Dans une lettre datée 3 juillet 2020, le député national François Nzekuye (Fcc/Pprd) a adressé une « question écrite » au ministre de la Santé, Eteni Longondo (Cach/Udps). Rien de plus normal. Sauf que le ton est volontairement discourtois autant que réquisitorial à en juger par l’objet de la correspondance: « Question écrite au sujet de la gestion financière catastrophique au sein de votre ministère. (…) ». Vous avez dit coalition?
Intervenant lundi 6 juillet sur la radio Top Congo, le ministre de la Santé, Eteni Longondo (Udps), médecin de son état, semblait réagir à la missive lui adressée par le député François Nzekuye Kaburabuza qui passe pour un des caciques de la mouvance kabiliste. Piqué au vif, il a riposté en déclarant que sur un montant de 27 millions $ déboursé par le gouvernement, il n’aurait géré que trois millions – en toute transparence – sur une enveloppe de dix millions mis à la disposition de son ministère.
A en croire Eteni Longondo, la Primature a géré 17 millions $. C’est à elle qu’incombe le paiement des salaires du personnel de la Riposte. « Les autres sommes étaient directement versées dans des comptes des hôpitaux qui en avaient besoin ». Le Fcc/Pprd Nzekuye sera-t-il satisfait de ces réponses? On peut en douter.
Dans sa « question écrite », ce kabiliste pur et dur écrit que « plusieurs sources » lui ont fait part de quatre « faits répréhensibles » imputables au destinataire de sa lettre et il voudrait « en avoir des explications ».
Lors de la formation du gouvernement que dirige le Premier ministre Sylvestre Ilunga Ilunkamba, le Fcc et le Cach ont eu la fausse bonne idée de « saucissonner » les ministères. Chaque ministre a pour adjoint un membre de l’autre camp et vice-versa. Le numéro 2 au ministère de la Santé porte le label Fcc/Pprd.
RETRO-COMMISSION, ENRICHISSEMENT ILLICITE
Le premier grief articulé par le député Nzekuye suggère la collaboration exécrable entre le ministre et son adjoint. La « gestion financière » de ce département échappe au second. Les autres griefs sont: manquement d’ordre éthique, politique et professionnel, des rétro-commissions et l’enrichissement illicite. On croirait lire un « mandat de comparution » émis par un procureur. Provocation?
On retiendra pour l’essentiel qu’il est reproché au ministre Eteni d’avoir non seulement passé commande des médicaments « en dehors des règles de passation de marché ». Les dits médicaments seraient « périmés ». Il lui est reproché également d’avoir exigé des « retro commissions ». Il lui est reproché enfin de s’être enrichi. « Des sources sûres nous informent que vous avez acquis des biens de valeurs, ne correspondant pas à vos revenus et qui sont postérieurs à votre entrée au gouvernement ».
Le député d’inviter le ministre de la Santé « d’éclairer la lanterne de l’assemblée nationale (…)« . L’intéressé, lui, assure être droit dans ses botte et envoie la « patate chaude » à la Primature en soulignant, au passage, que son ministère n’est pas le seul à s’occuper de la lutte contre la Covid-19. Selon lui, c’est un combat « multisectoriel ». C’est ainsi qu’une partie des fonds a été affectée à « d’autres secteurs ».
FCC-CACH: BRAS DE FER PERMANENT
Qui oserait jeter la première pierre sur le député François Nzekuye? Personne. L’homme ne fait qu’accomplir une des missions dévolues au Parlement. A savoir, « contrôler » le gouvernement (article 100-2 de la Constitution). Ce qui interroge ici c’est bien l’opportunité au regard de l’accumulation des sujets qui fâchent: l’éviction de l’Udps Jean-Marc Kabund de la 1ère vice-présidence de l’Assemblée nationale, les trois propositions de lois initiées par les députés Pprd Aubin Minaku et Garry Sakata, la brève interpellation du ministre de la Justice Célestin Tunda Ya Kasende et l’entérinement de Ronsard Malonda à la présidence de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni). La « Question écrite » de Nzekuye vient s’y ajouter. Devrait-on parler de la stratégie du bras de fer permanent?
Dix-sept mois après la « simili-alternance » intervenue le 24 janvier 2019 au sommet de l’Etat, des voix ne cessent de dénoncer l’immobilisme ambiant. Les réformes promises restent sur papier. L’appareil d’Etat paraît paralysé par un « mariage » qualifié unanimement de « contre-nature » entre des coalisés aux intérêts antagonistes.
L’Udps a prévu d’organiser une « marche pacifique » ce jeudi 9 juillet pour manifester contre l’entérinement de Ronsard Malonda – par la chambre basse – comme successeur de Corneille Nangaa à la présidence de Ceni. Les « jeunes » du parti kabiliste Pprd envisagent d’organiser « une série des marches »… pour « soutenir les institutions ». Dates choisies: le 8, 9 et 10 juillet.
Les deux camps paraissaient, mardi 7 juillet, sourds au refus du gouverneur de Kinshasa de « prendre acte » de leurs manif’ du fait notamment de l’état d’urgence. Devrait-on redouter un embrasement général après un affrontement entre les partisans des deux camps?
Le bras de fer permanent entre Fcc/Pprd et le Cach/Udps commencent franchement à lasser l’opinion congolaise. Une opinion qui attend désespérément les premiers signes de l’amélioration de la qualité de vie. Comment ne pas donner raison à ceux qui implorent au « Ciel » la dissolution de cette « union forcée » Fcc-Cach?
B.A.W.