La publication, fin juillet, de la répartition ou plutôt du « partage » des ministères entre la mouvance kabiliste dite « Front commun pour le Congo » (FCC) et le « Cap pour le changement » (CACH) du duo Tshisekedi-Kamerhe a provoqué une véritable stupeur au sein de l’opinion congolaise.
L’attribution des portefeuilles du futur exécutif annonce le « retour en force » de l’ancien président « Joseph Kabila » à travers ses hommes-lige. Des femmes et des hommes qui n’ont pas peu contribué à transformer le Congo-Kinshasa en un champ de ruines au bout de dix-huit années de gouvernance d’une médiocrité quasi-organisée.
Arrivée au pouvoir le 26 janvier 2001, soit trois mois après le lancement, par l’Assemblée générale des Nations Unies, des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD), le successeur de Mzee a laissé un « désert industriel ». Rien n’a été fait pour impulser le développement économique.
En 2016, le Congo-Kinshasa comptait 18 millions d’adultes qui ne savaient ni lire ni écrire, d’après un rapport documenté du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD). Et pourtant, « assurer une éducation primaire pour tous » est une des priorités des OMD.
Quel « rêve » nouveau « Kabila » et sa bande de profiteurs de la République peuvent encore proposer aux Congolais en une législature? Alors même qu’ils ont été bien incapables d’accomplir le moindre « miracle » économique ou social en dix-huit ans.
Dans les jours ou semaines à venir, les Congolais aux quatre coins du pays vont revoir ces individus au « look » antipathique, arrogants et stupidement vaniteux à la tête des départements ministériels stratégiques que sont notamment la Justice, la Défense nationale, les Finances, le Portefeuille, les Mines, la Décentralisation et les Infrastructures et travaux publics.
Dieu seul sait ce qu’il va advenir des administrations génératrices des recettes (Douanes, Impôts, Recettes administratives et domaniales etc.) lesquelles sont toujours et encore entre les mains des « mandataires »inféodé à ce clan mafieux.
Prévoyant le désaveu qui pend au-dessus de sa tête telle l’épée de Damoclès, le président Felix Tshisekedi Tshilombo tente en ce moment une opération de « déminage » voire de coupe-feu.
Lors de son récent séjour à Abuja, il a tenu une « causerie morale » à l’adresse des membres de la diaspora congolaise du Nigéria. Il a exhorté ceux-ci à ne pas se sentir offusquer par le retour aux affaires de certains « personnages ». Il les a exhortés également à ne pas faire grand cas des parcours de ces derniers. Encore moins de leurs étiquettes politiques. Vraiment!
« Felix » est convaincu qu’il reste le maître du jeu en dépit de ce qui ressemble à un « encerclement » avant l’hallali. Dans la capitale nigériane, il a prétendu qu’il entend imprimer au nouvel exécutif sa « vision » qui se décline selon le fameux slogan cher à Etienne Tshsiekedi wa Mulumba: « Le peuple d’abord ». « Je vous assure que ce sera un gouvernement voué au changement », devait-il marteler.
Il est vrai, sur le plan théorique, que le chef de l’Etat est la clé de voûte des institutions congolaises. « Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics et des institutions ainsi que la continuité de l’Etat », stipule notamment l’article 69-3 de la Constitution.
Il est vrai également que le CACH et le FCC sont désormais des « partenaires » dans une coalition contre-nature mettant dans un même panier les progressistes et les conservateurs. Au nom de la sacro-sainte « solidarité gouvernementale », Il faut craindre qu’une vraie complicité se tisse entre les composantes des deux camps devant défendre non pas l’intérêt général mais bien leurs intérêts réciproques.
Les Congolais ont encore frais en mémoire le passage de certains « opposants » radicaux autoproclamés dans le camp kabiliste. C’est le cas notamment de Bruno Tshibala, José Makila, Lucien Bussa, Pierre Kangudia, Joseph Kapika et autre Thomas Luhaka. Sans omettre Marie-Ange Mushobekwa. Anesthésiés par les délices du pouvoir, ces messieurs et dame sont devenus non seulement aphones mais surtout plus kabilistes que « Kabila » lui-même.
Le constat est là. Le « réformiste » Felix Tshisekedi Tshilombo a adapté son discours au « contexte nouveau ». Ses paroles et ses actes sont aux antipodes du « grand changement » que l’Union pour la démocratie et le progrès social promettait d’opérer dès qu’elle accéderait la conduite au pouvoir.
En séjour à Washington, début avril dernier, « Fatshi » avait exprimé non sans une certaine « innocence » sa volonté de « déboulonner » le système dictatorial en place. Cette déclaration avait provoqué un tonnerre d’applaudissements dans ce Congo-Kinshasa où la population est vite contente et vite déçue.
Les Congolais feignent d’ignorer que les politiciens de leur pays parlent généralement pour faire du bruit. Ici, les politiciens ne pèsent jamais le poids des mots. On parle pour fanfaronner. Les paroles sont rarement suivies d’actes tangibles.
En acceptant de « coaliser » avec l’homme qui incarne le « système » à « déboulonner », Felix Tshisekedi Tshilombo n’a-t-il pas pris la responsabilité, devant l’Histoire, de devenir le complice d’une association de malfaiteurs qui a pris le destin des 80 millions de Congolais en otage et assimilé le pays en un « butin »?
Baudouin Amba Wetshi