L’adjectif « dérangé » est défini dans le petit Larousse par trois mots: « un peu fou ».
Deux semaines après la répression barbare de la marche pacifique organisée le 31 décembre 2017 par le Comité des laïcs chrétiens (CLC), nombreux sont les Zaïro-Congolais qui commencent à s’interroger sur la santé mentale du despote – très peu éclairé – qui trône à la tête de leur pays depuis dix-sept ans.
En envoyant ses sbires dont des mercenaires étrangers lancer des bombes lacrymogènes tout en tirant des balles réelles dans l’enceinte de plusieurs chapelles, « Joseph » a franchi la « ligne rouge ». L’homme s’est tiré une « balle dans la tête » en faisant profaner ces lieux considérés comme sacrés par la grande majorité de la population.
Président hors mandat, « Joseph » et ses affidés se trompent en pointant du doigt le cardinal Laurent Monsengwo. L’archevêque de Kinshasa n’est pas le problème. C’est bien lui l’épicentre du problème en créant une nouvelle crise de légitimité.
Les jours, les semaines et mois à venir pourraient démontrer que l’oligarchie en place entame lentement mais sûrement son « agonie ». Une agonie qui sera peut-être longue. Mais une « mort » certaine s’en suivra. Ne dit-on pas que les mêmes causes produisent les mêmes effets?
QUELLES SONT CES CAUSES?
Lors des consultations populaires organisées de janvier à mars 1990 par le président Mobutu Sese Seko, les Zaïrois d’alors avaient fustigé la dictature, l’arbitraire, le népotisme, la corruption. Sans omettre, la gabegie et les violations des droits humains. Ce rejet du « système Mobutu » sera confirmé et formalisé lors des travaux de la Conférence nationale souveraine (1991-1992).
L’article 7 du projet de Constitution rédigé par les « conférenciers » stipulait déjà ce qui suit: « Le peuple a le droit sacré de désobéir et de résister à tout individu ou groupe d’individus qui prend le pouvoir ou s’y maintient par la force ou l’exerce en violation de la Constitution ». Cette formulation a, sans conteste, inspiré les législateurs de 2005. L’article 64 de la Charte fondamentale promulguée le 18 février 2006 ne dit pas autre chose.
Lorsque l’AFDL (Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo) a fait son entrée joyeuse le 17 mai 1997 à Kinshasa, les nouveaux maîtres du pays – Laurent Désiré Kabila en tête – avaient cru que les ex-Zaïrois avaient immolé la « dictature mobutiste » juste pour commencer à adorer la « dictature kabiliste ». Erreur.
Ivres de leur « victoire », les « libérateurs » du 17 mai 1997 ont perdu de vue que leur « promenade de santé » d’Uvira à Kinshasa a été facilité par le « travail de sape » accompli, de 1990 à 1997, par l’opposition non-armée et la société civile. Les Forces armées zaïroises ne se sont guère battues. L’AFDL n’avait-elle pas promis l’instauration de l’Etat de droit et la démocratie?
Contre toute attente, le nouveau pouvoir s’est empressé de commettre les errements reprochés jadis à la IIème République: arbitraire, violations des droits et libertés, dérive dictatoriale, tribalisme, régionalisme etc.
Le 16 mai 2001, LD Kabila est mort dans les conditions mystérieuses que l’on sait. Il est remplacé par une sorte d’OVNI politique dont le parcours personnel fait partie des secrets les mieux gardés de la République. L’homme est crédité de plusieurs lieux de naissance. Pire, il a eu à porter d’autres identités – Kanambe, Mtwale – et même à accomplir le service militaire dans l’armée tanzanienne.
QUID DES EFFETS?
Depuis son arrivée à la tête de l’Etat, « Joseph Kabila » a institué l’arbitraire et ce que Floribert Chebeya appelait « la culture de la gâchette facile ». La dignité de la personne est méprisée. La mort est banalisée.
Dès le mois de septembre 2001, le nouveau chef de l’Etat inaugura son pouvoir par des procès dignes de l’époque stalinienne. Nonante-huit personnes sont jugées à Likasi pour « complot contre LD Kabila » et le nouveau « raïs ». A la tête des accusés, il y a l’officier Calvin Kandolo. Plusieurs condamnations à la peine de mort seront prononcées et exécutées par la défunte Cour d’ordre militaire. En 2003, il y aura le méga-procès des « assassins » de Mzee.
« Elu » sans programme ni projet de société en octobre 2006 face à Jean-Pierre Bemba, « Joseph » de promettre aux Congolais des « bosses » et des « plaies ». Pour lui, le « redressement » du pays commence par « mâter » ses nombreux contempteurs. Dans une interview au « Soir » de Bruxelles daté du 16 novembre 2006, l’homme promet de faire preuve de « sévérité ». Il a tenu parole.
En mars 2007, les Kinois ont été surpris d’assister à une « guerre » en plein centre des affaires entre la garde prétorienne de « Joseph » et les éléments de la garde rapprochée de son ancien challenger Bemba Gombo. Des armes lourdes furent utilisées pendant que les enfants étaient à l’école. Une scène sans précédent.
En 2007 et 2008, des membres du « bataillon Simba » commandés par le « général » John Numbi ont massacré des adeptes du mouvement politico-religieux « Bundu dia Kongo ». Dans un entretien au « Soir », « Joseph » s’est vanté d’avoir déjoué un « projet de déstabilisation » au Bas-Congo. Pour lui, « il fallait sévir avec rigueur ».
Les Congolais sont horrifiés de voir des militaires emporter les cadavres de leurs victimes pour effacer des traces. Des pratiques venues d’un autre monde.
Depuis le 26 janvier 2001 à ce jour, on ne compte plus le nombre de vies humaines broyées par le rouleau compresseur du tyranneau « Joseph Kabila ». On ne compte pas non plus le nombre de paisibles citoyens envoyés en prison ou en exil.
Après la répression du 31 décembre 2017, le Président hors mandat a récidivé le 12 janvier 2018. Les fameux « GR », déguisés en policiers, ont lancé des bombes lacrymogènes sur des fidèles venus assister à la célébration eucharistique organisée à la mémoire des « Martyrs du 31 décembre ». Des tirs à balles réelles eurent lieu devant la Cathédrale Notre Dame à Lingwala. Il n’y a plus de doute: le Congo-Kinshasa est dirigé par un homme « mentalement dérangé ».
En cette année 2018, le successeur de Mzee a perdu non seulement la tête mais aussi l’opinion congolaise. Peut-on gouverner un Etat sans l’opinion?
Baudouin Amba Wetshi
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