Du costume à l’Abacost (à bas le costume), symbole de retour à l’authenticité et de rejet du « Dieu créateur »

Michel Kazadi Tshamala

Introduction

De la colonisation à l’indépendance du Congo, le peuple qui dans son ensemble était « indigène » a vu se développer un groupe en son sein: les évolués. Un évolué est celui qui vit et se comporte comme le colon, comme le blanc. Pour avoir le statut d’évolué, une « enquête » est diligentée pour être certain que la vie du futur évolué sera conforme à ce qui est attendu par le colon. Les évolués portent le costume, la cravate. Ces mêmes évolués seront à l’origine de la réclamation de l’indépendance. Après l’indépendance obtenue de manière pacifique, le congolais émancipé, l’ancien évolué prend la place du colon. Le costume n’est pas en reste.

Suite aux tensions politiques internes au Congo, un ancien évolué prend le pouvoir par la force. Joseph Désiré Mobutu, soutenu par la Belgique et les américains devient Président de la République Démocratique du Congo, cinq ans après l’indépendance du pays. Un peu plus de cinq années après sa prise de pouvoir, Joseph Désiré Mobutu décide de s’affranchir des pratiques occidentales qu’il considère désormais comme la manifestation d’une soumission à cette même culture grâce à laquelle il était devenu ce qu’il était. Il ne veut plus de ce « dieu » qui l’a créé des années plus tôt. Désormais, le Congo va s’appeler « Zaïre ». Joseph Désiré Mobutu devient « Mobutu Ses Seko Kuku Ngbendu Wa Za Banga » (le guerrier tout-puissant qui laisse le feu sur son passage et qui va de conquête en conquête sans que rien ni personne ne puisse jamais l’arrêter), abandonnant le prénom à « l’occidental ». Il prône désormais un recours à l’authenticité. La culture des peuples du Zaïre doit être mise en avant. Chaque groupement va chanter et danser à la zaïroise. Dans cette même logique, le costume et la cravate sont abandonnés et remplacés par l’Abacost. Cet Abacost est cousu sans col, avec des tissus du Zaïre et se porte sans cravate.

Cela durera jusqu’à la tentative d’installation du multipartisme en 1990. Aujourd’hui, en 2020, porter l’abacost est un choix vestimentaire idéologique ou purement un choix esthétique.

L’Abacost

L’obligation de porter l’Abacost dans les entreprises publiques ou privées comme signe d’insoumission au colonisateur était un choix éminemment politique. Les conditions d’existence des indigènes en général et des évolués en particulier ont poussées à une prise de conscience. Sans mots dire, ce vêtement parlait de lui-même. Il était devenu un symbole. Il l’est encore pour une certaine catégorie de jeunes congolais nés dans la diaspora ou au Congo. On l’observe depuis une quinzaine d’années, des jeunes congolais s’unissant avec d’autres africains pour débattre sur le passé et manifestent pour prôner leur « africanité ». Ces jeunes portent des vêtements de type Abacost ou cousus à l’africaine. Au niveau national, le président Mobutu disait vouloir redonner une fière identité aux zaïrois et exalter leur patriotisme. Dans la logique de Mobutu, il fallait se défaire de l’exploitation économique du colon et de la domination culturelle du clergé. En se défaisant de l’exploitation du colon, Mobutu a changé les moyens de domination.

Il fallait donc rejeter ce « dieu créateur » qui était le colon et se choisir un autre « dieu ».

Ce « dieu », Mobutu le voyait dans son miroir au quotidien. Le Président avec son nouveau nom, s’est mystifié, déifié. Le peuple s’est aliéné. Le peuple a commencé à s’incliner devant lui. Dans les faits, en silence, le peuple estime qu’il n y a eu qu’un changement de couleur. Le culte de la personnalité été à son paroxysme.

La culture dans tout cela?

A l’époque coloniale, le colon Belge et la mission catholique ont négligés la culture du colonisé congolais en faignant la respecter. Le colonisé, passant du « sauvage » à « évolué » ne l’oubliera pas. C’est le citadin évolué qui en premier fera tout pour reprendre ce qu’il pense lui avoir été pris: son identité. Le fait de rebaptiser son pays fait entre autres, partie des réactions pour se « décoloniser ».

Autre observation: l’authenticité par exemple est considérée comme un passé endormi au fin fond de ceux qui viennent de se confronter à une autre réalité. Ce passé ancestrale, traditionnel lointain qui est remis à jour pour le confronter à la réalité coloniale.

