Une polémique dérisoire. C’est le moins que l’on puisse dire de la « controverse » suscitée autour de « l’information » – la rumeur? – selon laquelle Martin Fayulu a, jeudi 24 juin, « rencontré secrètement », l’ex-président « Joseph Kabila » dans la fameuse ferme de Kingakati.
L’auteur de cette « nouvelle » a poussé plus loin son souci de précision en « révélant » non seulement la marque mais aussi le numéro de la plaque minéralogique du véhicule à bord duquel Fayulu et son acolyte Adolphe Muzito auraient fait le déplacement. A en croire cet auteur qui n’a pas été capable de divulguer l’identité du propriétaire de ladite automobile, celle-ci aurait été « aperçue » à l’entrée de cette ferme.
Membre de l’opposition congolaise, Martin Fayulu qui se dit « résistant » a parfaitement le droit de rencontrer les acteurs politiques du pays. Il peut prendre langue avec l’ex-raïs. Et pourquoi pas avec l’actuel chef de l’Etat Felix Tshisekedi Tshilombo? Dans un « pays normal », il n’y a franchement rien à fouetter un chat. Bien au contraire. C’est un signe de maturité politique.
Les observateurs ont été surpris de voir le secrétaire général du parti ECIDé monter au créneau, le lendemain, au cours d’une conférence de presse, pour « rejeter en bloc ces allégations ». « C’est une honte de faire circuler ce genre de bêtises », a déclaré Devos Kitoko. Pour lui, « c’est faux et archifaux ». Fayuliste devant l’Eternel, un confrère kinois qui se reconnaitra ne dira pas autre chose dans un média de la place: « C’est faux archifaux! »
Ceux qui ont l’habitude de suivre les débats sur les médias congolais avouent leur consternation de voir des journalistes – sortis pourtant de cette grande école de journalisme qu’est l’Ifasic – se comporter en propagandistes voire en agent publicitaire de tel opérateur politique ou tel autre.
Sans le savoir, Kitoko et ce confrère ont implicitement confirmé que l’ancien candidat à l’élection présidentielle du 30 décembre 2018 qu’est Martin Fayulu, est devenu prisonnier de ses outrances verbales. Il est devenu prisonnier de son discours populiste. Aussi, aurait-il peur de se faire déjuger par ses « partisans » dont les tympans ont été habitués à entendre un « discours guerrier ». Sans tact. Intransigeant.
Le 30 décembre 2018, les Congolais sont allés aux urnes afin d’élire leur nouveau Président de la République. Le 10 janvier 2019, la Commission électorale nationale indépendante (Ceni), l’institution chargée de l’organisation du processus électoral (article 211-2 de la Constitution) publie les « résultats provisoires »: Felix Tshisekedi Tshilombo est proclamé vainqueur. Le 19 janvier, la Cour constitutionnelle vint confirmer « l’oracle » de la Ceni. Pour tout républicain, les jeux sont faits. Le débat est clos. Et ce jusqu’à l’administration de la preuve contraire. L’opinion a attendue en vain cette preuve. Les juristes ne disent-ils pas que « prétendre avoir un droit sans le prouver équivaut à ne pas avoir de droit »?
Question: vingt-neuf mois après les consultations politiques du 30 décembre 2018, unanimement qualifiées de « chaotiques », les Congolais n’aspirent-ils pas à un débat plus policé et apaisé? N’aspirent-ils pas à un débat moins politicien qui laisserait la place à des discussions centrées sur l’intérêt général et les véritables préoccupations de la population?
Fayulu a-t-il rencontré « Kabila »? Et alors? Une telle rencontre n’a aucun caractère événementiel. Sauf si les deux acteurs politiques estimaient que « l’ennemi de mon ennemi est mon ami ». Et que l’heure a sonné, pour eux, de sceller une alliance (contre-nature) pour les échéances politiques de 2023.
Les Congolais ont encore frais en mémoire la date du 11 décembre 2018. C’était à Lubumbashi. Le candidat Martin Fayulu n’a pu battre campagne. Pire, son intégrité physique fut quasiment menacée. Le président sortant « Joseph Kabila » avait déployé autopompes et autres sbires pour l’en empêcher. Bilan: six morts et plusieurs blessés. « Mama » Eve Bazaiba en était témoin…
Baudouin Amba Wetshi