Un Etat n’est que le reflet de la personne qui le dirige ou de sa classe dirigeante.
Une digression. Depuis l’entrée d’Emmanuel Macron à l’Elysée, la France vit dans une ambiance de renouveau. Les Français semblent avoir retrouvé un réel optimisme voire la fierté d’être Français.
Personne ne pourrait nier au successeur de François Hollande la haute idée qu’il a de cette fonction exceptionnelle. Personne ne pourrait lui nier non plus le grand dessein qu’il nourrit pour son pays. Macron aime la France et paraît soucieux de la cohérence entre ce qu’il dit et ce qu’il fait.
La voix de la France est à nouveau plus qu’audible. En l’espace d’un mois, la capitale française a vu « défiler » le Russe Vladimir Poutine, l’Allemande Angela Merkel et l’Américain Donald Trump. Sans omettre le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu. Celui-ci est venu participer, dimanche 16 juillet, à la commémoration des rafles des Juifs de France durant l’occupation allemande.
Au plan extérieur, Emmanuel Macron a pris la résolution de jouer à fond la carte du « pragmatisme diplomatique ». Pour lui, il faut dialoguer avec tout le monde y compris avec ceux qui ne partagent pas les mêmes principes.
L’arrivée du fondateur de la « République En Marche » à la tête de l’Hexagone commence à donner des « idées » à d’autres nations qui aspirent au renouvellement du personnel politique. C’est le cas notamment de la Belgique francophone où le Cdh (humaniste) de Benoît Lutgen a engagé le pari d’envoyer les socialistes d’Elio di Rupo – au pouvoir depuis 30 ans – dans l’opposition. Et ce tant en Région wallonne, à Bruxelles-Capitale qu’à la Fédération Wallonie-Bruxelles.
Contrairement à certains de ses prédécesseurs, le nouveau Président français veut rassembler ses compatriotes. Il veut faire bouger les frontières artificielles tracées par les idéologies. Le général Charles De Gaulle a été le précurseur de cette politique.
POLEMIQUE
Comparaison n’est pas raison. Qu’en est-il du Congo dit démocratique?
Pays-continent avec neuf voisins (Angola, Burundi, Centrafrique, Congo-Brazzaville, Ouganda, Rwanda, Soudan du Sud, Tanzanie, Zambie), une superficie de 2.345.000km² et une population évaluée à 70 millions d’âmes, le Congo-Zaïre possède tous les atouts pour figurer dans le peloton de tête des Etats africains qui gagnent.
Depuis le 17 mai 1997, date de la prise du pouvoir par l’Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo-Zaïre – une trouvaille rwando-ougandaise -, la voix de l’ex-Zaïre n’est plus audible.
Que l’on se comprenne bien. Il ne s’agit pas ici de soutenir que le Zaïre de Mobutu Sese Seko fut un paradis. Le « Grand Léopard » a été vomi par la population et renversé par l’AFDL parce qu’il avait failli. Reste que le renversement d’un dictateur ne peut être considéré comme un programme politique.
Porté au pouvoir par ses parrains ougandais (Yoweri Museveni) et rwandais (Paul Kagame), Laurent-Désiré Kabila s’évertuait littéralement à augmenter le nombre de ses ennemis assenant un coup à l’image du pays prétendument « libéré ». L’Etat de droit et la démocratie promis aux ex-Zaïrois n’ont pas été au rendez-vous.
De mai 1997 à mi-janvier 2001, le Mzee est apparu imprévisible et ombrageux. Il a entretenu des relations exécrables avec l’ONU et les Etats-Unis. Il en est de même avec l’Union Européenne. Inutile d’évoquer des graves violations des droits humains et le verrouillage des espaces de droits et libertés. Papa Kabila est décédé le 16 janvier 2001 dans des circonstances non-élucidées à ce jour.
Lorsqu’il succède au Mzee un certain 26 janvier de la même année dans les conditions pour le moins mystérieuses, le « général major » « Joseph Kabila » était âgé de 29 ans. D’aucuns avaient espéré un vent de renouveau. Erreur. L’homme sera tout le contraire d’un rassembleur. Il s’est appuyé sur un groupe de Congolais contre d’autres.
« Joseph » a dû affronter la polémique suscitée par le mystère entourant tant son lieu de naissance (Hewa Bora, Fizi, Yungu, Mpiki), sa filiation, son identité que son parcours personnel.