Pendant cette période coloniale, certaines voix s’élevèrent contre le paternalisme colonial. Le cas de Simon Kimbangu est le plus emblématique car il critiquait le fait que l’église catholique mette de côté les vieux cultes traditionnels et les remplaces par des cultes jugés à ses yeux de « superficiels ». Les colonisateurs lui intentèrent un procès en 1921. Hélas, peu avant l’indépendance, il introduit avec un autre de ses congénères (Diangenda) des instruments dits « modernes » à la place des tam-tam… que leur mouvement fut récupéré par la politique et ils dévirent plus proche de ce qui se faisait chez le colon au point d’être confondu, perdant de ce fait sa touche « authentique ».

Il est vrai que sur le plan culturel, tout allait bien tant que l’économie allait bien. Les zaïrois consommaient local. Les produits de premières nécessités étaient fabriqués au Zaïre.

Mobutu voulait que ce grand Zaïre puisse rayonner au-delà des frontières. Sur le plan politique, il a réussi à jouer à l’équilibriste et taire le tribalisme. On était zaïrois et rien d’autre. Son slogan (Tata bo moko, mokonzi bo moko, ekolo bo moko: un seul père, un seul chef, une seule ethnie) avait fini par faire bomber le torse à chaque zaïrois qui pouvait se sentir chez lui dans toutes les provinces du pays même s’il n’était pas originaire de la province. Pour montrer l’exemple, il passait ses vacances alternativement dans chaque province. Les gouverneurs étaient nommés et installés dans des provinces dont ils n’étaient pas originaires. Mobutu était une illusion nécessaire au peuple. Pour illuminer le grand Zaïre, il a reçu les hommes qui avaient marchés sur la lune, il a organisé le combat du siècle (Mohamed Ali et Georges Foreman) à Kinshasa. Quelques années plus tôt, il avait rebaptisé les villes, provinces, routes qui portaient encore les noms hérités de la colonisation en noms locales.

Peut-on parler de réussite ou échec de l’Abacost?

Le port de l’abacost n’a pas suffi à libérer les consciences. Il nous a plongé dans une illusion de libération. Le mimétisme sans réel message avait pris le dessus. Par contre, l’authenticité a été un élément de fierté. Sur ce plan là, la réussite était ostensible. Lorsque le pouvoir du Président commençait à être contesté en interne, le meilleur moyen de manifester son opposition au Président était de porter alors un costume. La notion de démocratie devait avoir une retouche africaine selon Mobutu. Il ne voulait pas de la démocratie à l’occidentale. Les « bantous » n’avaient pas à agir comme les colons.

Isolé sur le plan international, Mobutu va mettre de côté l’abacost pour se rendre à la conférence de la Baule, convoqué par François Mitterrand qui prône l’ouverture de l’espace politique (multipartisme) en lieu et place du monopartisme. Mobutu va devoir s’aligner et réintégrer une culture qu’il avait pourtant mise de côté. Le costume et la cravate en sus, pour faire montre d’ouverture?

Interaction entre le colonisateur et le colonisé

Après une conversion forcée au christianisme par le colonisateur et un mimétisme du colonisé à la culture vestimentaire occidentale « belge » du costume, des décennies après, l’Abacost était devenu le symbole de rejet. Le recours à l’authenticité a été mis en avant comme identité de tradition culturelle. Le modèle de référence colonial, le dieu de référence n’en était plus un. Le premier à lui tourner le dos est l’évolué. Cet évolué a fini par démystifier son dieu comme le personnel soignant a tourné le dos à la première ministre Sophie Wilmès lors de sa visite à l’hôpital Saint-Pierre le 16 mai 2020. Malgré les pouvoirs spéciaux de la Première ministre, son costume n’était pas considéré comme de taille à répondre aux exigences du personnel soignant, en première ligne face à la pandémie du Covid-19.

Dans les faits, on observe une forme de syncrétisme culturelle. A l’école, l’enseignement se fait en français. Parler français reste la langue de l’élite, de la « bourgeoisie » zaïroise. Les langues nationales sont utilisées pour communiquer en famille, et/ou avec le personnel de maison.

Après 1990, la coupure prend le relais. On assiste alors à des pratiques traditionnelles familiales mais aussi des tentatives des pratiques occidentales politiques.

Une certaine ambiguïté est toujours présente jusqu’à ce jour du mois de juin 2020, année du Covid-19. Il fait toujours bon au Congo de parler un français littéraire dans les milieux académiques ou autres milieux d’une catégorie embourgeoisée à l’occidentale.

Avoir le verbe haut et fort est la résultante d’une assimilation occidentale considérée comme supérieure. Ceux qui ont les moyens envoient leurs progénitures étudier majoritairement dans les universités de Belgique, France, Grande Bretagne ou USA.

Dieu créateur

Ayant participé en Belgique à la table ronde qui précédait l’indépendance, Joseph Désiré Mobutu faisait partie de ces élites culturellement occidentalisées qui entamaient un mouvement « décolonial » qui fut en vogue dans la majorité des pays colonisés d’Afrique.

