Candidat de la mouvance kabiliste à la présidentielle, Emmanuel Ramazani Shadary dont la campagne a été « plombée » par le bilan désastreux des « années Joseph Kabila » se voit déjà « victorieux » de l’élection du 30 décembre prochain.
La campagne électorale a pris fin le vendredi 21 décembre. Le vote prévu le 48 heures après a été reporté à dimanche 30 décembre. La campagne a donc pris fin une semaine avant le vote. La loi électorale, elle, dit autre chose en son article 28: « La campagne électorale est ouverte trente jours au maximum avant la date du scrutin et s’achève vingt-quatre heures avant cette date ».
Point n’est besoin d’être juriste de formation pour conclure que la CENI (Commission électorale nationale électorale indépendante) aurait dû prolonger la campagne jusqu’à vendredi 28 décembre à minuit.
Plusieurs questions taraudent déjà les esprits. Les trois scrutins auront-ils bel et bien lieu à cette nouvelle date? Des observateurs présents sur le terrain sont sceptiques. « Dans l’arrière-pays, la mise en place de bureaux de vote est loin d’être achevée », disent-ils. Comment réagira la population en cas d’un nouveau report? Personne n’ose avancer une réponse.
Aveuglé par ses certitudes, le président hors mandat « Joseph Kabila », qui ne croit qu’à la force, a présidé, mercredi 28 novembre, une réunion du « Conseil supérieur de défense ». On se croirait dans un pays devant affronter un « péril imminent ». Au lendemain cette rencontre, des « soldats africains », armés jusqu’aux dents, ont été signalés notamment à la Foire internationale de Kinshasa ainsi qu’à la gare centrale. D’autres ont été aperçus vers Matadi Mayo.
« Kabila » prépare-t-il la guerre? L’homme est conscient qu’il a beaucoup à perdre en cas de victoire d’un opposant à la présidentielle. Fidèle à sa logique « de ne pas céder le pouvoir à n’importe qui », le successeur de Mzee LD Kabila aurait donné des « instructions claires » à Corneille Nangaa, le président de la CENI. C’était au cours de ce qu’ils appellent une « réunion stratégique ». Ce dernier devrait proclamer Emmanuel Ramazani Shadary, vainqueur du scrutin présidentiel. Shadary le sait.
Achevant sa campagne électorale, jeudi 20 décembre, à Lukolela (Kwilu), le candidat du FCC se veut « optimiste ». Il se dit capable de se défaire de ses adversaires les plus en vue en l’occurrence Martin Fayulu Madidi et Félix Tshisekedi Tshilombo.
A l’appui de sa thèse, Shadary soutient qu’il est le seul candidat à la présidentielle « à avoir sillonné 24 provinces sur 26 et avoir un bon projet ».
A propos de projet, le candidat du FCC qui est présenté en « continuateur » de l’œuvre de son mentor a, tout au long de sa campagne, évité soigneusement d’évoquer les réalisations accomplies par la « majorité sortante » dans le cadre notamment des « Cinq chantiers du chef de l’Etat » et de la « Révolution de la modernité », les deux projets politiques présentés par « Kabila » respectivement en 2006 et 2011.
« PASSAGE EN FORCE »
Lors de sa tournée en provinces, Shadary, le « continuateur », a adopté, sans convaincre, la posture d’un réformateur. Il a promis, « une fois élu Président », de combattre l’impunité et les détournements de deniers publics. Il a promis également d’améliorer les services sociaux de base et de promouvoir l’économie. Sans omettre de faire bitumer la route Kikwit-Idiofa et celle qui relie Bandundu-ville à Mongata etc.
Dans le FCC, Ramazani Shadary n’est pas le seul à se voir déjà « en haut de l’affiche », comme chantait Charles Aznavour. Interviewé mercredi 19 décembre par RFI, Néhémie Mwilanya Wilondja, « dircab » du Président hors mandat et coordonnateur général de cette coalition pro-kabiliste a déclaré que l’opposition ne pourra pas gagner la présidentielle parce qu’elle est partie trop tard en campagne. « Elle n’a pas mobilisé ses partisans au moment où il fallait », a-t-il souligné.
« Néhémie » de poursuivre que l’opposition développe un discours un peu court qui tient en trois mots: « Kabila doit partir! ». « Les électeurs ne vont pas voter pour l’opposition », a-t-il remarquer.
Mwilanya parait, en revanche, évasif lorsqu’il lui est demandé d’évoquer le bilan des 18 années de pouvoir de « Joseph Kabila ». A l’instar du ministre de la Communication Lambert Mende, le « dircab » aime répondre à cette question par une interrogation. A savoir: « Dans quel état Joseph Kabila a trouvé le pays? Le pays n’existait pas ».
Les Congolais vivent-ils mieux qu’il y a dix-huit ans? pourrait-on leur rétorquer. Deux décennies après la prétendue « libération » du 17 mai 1997, Rien n’a changé. De l’avis général, la situation est devenue pire. La pauvreté est toujours là. L’arbitraire, la corruption et la mauvaise gouvernance, mêmement. Les services de renseignements civils et militaires continuent à sévir. Il en est de la même de la « garde républicaine » et de la police.
Une certitude aujourd’hui: les Congolais sont demandeurs d’un vrai changement et d’une véritable libération. Marionnette de « Kabila », Emmanuel Ramazani Shadary qui a bénéficié de moyens de l’Etat parait bien incapable de proposer un « nouveau rêve » au Peuple du « Grand Congo ».
Mwilanya et Mende savent parfaitement, comme l’écrivait Jean-François Revel (La Grâce de l’Etat, Ed. Grasset, pp 28-29) que « le changement ne peut convaincre que si les hommes ne gardent qu’une représentation confuse de ce qui l’a précédé ». Pour le moment, le compte n’y est pas. Gare à toute tentative de passage en force…
Baudouin Amba Wetshi