La nouvelle a été connue dans la soirée de lundi 21 septembre. Raison invoquée: « un agenda chargé ». Certaines sources font état d’incertitudes au plan sécurité. Qui dit vrai?
Une ambiance d’improvisation semble régner tant à la Présidence de la République qu’au ministère des Affaires étrangères où trône « Mama » Marie Tumba Nzeza. En l’espace d’une dizaine de jours, c’est la deuxième fois que le chef de l’Etat annule son voyage à Goma, le chef-lieu de la province du Nord-Kivu.
Attendu à Goma le 13 septembre dernier dans le cadre d’un mini-sommet qui devait réunir l’Angola, le Congo-Kinshasa, le Burundi, l’Ouganda et le Rwanda, le président Felix Tshisekedi Tshilombo n’a pas fait le voyage. En dernières minutes, on apprenait que les chefs d’Etat invités ont invoqué un tas de raisons pour justifier leur absence respective.
On savait pourtant que le Burundais Evariste Ndayishimiye et le Rwandais Paul Kagame ne peuvent pas aller en vacances ensemble. Il en est de même de l’Ougandais Yoweri Kaguta Museveni qui « déteste affectueusement » son ancien filleul devenu maître de Kigali. Les services de renseignements ne pouvaient ignorer ces réalités. Les ambassades congolaises en poste dans les capitales de ces pays, mêmement. Observer et informer font partie des missions essentielles de toute représentation diplomatique digne de ce nom.
« BOURDE DIPLOMATIQUE »
Des observateurs sont atterrés par ce rendez-vous manqué qui ressemble bien à une « bourde diplomatique ». Une improvisation. Qui devrait-on blâmer? Est-ce la direction du Protocole d’Etat et la direction Afrique du ministère des Affaires étrangères? Est-ce le chef de la diplomatie congolaise à qui est reproché d’ignorer son administration et de concentrer tous les dossiers au niveau de son cabinet? Est-ce le service du protocole de la Présidence de la République? Un manque de coordination entre ces entités?
Les mêmes observateurs n’ont pu s’empêcher de sourire en prenant connaissance du dernier communiqué publié par la ministre Marie Tumba imputant le « report sine die » de cette réunion de haut niveau à la Covid-19.
Attendu à Goma mardi 22 notamment pour procéder à l’inauguration d’un nouvel hôtel cinq étoiles, « Felix » a annulé ce déplacement alors qu’une équipe d’avance se trouvait déjà sur place. Il devait prolonger son séjour jusqu’à vendredi 25. Il semble que les cinq dirigeants devaient s’entretenir finalement par vidéoconférence. Motif de l’annulation: un « agenda chargé ». Des sources bien informées invoquent « une absence de conditions minimales de sécurité ».
On oublie souvent que les deux provinces du Kivu ont été occupées de 1997 à 2003 par des troupes rwandaises et ougandaises. Au cours de cette période, la ville de Goma abrita le « siège » du mouvement rebelle pro-rwandais du RCD. Celui-ci est un avatar de l’AFDL (Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo-Zaïre).
Dix-sept années après le « vrai-faux » départ de ces armées étrangères, des bandes armées continuent à y fleurir y compris en Ituri. Selon des sources, la ville de Goma serait truffée « d’agents dormants » au service du pouvoir rwandais. « On les trouve notamment dans les hôtels, commente un natif du chef-lieu du Nord-Kivu. Ndayishimiye et Museveni en sont conscients ».
« UNION » CONTRE-NATURE
L’annulation de ce voyage présidentiel est intervenu 24 heures après la rencontre qui a eu lieu, dimanche 20 septembre, entre le président Felix Tshisekedi et son prédécesseur « Joseph Kabila ». La dernière entrevue entre les deux hommes remonte au mois de juillet dernier. Durant trois mois, Des « noms d’oiseau » ont fusé de part et d’autre.
De quoi ont-ils parlé? Le « deal » conclu entre le Cach et le Fcc/Pprd, la candidature de Ronsard Malonda à la présidence de la Ceni (Commission électorale nationale indépendante), la nomination des juges à la Cour constitutionnelle, les nominations à la Territoriale et dans les postes diplomatiques sont parmi les sujets évoqués. On se croirait revenu – dix-sept années auparavant – à l’époque du « partage équitable et équilibré » des postes durant le régime de Transition « 1+4 » (2003-2006).
A en croire notre confrère Patient Ligodi, correspondant de RFI à Kinshasa, « Fatshi » et l’ex-raïs ont constaté, dimanche, leur désaccord sur tous ces sujets. Les « négociateurs » des deux camps devraient prendre le relais.
La coalition « Cach-Fcc » ne trouve plus grâce aux yeux des deux partenaires. Tout le restant n’est que faux-semblant. Les directions de deux plateformes semblent donner raison à leurs bases respectives. Celles-ci évoquaient déjà une « union contre-nature ». Depuis plusieurs mois, « Felix » ne fait plus mystère de sa volonté de s’émanciper. Au grand dam de « Kabila » et des caciques de sa mouvance.
Au cours d’un point de presse qu’il a animé, jeudi 17 septembre, André-Alain Atundu Liongo, un de communicants du « Front commun pour le Congo », a exhorté le Cach « à se ressaisir » et à « reprendre » sa place de « parti du pouvoir ». Pour Atundu, le Cach doit « quitter la rue ».
En séjour dans la province du Lualaba, le ministre de l’Environnement Claude Nyamugabo a soufflé sur les braises en annonçant, vendredi 18, le retour au pouvoir de Joseph Kabila à l’horizon 2023. « Le retour de Joseph Kabila n’est pas un slogan, c’est une réalité. Il va retourner au pouvoir et nous sommes en train d’y travailler. Toute la population attend cela avec impatience ». « Le sénateur à vie Kabila n’est pas éligible », tonnent les fatshistes. Un avis qui n’est pas partagé par les kabilistes. Pour des observateurs, Nyamugabo a été chargé de « réarmer moralement » les troupes du Fcc en plein désarroi. Ambiance!
Intervenant, jeudi 17 septembre, à l’émission « Bosolo na Politik » animé par Israël Mutombo, l’ex-candidate à l’élection présidentielle de 2018, Marie-José Ifoku, n’est pas allée par quatre chemins en déclarant que « le pays est pris en otage ». Elle appelle à une union nationale pour sortir le Congo-Kinshasa de cette situation. Sera-t-elle entendue? En attendant, la réponse à cette question, « Fatshi » n’ira pas à Goma ce mardi.
B.A.W.