Le projet était de se débarrasser du « dieu » créateur qu’était le colon. Cela, en accord avec le « dieu ». On va porter son costume pour lui parler. La demande de l’émancipation est de pouvoir remplacer ce dieu par un autre. À malin, malin et demi, l’évolué est conciliant dans sa majorité. Juste question de temps.

Lorsque Joseph Désiré Mobutu dépose le Président élu en 1965, « dieu » qui est au contrôle de l’économie et dans d’autres aspects de la gestion du Congo lui fait confiance. Il a compris la phrase de Karl Max: « Toute classe qui aspire à la domination doit conquérir d’abord le pouvoir politique pour représenter à son tour son intérêt propre comme étant l’intérêt général ».

Le contenu de la garde-robe du nouveau dieu va être complètement changé à son retour d’un voyage en Corée du Sud et en Chine au début des années septante. Pour gérer le peuple, Joseph Désiré Mobutu « dieu » impose un modèle de pouvoir qui s’applique à tous les aspects de l’existence avec un discours nationaliste, sans distinction ethnique qu’il prononce à la tribune des nations unies le 30 novembre 1973. Le Zaïre est né. Mobutu Sese Seko Kuku Ngbendu Wa Zabanga est né. L’animation culturelle, par des spectacles, chants, danses traditionnelles vont faire l’éloge du nouveau dieu.

Pour justifier l’animation politique, il dira ceci:
« Tout compte fait, la voie la meilleure pour conduire chacun à son bonheur, n’est-ce pas sa culture? Un homme heureux, n’est-ce pas celui qui chante et qui danse? […] Pour nous, au Zaïre, le bonheur se vit et s’exprime. C’est lorsqu’un peuple peut dire et communiquer ce qu’il ressent dans son for intérieur, lorsqu’il peut chanter et danser, qu’il est heureux ».
Mobutu s.d. III: 72

Dans les faits, l’animation politique exigeait de chaque zaïrois d’être soumis par la représentation d’une joie de vivre.

Nombreux sont les zaïrois qui avaient conscience de la violence à laquelle ils étaient soumis en participant physiquement à ces chants et danses. Ces manifestations étaient mises en place pour les assujettir au parti (MPR: Mouvement Populaire de la Révolution), au président Mobutu et au Zaïre.

Les groupes folkloriques de toutes les régions (provinces) du Zaïre composées majoritairement de femmes et habillés avec des vêtements comportant l’effigie de Mobutu et du flambeau du drapeau du parti (MPR) passaient en boucle à la télévision. Pendant que le peu d’hommes effectuaient des chorégraphies proches de la gymnastique, les femmes se focalisant à bouger leurs hanches. Ces groupes de toutes les régions étaient la preuve selon Mobutu que le vivre ensemble dans la diversité ethnique était de son fait.

Ces animations politiques ont fini par imprégner les esprits à tel enseigne que les zaïrois, lors de certains événements comme les enterrements et autres, finissaient par fredonner ces chants.

Les hauts cadres des entreprises, privées ou publiques qui ne participaient pas à ces animations étaient soit demis de leurs fonctions soit emprisonnés.

Outre le fait que ces animations étaient diffusées à la télévision pendant des longues heures pour toucher un maximum de public, Mobutu devait être « déifié » pour justifier sa position. Il fallait le mystifier. Pour ce faire, il apparaissait, sortant des nuages lors du générique de début et fin des informations sur la seule chaine nationale de l’époque.

En fait, l’animation politique faisait partie avec d’autres méthodes des stratégies utilisées par Mobutu et ses hommes pour mobiliser les Zaïrois et les maintenir dans le soutien de son régime politique. Les monuments, affiches et marches politiques eurent moins d’impact sur l’imaginaire populaire.

Observant cela, d’autres chefs d’Etat de l’Afrique subsaharienne envoyèrent des hommes et femmes au Zaïre pour s’inspirer de ce qui marche (animations populaires) et le reproduire dans leurs pays (cas du Président Eyadema du Togo, par exemple).

L’ambiguïté du nouveau maitre sera assez rapidement observée. Les infrastructures laissées par les colons ne sont plus entretenues au point que les infrastructures sanitaires sont vites dépassées. Pour se soigner, le nouveau dieu va devoir retourner chez l’ancien dieu pour des soins médicaux. Certains de ses enfants iront étudier en Belgique. Aux somptueuses fêtes données, les meilleurs vins, champagnes et moules sont servi à côté des plats traditionnels. On comprend alors que le slogan « authenticité » était de pure forme. L’homme avait pris goût aux plats de l’ancien Dieu, depuis son « évolution », plus que dieu lui-même, à certains égards. Le syncrétisme a en réalité été présent tout au long de l’évolution de ce nouveau dieu.

