.
Il ne reste plus qu’à croiser les doigts afin que les députés congolais refrènent leur « voracité » autant que leur « versatilité » afin que l’investiture du gouvernement Sama Lukonde se passe sans encombre. Un obstacle majeur sera ainsi franchi. A défaut, le chef de l’Etat aura du mal à convaincre ses interlocuteurs de l’efficacité de sa doctrine dite « Union sacrée de la Nation ».
Lors de l’entretien précité avec des médias de la communauté congolaise de Belgique, Felix Tshisekedi Tshilombo avait lancé ces mots: « D’ici 2023, la voie que j’ai tracé montrera à la population que c’était la bonne. Ceux qui se livrent au jeu stupide d’entraver mon action ne font que scier la branche sur laquelle ils sont assis. Nous irons au purgatoire pendant que, eux, iront en enfer ». C’était le 1er octobre 2020…
Baudouin Amba Wetshi