Fayulu et Muzito accusent « Fatshi » de tentative de « glissement » et de « velléités dictatoriales »

Le président Felix Tshisekedi Tshilombo a dû sourire, mardi 24 août. Après avoir été qualifié de « placebo » et de « pantin » par le « président élu », Martin Fayulu Madidi, ce dernier dépeint désormais « Fatshi » sous les traits d’un « dictateur » potentiel. Fayulu a-t-il commencé à admettre que c’est « son frère Felix » qui exerce l’effectivité du pouvoir au Congo-Kinshasa? Une chose parait sûre: le leader de l’ECIDé est demandeur d’un « dialogue ». Un dialogue avec un pouvoir qu’il qualifie de « faible ».

« La fièvre du samedi soir ». C’est le titre d’un film qui a fait fureur dans les années 70. L’acteur américain John Travolta jouait le rôle de Tony Manero, un jeune ouvrier italo-américain doué pour la danse « disco ». Au Congo-Kinshasa, on assiste actuellement à la « fièvre électorale ». Et pourtant, les consultations politiques devraient avoir lieu au mois de septembre… 2023.

Vingt-quatre mois avant ces échéances cruciales (la présidentielle et les législatives), les états-majors politiques sont en ébullition. D’aucuns n’hésitent pas à parler « d’agitation ».

Moïse Katumbi

A Lubumbashi ou plus précisément à Kashobwe, Moise Katumbi Chapwe, président de l’Ensemble pour la République, parait de moins en moins à l’aise dans la coalition « Union sacrée de la Nation » (USN), mise en place en décembre 2020 par « son ami et frère » le président Felix Tshisekedi. Dans une interview accordée à l’hebdomadaire parisien « Jeune Afrique » en ce mois d’août, l’ancien gouverneur du Katanga dit, à haute et intelligible voix, tout le mal qu’il pense de la fameuse « proposition de loi Tshiani » que des Kinois ont rebaptisé par ironie « Congolais de père et de mère ». Vous avez compris, la finalité de ce projet législatif est de verrouiller certaines fonctions régaliennes.

La bruyante réaction de « Moïse » ne cesse de décontenancer des observateurs. « Il faut reconnaitre à chaque Congolais la liberté d’exprimer ses opinions. Rien ne prouve à ce stade que l’initiative de Noël Tshiani sera forcément coulée en loi », entend-on dire. Le « Gouv' », lui, a adopté une position maximaliste. Il menace de claquer la porte de l’USN dès que ce texte – endossée par le député Nsingi Pululu – sera inscrite à l’agenda de la plénière de l’Assemblée nationale. « Les élections de 2023 n’est pas une option. C’est une obligation », a-t-il prévenu.

VEILLEITES DICTATORIALES

Au cours d’un point de presse qu’il a animé, mardi 24 août, avec Adolphe Muzito, Martin Fayulu Madidi a déclaré que « l’heure est grave », « le pays est bord du chaos », avant d’inviter le peuple congolais de se lever « pour contrer les velléités dictatoriales de Felix Tshisekedi ». Il y a encore peu, « Martin » gratifiait « Félix » des surnoms de « pantin » et de « placebo ». Question: le président de l’ECIDé (Engagement pour la citoyenneté et le développement) se serait-il rendu à l’évidence que c’est « son frère » qui exerce l’effectivité du pouvoir?

Parlant au nom de la plateforme politique « Lamuka » (créée le 27 avril 2019 par Jean-Pierre Bemba, Martin Fayulu, Moïse Katumbi et Adolphe Muzito), Fayulu accuse le chef de l’Etat de préparer non seulement un « glissement » du calendrier électoral mais aussi la « fraude électorale ». A l’appui de cette thèse, le locuteur épingle l’absence d’une ligne budgétaire prévue pour les élections de 2023. Il cite également les nominations « illégales » des magistrats à la Cour de constitutionnelle. Pour boucler le tout, Fayulu suspecte « Fatshi » de soutenir en sous-mains l’un des candidats au poste de Président de la Ceni (Commission électorale nationale indépendante). Il s’agit de Denis Kadima Kazadi. « Lamuka n’acceptera aucun glissement ni aucune fraude électorale en 2023 », a-t-il lancé. Pour « Martin », ces faits tiennent lieu de commencement d’exécution de la « tentative ».

Pour « barrer la route » à ces « velléités dictatoriales », Martin Fayulu a invité le « peuple congolais à se lever ». Il s’agit de sortir dans les rues pour participer à la marche de protestation dans toutes les grandes villes du pays. Ce sera un test pour prendre la mesure de la popularité du duo Fayulu-Muzito. La date choisie, le 15 septembre prochain, constitue tout un symbole. Il marque l’ouverture de la seconde session ordinaire du Parlement. La session budgétaire. Les manifestants vont entonner trois slogans: « Pas de Ceni politisée; Pas de fraude électorale; Pas de glissement ».

Coïncidence ou pas, les « petits soldats » de l’ex-raïs se sont fait invités. Ils pourraient prendre part à cette manifestation. L’annonce a été faite, mercredi, par la Nouvelle Génération pour l’Emergence du Congo que dirige l’avocat Constant Mutamba. Celui-ci a félicité, au passage, l’opposition (le PPRD, la société civile, et l’Ensemble pour la République) d’avoir rechigné à désigner des délégués à la commission paritaire de la chambre basse où trône le constitutionnaliste André Mbata Mangu. Fayulu et « Kabila ».

REMETTRE LE COMPTEUR DE SELECTION DES CANDIDATS A ZERO

Martin Fayulu Madidi

D’après Fayulu, la loi portant organisation et fonctionnement de la Ceni devrait faire l’objet d’un réexamen. L’objectif serait, selon lui, d’arrêter les « règles du jeu » de manière consensuelle. Et partant, garantir des élections démocratiques et apaisées. Le président de l’ECIDé serait-il décidé à dialoguer avec les représentants d’un pouvoir qu’il n’a jamais reconnu?

Il importe d’ouvrir la parenthèse pour relever que les confessions religieuses (église catholique, église protestante et les églises de réveil) chargées de « sélectionner » le successeur de Corneille Nangaa sont en désaccord. Elles devaient remettre leur « procès-verbal » le mardi 17 août. Les catholiques et les protestants ont demandé de remettre le compteur à zéro en lançant un nouvel appel à candidature. Il semble que le postulant choisi par les six églises de réveil serait « techniquement meilleur ». Toutefois, il ne présente pas des garanties suffisantes en termes d’indépendance vis-à-vis de l’actuel magistrat suprême. Certains observateurs estiment que ce dernier devrait mettre fin à ce blocage en invitant les confessions religieuses à proposer d’autres candidats. Fermons la parenthèse.

Intervenant, mercredi 25 août, au « Journal Afrique » de la chaîne de télévision France24, Tharcisse Kasongo Mwema Yamba Y’Amba, a exclu toute idée de « passage en force »« . Il a néanmoins reconnu qu’il sera difficile d’accorder une « éternité » aux confessions religieuses. Il arrivera un moment où le président de la République va devoir se concerter avec les acteurs socio-politiques pour convenir de la voie à suivre.

 

Baudouin Amba Wetshi

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