Le retour au costume en 1990 aura raison de sa fin. Ce retour sonnera le glas pour lui quelques années après. La coupe du costume n’était plus au gout d’un autre « dieu », François Mitterrand et ses pairs.

« Dieu » Mobutu né « Joseph Désiré Mobutu » n’était plus « désiré » par l’ancien dieu ni par son propre peuple. L’ayant compris un peu tard, il reprit l’Abacost à la fin de sa vie en exil au Maroc. Tout ce qu’il avait tenté de mettre en place au nom de l’authenticité n’était plus qu’un slogan creux. Cette tradition ne s’était pas perpétuée identique à elle-même. Seuls les nostalgiques d’une époque portent l’Abacost, non pas par esprit d’un retour à l’authenticité mais par pure esthétique ou par pure provocation de ceux qui continuent à considérer Mobutu, Président fondateur comme un « dieu ». On observe en passant, depuis l’élection du nouveau président Felix Tshisekedi que celui-ci semble affectionner l’Abacost. Message ostensible de sa part aux anciens maîtres qui avaient mis du temps pour le reconnaitre comme nouveau maître de la nation congolaise?

Conclusion

Concomitamment à l’abandon du costume et à l’adoption de l’Abacost, le retour (ou recours) à l’authenticité prône la réappropriation des valeurs d’avant l’arrivée des colons. Des traditions et cultures existaient bien avant son arrivée. Le recours aux valeurs ancestrales. S’en suit alors le changement des noms des lieux à consonances occidentales et le retrait des prénoms du même type pour leurs remplacements par des « post noms », non chrétiens.

La République Démocratique du Congo, le fleuve Congo, l’hymne nationale congolaise sont tous rebaptisés « Zaïre » et l’hymne nationale, la « Zaïroise ».

Tous ces changements sont la résultante d’un projet du Président Mobutu qui se considérait comme seul maître à pouvoir redonner à son pays l’unité, la paix et la fierté.

Son discours fut alors celui d’une prise de conscience de ce qui selon lui devait être propre aux zaïrois. Tous les secteurs de la société zaïroise devaient être impactés par ce recours à l’authenticité, de l’intellect au culturel. Le MPR (Mouvement Populaire de la Révolution), son parti politique voulut être la « seule confession » et le seul laboratoire à idées de la République.

Pour ce faire, des stratégies politiques furent mises en place. La plus expressive d’entre elles fût l’animation politique culturelle: chants, danses…

Les monuments et autres effigies eurent moins d’impact mais contribuèrent à la magnificence du président Mobutu.

La réorganisation de la structure de l’Etat fit partie du programme. Le pays fut alors subdivisé en régions, zones, collectivités en lieux et places des provinces, districts et territoires comme les avaient nommés les anciens maîtres. Le gouvernement fut rebaptisé « conseil exécutif » et les membres, commissaires d’Etat…

Après avoir fait venir au Zaïre les astronautes qui avaient marché sur la lune et avoir fait organisé peu après le combat de boxe du siècle (Mohamed Ali – Georges Foreman), Mobutu « tout puissant » prôna comme doctrine de son parti politique (MPR), le « Mobutisme ». Ce changement était pour lui, la manifestation d’un nationalisme authentique qui se puisait dans l’authenticité. Revigoré par la victoire de la guerre dans le Sud du Zaïre dans la région de Shaba qui voulait faire sécession avec la complicité des « belges », Mobutu se proclama « Président à vie ». Pour aller encore plus loin dans l’authenticité, la société zaïroise devait prendre un tournant laïc. Il fut interdit à l’église de baptiser les enfants en leur attribuant un prénom à consonance biblique, religieuse, occidentale. L’église catholique n’accepta pas cela. Un conflit fut ainsi ouvert entre le Président et l’église. Ce bras de fer continua pratiquement jusqu’à la chute de Mobutu. Ce conflit n’avait pas empêché le Président Mobutu à recevoir le Pape Jean-Paul II ni à tolérer dans les années 80 que certains chrétiens finissent pas porter un prénom chrétien en plus du nom de famille « authentique ».

La laïcité prônée par Mobutu avait revalorisée les religions traditionnelles et prônait un « dieu des ancêtres », s’opposant de facto à la religion chrétienne qui interdisait la célébration des fêtes ou autres manifestations à consonance catholique en pleine semaine.

Le nouveau « dieu » des ancêtres fut ériger des statuts et des images de lui en lieux et places de tous les signes religieux (catholique), monuments et statuts en liens avec le passé colonial.

En interne, au Zaïre, le port de l’Abacost devint alors à lui seul, porteur d’un message multidimensionnel. Le port du costume devint la manifestation de l’opposition au « dieu » des ancêtres. En 2020, autres temps, mêmes mœurs?


Michel KAZADI TSHAMALA | 15 août 2020

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