« SITE EN CONSTRUCTION »
Au fil du temps, les Congolais apprendront que le « raïs » s’appelait également Hippolyte Christopher Kanambe ou Hippolyte Mtwale (voir Revue pour l’intelligence du monde, juillet/août 2006; Histoire du Congo, les quatre premiers Présidents, de Célestin Kabuya Lumuna Sando, éditions Secco & Cedi).
Pire, les ex-Zaïrois entendront dire, par ailleurs, que leur nouveau « Chef » a fait le service militaire dans l’armée tanzanienne (Interview de Sifa Mahanya, « Le Soir » daté 02.06.2006).
Tout au long de l’année 2002, l’internaute qui cliquait sur l’icône « biographie » sur le site de la Présidence de la République démocratique du Congo, recevait cette réponse: « Site en construction ». Les Congolais attendront le 16 décembre 2002 pour avoir sous les yeux le CV de leur Président via une dépêche de l’AFP (voir Dico Rebelle, 2004, édition Michalon). Que voulait-on cacher?
C’est le 28 février 2006 que Kudura Kasongo Mwana Luaba, alors porte-parole à la Présidence, va publier la « note biographique » du successeur de Mzee. Un document entaché d’inexactitudes.
« Joseph Kabila » est arrivé au pouvoir quelques mois seulement après le lancement des Objectifs du Millénaire de Développement. C’était lors de l’Assemblée générale des Nations en octobre 2000. On peut citer: réduire l’extrême pauvreté et la faim; assurer l’éducation primaire à tous; promouvoir l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes; réduire la mortalité infantile; améliorer la santé maternelle; combattre le VIH/SIDA, le paludisme et autres maladies; assurer un environnement humain durable.
Quinze années après, le constat est là: 18 millions d’adultes congolais ne savent ni lire, ni écrire, ni calculer. C’est la teneur du rapport publié en janvier 2016 par l’ONG « Coalition nationale de l’éducation pour tous » (CONEPT). Un pays aspirant à la modernité peut-il vivre avec une population non-instruite?
En seize années de présence au sommet de l’Etat, « Kabila » n’a apporté aucun progrès au plan économique et social. Le pays ne produit rien. Il importe tout. Le pays est un vrai désert industriel. En fait l’homme n’a aucun projet ni grand dessein. Il endort la population par quelques réalisations tape à l’œil. Sans impact sur le développement.
DES RELATIONS SUSPECTES
Sur le plan sécuritaire, l’échec est également patent: Kasaï Central, Kasaï, Beni, Lubero, Fizi etc. Ancien rebelle, vrai pyromane et faux pompier, « Joseph » entretient des relations suspectes avec certains chefs miliciens dont les bandes armées répandent la terreur et la mort au Katanga, au Nord Kivu et au Sud Kivu.
On peut citer notamment: Kyungu Mutanga, alias « Gédéon » et les Bakata Katanga; les « Maï Maï Mazembe », une création du chef barbouze Kalev Mutondo; les FDLR (« Kabila » a tenté plusieurs fois d’amorcer le dialogue entre Paul Kagame et les rebelles Hutu); Bosco Ntaganda; Franck Bwambale Kakolele (Ituri), ancien bras droit de Laurent Nkunda. Il y a enfin l’Ougandais Jamil Mukulu qui est présenté comme le leader des ADF (Forces démocratiques alliés). Celui-ci est une vieille connaissance au « général major » « Joseph Kabila ». Les deux hommes auraient vécu sous le même toit au Quartier Ma Campagne.
En dépit de ce bilan désastreux au plan sécuritaire, social, politique et économique, « Joseph Kabila » qui est un pur produit de l’AFDL s’accroche au pouvoir. Pour quoi faire? Sans doute pour préserver des biens mal acquis. Ce n’est pas tout.
Concepteurs de l’AFDL, les présidents Yoweri Museveni de l’Ouganda et Paul Kagame du Rwanda considèrent l’ex-Zaïre non seulement comme une caverne d’Ali Baba mais surtout comme une « menace » pour la sécurité nationale de leurs pays respectifs. Aussi tiennent-ils à la présence d’un « régime ami » à Kinshasa. Un régime incarné par « Joseph ».
Le successeur de Mzee semble avoir reçu de ses mentors ougandais et rwandais la « mission » de maintenir le Congo-Kinshasa à genoux pour permettre à l’Ouganda et au Rwanda de rester debout. L’ex-Zaïre stagne pendant que ses deux voisins progressent.
Aux Congolais d’en tirer les conséquences…
Baudouin Amba Wetshi