Elections de 12/2018: « Justicia Asbl » suspecte la Ceni d’effacer les résultats du vote

Dans un communiqué daté du 4 septembre 2019, l’organisation de la société civile « Justicia Asbl » dont le siège se trouve à Lubumbashi, dans le Haut Katanga, invite la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) à ne pas effacer les données informatiques portant sur les résultats du vote organisé le 30 décembre 2018.

Près de neuf mois après les élections organisées le 30 décembre 2018, la Ceni n’a toujours pas jugé utile de publier les résultats, bureau de vote par bureau de vote. « Aussitôt le dépouillement terminé, le résultat est immédiatement rendu public et affiché devant le bureau de dépouillement suivant les modalités arrêtées par la Commission électorale nationale indépendante », stipule l’article 68 de la loi n°06/006 du 9 mars 2006 portant organisation des élections présidentielle, législatives, provinciales, urbaines, municipales et locales telle que modifiée par la loi n°11/003 du 25 juin 2011.

Corneille Nangaa Yobeluo, président de la CENI  (AFP)

Se fondant sur des informations en sa possession, Justicia Asbl alerte l’opinion sur le « déploiement », depuis le 2 septembre dernier, de 300 agents de la Ceni « dans les 145 territoires » que compte le pays.

A en croire cette organisation, les « envoyés » de la Ceni seraient chargés de deux missions. L’une apparente et l’autre cachée.

Dans le premier cas de figure, ces contractuels – qui ont suivi préalablement une formation spéciale – seraient chargés d’auditer non seulement les opérations électorales mais aussi les machines à voter et autres matériels électoraux en décembre 2018. Dans le second cas, ces agents « ont été dotés des cartes SD, flash ou clés USB contenant un programme de réinitialisation des machines à voter ».

PRÉSERVER LES ARCHIVES DE LA CENI

Se reportant à des « sources concordantes », Justicia Asbl assure que « l’objectif de cette mission n’est pas de vérifier la fonctionnalité de toutes les machines à voter mais d’en écraser toutes les données qui s’y trouvent ». Et de souligner que l’équipe sortante de la Ceni, dirigée par Corneille Nangaa, voudrait faire disparaître « toutes les traces des données électroniques » des consultations politiques du 30 décembre 2018. Au motif que les résultats officiels rendus publics ne correspondraient nullement aux données électroniques.

Soucieuse plus de devoir de mémoire que de la remise en cause des derniers scrutins, Justicia Asbl « interpelle » les agents concernés « de ne laisser personne » formater ces données « qui ont une valeur d’archives ». Et de prévenir que tout contrevenant engagerait sa responsabilité et « s’exposerait à des poursuites pénales ».

Le 30 décembre 2018, les Congolais, mobilisés comme un seul homme, sont allés aux urnes afin de tourner la page – le chapitre? – des dix-huit années cauchemardesques du « système » prédateur autant que cruel incarné par « Joseph Kabila ».

Proclamant les « résultats provisoires » le 10 janvier dernier, la Ceni annonce Felix Tshisekedi Tshilombo comme étant le « Président élu ». Au grand dam de Martin Fayulu Madidi qui s’écrie: « C’est un putsch électoral ». « Nous constatons que les résultats tels publiés par la Ceni ne correspondent pas aux données collectées par notre mission d’observation à partir des bureaux de vote et de dépouillement », enchaîna la Cenco (Conférence nationale épiscopale du Congo).

Cenco – Conférence nationale épiscopale du Congo

Les évêques catholiques finirent par « prendre acte de la voie ouverte à l’alternance au sommet de l’Etat ». Le 20 janvier, la Cour constitutionnelle vint clore le débat en confirmant les résultats de la Ceni. La « communauté internationale » s’est engouffré dans la brèche ouverte en reconnaissant le nouveau chef de l’Etat. La messe est dite.

En réalité, l’alternance escomptée par le corps électoral congolais n’a pas eu lieu. Bien au contraire. L’ancienne majorité parlementaire s’est succédé à elle-même.

REFORMER LA CENI

Des observateurs peinent à s’expliquer que les mêmes électeurs ayant fait mordre la poussière au « dauphin » désigné par le « raïs » ait été subitement touchés par la « charité » aux législatives ainsi qu’aux provinciales en octroyant la majorité de sièges aux partisans du même « raïs ». « Par quelle alchimie, le FCC qui a échoué à la présidentielle a pu rafler la majorité des sièges aux législatives et aux provinciales? », s’enrageait le juriste Frédéric Boyenga Bofala. C’était dans une interview accordée à Congo Indépendant.

Pour les analystes, il ne faisait guère l’ombre d’un doute que la Centrale électorale a manqué de transparence dans la compilation des résultats. Bref, elle a usé de tricherie.

Des témoignages récoltés ici et là laissent entendre que la compilation des résultats était encore en cours, dans plusieurs circonscriptions électorales, pendant que le président de la Ceni annonçait, depuis Kinshasa, les « résultats provisoires ».

Des voix se sont élevées pour dénoncer l’existence d’un « accord secret » de partage de pouvoir entre « Joseph Kabila » et Felix Tshisekedi. « Personne n’est capable d’exhiber un quelconque accord secret signé entre le FCC et le CACH », rétorquait Augustin Kabuya, alors secrétaire général adjoint de l’UDPS dans le cadre de l’émission kinoise « Bosolo na politik ».

Leader du mouvement citoyen « Congolais debout », Sindika Dokolo n’a pu s’empêcher de donner de la voix en exigeant que la Ceni fasse « la clarté, bureau de vote, par bureau de vote ». Près de neuf mois après le vote, Corneille Nangaa et ses mentors semblent répondre par ces six mots: « le chien aboie, la caravane passe ».

Comme pour conjurer la résignation ambiante, Justicia Asbl demande instamment la restructuration de la Ceni laquelle devrait, selon elle, passer nécessairement par le « remplacement des personnes fin terme ». Pour cette association, « la future Ceni devrait être une institution véritablement citoyenne, animée par des personnalités à la moralité éprouvée et n’appartenant à aucun courant politique ».

Justicia Asbl sera-t-elle entendue? C’est à voir.

 

Baudouin Amba Wetshi

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