Tout est vanité! Jeannot Mwenze Kongolo, 61 ans, est mort. L’homme n’était pas n’importe qui. Il avait rejoint l’AFDL (Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo-Zaïre) à l’étape de Goma en novembre 1996. Il a fait partie des principaux collaborateurs du président Laurent-Désiré Kabila jusqu’en 2001.
La nouvelle du décès a été confirmée, lundi 28 juin, par l’Union pour la nation congolaise (UNC) de Vital Kamerhe. « VK » et « Jeannot » qui était président du parti kabiliste (PK), avaient scellé une alliance. Les deux hommes représentaient ceux qu’on pourrait appeler les « déçus du kabilisme joséphite ».
« Jeannot » faisait partie de ceux qui savent la vérité non seulement sur les circonstances exactes de la mort de Mzee mais surtout, sur le secret d’Etat le mieux gardé concernant l’accession d’un certain général-major « Joseph Kabila » à la tête de l’Etat congolais.
En octobre 1996, la terre entière apprend la naissance d’une « rébellion zaïroise » dénommée « AFDL ». C’était une trouvaille du président ougandais Yoweri Kaguta Museveni et du général Paul Kagame alors vice-président et ministre de la Défense du Rwanda. Laurent-Désiré Kabila est désigné porte-parole avant d’en devenir le Président.
L’OBMA ET LES BIENS MAL ACQUIS
Membre de l’Anacoza (All North America Conference on Zaïre), une association qui regroupait des ressortissants zaïro-congolais vivant aux Etats-Unis et au Canada, Jeannot Mwenze, alors militant de l’Udps, décide de rejoindre ce mouvement insurrectionnel à l’étape de Goma. Il est promu commissaire à la Justice. Après l’entrée de l’AFDL à Kinshasa, il est « bombardé » ministre des Affaires Intérieures dans le gouvernement dit de « salut public » mis en place au mois de juillet 1997. En août 1998, il prend le portefeuille de la Justice.
Un ancien collaborateur de Mwenze, qui a requis l’anonymat, confie: « Le ministre Jeannot Mwenze fut un homme très respectueux des autres. Membre de l’AFDL, il avait franchement la volonté de réformer la société congolaise dans le secteur qui lui était confié. C’est l’environnement congolais qui l’a empêché de réaliser cet idéal. Le ministre Mwenze était quelqu’un de bien ». Cet avis est loin de faire l’unanimité.
Ministre de la Justice, Jeannot Mwenze Kongolo avait créé le fameux OBMA (Office des Biens Mal Acquis). Cette structure s’est illustrée par divers abus. Les nouveaux maîtres du pays se sont approprié les biens qualifiés de « mal acquis » appartenant à des anciens dignitaires du régime de Mobutu Sese Seko.
JEANNOT MWENZE MULTIPLIE LES BOURDES AU MINISTERE DE LA JUSTICE
Ivre de son omnipotence, « Jeannot » va multiplier des bourdes. Primo: en avril 1998, il accuse les organisations de défense des droits de l’Homme de nuire à l’image du nouveau pouvoir. Secundo: en août 1998, il fait arrêter des cambistes accusés, selon lui, de brader la toute nouvelle monnaie congolaise en appliquant un taux de change supérieur au taux officiel de 1 CDF pour 1.38 $. Tertio: en novembre 1998, il met en place une commission chargée de « moraliser le système judiciaire ». Il soumet au président LD Kabila un décret décrié portant révocation de 315 magistrats. Ces derniers sont accusés de « moralité douteuse, corruption, incompétence notoire, comportement contraire à l’honneur et la dignité de leurs fonctions ». Les intéressés, dont certains sont décédés, n’ont cessé de dénoncer l’arbitraire en reprochant au ministre Mwenze de les avoir punis en méconnaissance de leur droit de la défense. Ils n’ont pas été préalablement entendus par ladite commission dirigée par Bruno Mpiango, alors premier président de la Cour suprême de justice.
Dans les mêmes circonstances de temps, le très zélé ministre Mwenze va accuser les organisations de défense des droits humains de « déstabiliser le gouvernement et de contribuer sensiblement à la diminution de l’aide extérieure ». L’Azadho fut banni du territoire national.
Après la mort de Mzee Kabila, « Jeannot » a fait partie de ceux qui avaient monté de toutes pièces la « version officielle » sur les circonstances du décès du président LD Kabila. A savoir que ce dernier fut abattu dans son bureau de travail par un membre de sa garde rapprochée nommé Rachidi Kasereka. Une thèse balayé du revers de main par Georges Mirindi. Ancien garde du corps du défunt Président, Mirindi accuse les « généraux » dont « Joseph Kabila ». Selon lui, Mzee Kabila avait annoncé sa volonté d’épurer l’armée après la prise de Pweto par des combattants du RCD.
MWENZE PAIE LE PRIX DE SON FRANC-PARLER
Sous la pression de certains milieux occidentaux, « Kabila » s’est empressé d’écarter les anciens compagnons de son « père ». Outre Mwenze, c’est le cas notamment de: Yerodia Abdoulaye Ndombasi, Gaétan Kakudji, Mawampanga Mwana Nanga et tant d’autres.
Fin septembre 2017, l’ancien ministre Jeannot Mwenze Kongolo sort l’artillerie lourde. Il pilonne les positions de « Kabila ». Dans une interview accordée à la journaliste Sylvie Bongo dans le cadre de l’émission « Po Na Ekolo », il tonne: « Joseph Kabila n’est pas à la hauteur de la fonction ». Pour lui, « Joseph » a fait preuve de « déviationnisme » en trahissant « l’idéal de combat » de Mzee. « Le pays a besoin non pas d’alternance mais d’une alternative », déclarait-il. Et ce afin d’empêcher « Kabila » de se faire remplacer par son « clone ».
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L’histoire ne dit pas si Jeannot Mwenze Kongolo aurait pu tenir ces propos « irrévérencieux » à l’époque où il était membre du gouvernement. Une chose paraît sûre: « Kabila » n’osait pas s’en prendre à lui. L’homme est mort dans un total dénuement. Il paie sans doute le prix de son franc-parler…
B.A.W.