A quelques 70 jours de la date fixée pour les élections générales (présidentielle, législatives et provinciales), « Joseph Kabila » tarde à dire aux Congolais ce qu’il a fait de ses dix-huit années à la tête de l’Etat. La mouvance kabiliste aux allures de parti-Etat claironne déjà sa « victoire » sans proposer aux Congolais un « nouveau rêve ». L’Etat-PPRD-FCC a sous son contrôle non seulement tous les grands corps de l’Etat mais aussi les moyens d’Etat. L’appareil judiciaire et la Cour constitutionnelle n’échappent pas à cette règle. Les gouverneurs des provinces, les bourgmestres et les autorités des entités décentralisées ont adhéré au FCC (Front commun pour le Congo). Il en est de même des chefs traditionnels. Les forces politiques et sociales acquises à l’alternance démocratique donnent l’impression d’être constamment dans l’expectative. Et ce en dépit de la double exigence du rejet de la « machine à voter » et du nettoyage du fichier électoral. Les rapports de force sont, pour le moment, loin d’être en faveur des « forces du progrès ».
Les consultations politiques prévues le 23 décembre prochain auront-elles lieu? Rares sont les observateurs qui osent engager le pari. Selon eux, la CENI (Commission électorale nationale indépendante) ferait face à des graves problèmes logistiques et financiers. Un avis balayé du revers de main par les « mandarins » du FCC. Pour eux, ils sont prêts à aller aux élections. L’opposition recourt à des « échappatoires » pour dissimuler son « manque d’argent » pour financer les différents scrutins.
Selon des sources proches de « Kingakati », depuis que des opposants « purs et durs » autoproclamés ont rejoint non seulement le gouvernement dit d’union nationale mais aussi le FCC, « Kabila » n’éprouverait que du dédain vis-à-vis de ses adversaires. Pour lui, en chaque opposant sommeille un transfuge. Tout est question de « prix ».
Il faut refuser de regarder la réalité pour ne pas voir que l’opposition se trouve devant un vrai dilemme. D’une part, elle est « déterminée » à aller aux élections avec l’espoir de « sortir les sortants ». De l’autre, elle est consciente que les compétiteurs ne partent guère avec des chances égales. « Joseph Kabila » et sa mouvance contrôlent tout. L’Etat-PPRD-FCC a sous son autorité tous les grands corps de l’Etat et les moyens d’Etat. Les gouverneurs des provinces, les bourgmestres et les autorités des entités décentralisées ont adhéré au FCC.
IMMODESTIE
Cette situation frisant le totalitarisme présume que le vote à venir ne sera ni démocratique, ni libre, ni transparent et crédible. Le match serait-il plié? De l’avis général, les candidats de l’opposition risquent, malgré eux, de servir d’alibi pour crédibiliser la « victoire annoncée » du « dauphin » Emmanuel Ramazani Shadary.
Que faire? Faudrait-il mener la lutte armée pour rétablir l’ordre constitutionnel violé depuis le 19 décembre 2016? Quelle serait la réaction de la « communauté internationale »? Des questions qui restent sans réponse.
Pendant ce temps, des officiers chinois et russes ont été signalés à la base de Kamina (Haut Lomami) et de Kitona (Kongo Central). Ils ont été aperçus en compagnie notamment des « généraux » John Numbi Banza et Célestin Kanyama. « Kabila » prépare-t-il un passage en force après le 23 décembre?
Président de cette institution dont la mission originelle était d’appuyer la démocratie, Corneille Nangaa reste droit dans ses bottes. Pour lui, le processus électoral « avance bien ». Et ce en dépit de l’absence de consensus. A l’instar de ses prédécesseurs Apollinaire Malumalu et Daniel Mulunda Ngoy, Nangaa paraît immodeste, arrogant et cassant. « L’homme est plein de certitudes. Il n’a jamais été effleuré par le doute, assure un opposant. Il reste sourd aux voix qui s’élèvent l’accusant de faire le jeu de la majorité sortante ».
Ceux qui comptaient sur la « communauté internationale » doivent déchanter après le passage à Kinshasa des ambassadeurs des Etats membres du Conseil de sécurité. Ceux-ci se sont contentés de conseiller le compromis. Un compromis qui paraît impossible face à un pouvoir autiste.
La « réunion technique » tenue, mercredi 10 octobre, entre la CENI et les candidats Président de la République s’est terminée en « eau de boudin ». Nangaa a littéralement houspillé les « détracteurs » de la machine à voter en les invitant à quitter la salle. Pour lui, c’est ça ou rien.
En séjour à Matadi trois jours auparavant, le numéro un de la CENI avait pourtant reconnu que la très querellée machine à voter possède les mêmes caractéristiques qu’un ordinateur. Autrement dit, on peut y insérer des informations programmées à l’avance. Ceci explique-t-il l’étrange sérénité qu’affichent les bonzes d’un régime dont le bilan est pour le moins sombre?
« MOBILISATION POPULAIRE »
Dans un communiqué cosigné, jeudi 11 octobre à Kinshasa, par Jean-Pierre Bemba (MLC), Martin Fayulu (ECIDé), Vital Kamerhe (UNC), Moïse Katumbi (Ensemble), Freddy Matungulu (CNB) et l’ex-Palu Adolphe Muzito, ces derniers condamnent « fermement le comportement non-consensuel et (…) méprisant du Président de la CENI Corneille Nangaa à l’égard des candidats Président de la République ».
Les signataires réaffirment leurs deux exigences. A savoir, le rejet de la machine à voter et la radiation, du fichier électoral, de près de 10 millions d’électeurs démunis d’empreintes. Tirant les conséquences du refus de Nangaa de faire droit à ces demandes, ils appellent à une mobilisation populaire pour exiger l’impression des bulletins de vote. Seront-ils entendus? C’est à voir. Entre le « peuple » et l’opposition, la confiance n’est plus ce qu’elle était.
Ce communiqué annonçait la tenue, samedi 13 octobre, à Lubumbashi, d’un « grand meeting » de la coalition politique « Ensemble ». « Autorisée » dans un premier temps « moyennant quelques conditions » par le maire de la ville Robert Buluma, cette manifestation a fini par être « reportée » sine die par… le maire adjoint Laurianne Kalombo qui invoque des « raisons d’ordre sécuritaire ». Lesquelles? Mystère! Ces « raisons sécuritaires » ne sont jamais avancées lorsqu’il s’agit de manif’ de la mouvance kabiliste.
Quid du « candidat unique » de l’opposition? Le problème n’est pas encore résolu. Celui-ci risque de rester pendant aussi longtemps que certains leaders de l’opposition estimeront que le fait d’aller aux élections dans l’opacité ambiante équivaut à entériner le choix de « Kabila ». En attendant, les cœurs balanceraient entre Felix Tshisekedi Tshilombo et Martin Fayulu Madidi.
Le PPRD Adam Chalwe d’exulter sur « Digital Congo »: « A cette allure, le FCC risque de rafler 90% d’élus tant aux législatives qu’aux provinciales ». Ramazani Shadary ne dit pas autre chose à ses « rivaux »: « On va gagner car là où vous ne pouvez pas arriver, nous du FCC sommes présents. Nous avons des électeurs partout ».
Baudouin Amba Wetshi