Faut-il que la Cenco observe les futures élections?

Mayoyo Bitumba Tipo-Tipo

Mayoyo Bitumba Tipo-Tipo

Dans cet article, nous n’allons pas nous intéresser sur les dispendieuses et inutiles missions d’observation électorale de l’Occident ou de l’Union Africaine (UA) dans les Etats africains. Le rituel est désormais connu. Une flopée d’observateurs étrangers débarque dans un pays. Leur mission déclarée est d’assurer que les élections soient libres, justes et transparentes. Des conclusions et recommandations sont rédigées à la fin du processus. Que les rapports soient positifs ou négatifs, rigoureux ou complaisants, la légendaire indignation sélective occidentale ou de l’UA aidant, le résultat est le même. Il n’y a aucune incidence sur les résultats proclamés, que ceux-ci reflètent ou non la vérité des urnes. Comme l’Afrique évolue encore au stade du Moyen-Age en matière de gouvernance, la comédie se poursuit lors des scrutins à venir.

Nous allons plutôt nous pencher sur l’observation électorale par les Africains eux-mêmes à l’intérieur de leurs frontières nationales respectives. Tel fut le cas de la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco) qui, lors des élections générales du 30 décembre 2018, a déployé 40.000 observateurs; exploit que tout parti politique ou toute autre composante de la société civile aurait du mal à accomplir. Pour la Cenco et particulièrement au sujet de l’élection présidentielle, le résultat publié par la Commission électorale indépendante (Ceni) constituait un flagrant déni de vérité.

Prenant la parole à Bruxelles le 25 février dernier devant les Grandes conférences catholiques sur le thème « Quel avenir pour le Congo? », l’ancien archevêque de Kinshasa, Mgr Laurent Monsengwo Pasinya, a déclaré à plusieurs reprises ce qui suit: « Les évêques ont clairement dit que, d’après leurs observateurs, c’est Fayulu qui a gagné les élections ». Lui répondant en écho, son successeur, Mgr Fridolin Ambongo Besungu, n’a pas mâché ses mots dans son message lu dans toutes les paroisses de l’archidiocèse de Kinshasa lors des célébrations pascales ce 20 et 21 avril. Brossant un tableau sombre de la situation du pays, il a constaté, avec raison, que « le désespoir gagne de plus en plus les cœurs des Congolaises et Congolais. Les récents éléments politiques n’ont pas beaucoup réalisé les rêves de notre peuple ». Faisant allusion à la proclamation des résultats de la dernière élection présidentielle, il a expliqué que « les espoirs de tout un peuple ont été brisés et sacrifiés à l’autel des intérêts et calculs égoïstes de quelques personnes créant ainsi frustration et découragement ».

Le chef de la nouvelle bande mafieuse que sont ces « quelques personnes » aux « intérêts et calculs égoïstes » n’est personne d’autre que l’actuel président Félix Tshisekedi. En bon comédien, ce dernier s’est rendu le dimanche 21 avril matin à la messe à la cathédrale Notre-Dame du Congo où il a été accueilli par le cardinal Monsengwo. Celui-ci a souhaité que le mandat de Tshisekedi « soit bénéfique » pour le peuple, consacrant ainsi la réconciliation entre un tricheur doublé d’un traitre à la nation et l’Eglise catholique.

Qu’elle soit catholique ou autre, l’Eglise, il faut le souligner, n’est pas une œuvre divine mais humaine. D’ailleurs, ce n’est pas Dieu qui a créé l’homme. C’est plutôt l’inverse qui est vrai. L’homme a créé Dieu pour répondre aux deux plus grandes questions existentielles: d’où vient-il et où va-t-il après la mort? Raison pour laquelle l’idée que l’homme se fait de Dieu est différente d’une société à une autre et au sein d’une même société, d’une époque à une autre. Raison pour laquelle les hommes s’entretuent même au nom de Dieu.

Cela dit, on comprend que l’Eglise catholique congolaise se réconcilie avec un individu qui a délibérément et ouvertement violé deux des dix commandements qui, selon la Bible, ont été gravés sur la pierre par Dieu lui-même et donnés à Moïse sur le mont Horeb, au désert du Sinaï. Dixième commandement: « Tu ne convoiteras pas la femme de ton prochain. Tu ne convoiteras pas la maison de ton prochain, ni son champ, ni son serviteur, ni sa servante, ni son bœuf, ni son âne, ni rien de ce qui lui appartient ». Devant toute la nation, Félix Tshisekedi a convoité la victoire électorale de Martin Fayulu. Huitième commandement: « Tu ne commettras pas de vol ». Le fils de l’éternel opposant Tshisekedi wa Mulumba a allègrement accepté que le despote Joseph Kabila vole pour lui la victoire électorale de Martin Fayulu. Pire, insatisfait d’avoir violé deux commandements, Félix Tshisekedi récidive en violant un troisième, le troisième commandement justement, en se rendant à la messe comme un bon catholique pratiquant: « Tu n’utiliseras pas le nom de l’Eternel ton Dieu pour tromper ».

L’attitude de l’Eglise catholique traduit l’embarras dans lequel l’acte posé par Félix Tshisekedi a plongé toute la nation. Celle-ci se trouve en face d’un tricheur doublé d’un traître qu’elle devrait normalement vilipender. Mais elle doit plutôt le soutenir dans l’espoir de le voir mettre officiellement hors d’état de nuire le despote Joseph Kabila. Publié par CIC le 26 janvier 2019, notre article intitulé « Fayulu, taisez-vous SVP! » traduit le même état d’esprit. Car, dans des circonstances normales, on devrait plutôt encourager Fayulu à poursuivre par tous les moyens la lutte pour la vérité des urnes.

Comme nous-mêmes, l’Eglise catholique est pragmatique. Mais faudra-t-il encore qu’elle déploie des observateurs lors de prochaines échéances électorales? Oui et non.

Commençons par le « non ». Observer un processus électoral et rédiger un rapport pour que celui-ci ne serve à rien ne répond à aucune rationalité. Non seulement c’est une perte de temps et d’énergie, mais c’est aussi et surtout une perte de moyens financiers qu’on devrait allouer au parent pauvre de la politique du ventre chère aux dirigeants africains, à savoir le domaine social. « Oui », si et seulement si la constitution, déjà mal ficelée concernant les fondamentaux de la bonne gouvernance, est reformée pour que l’observation électorale par la société civile conduite par l’Eglise catholique soit dotée de mêmes pouvoirs qu’un juge de touche dans ses missions de surveillance des sorties du ballon de l’aire de jeu et de signalement des positions de hors-jeu des joueurs.

 

Par Mayoyo Bitumba Tipo-Tipo

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