Bruxelles, le 11 janvier 2021
Cher Mr Amba Wetshi,
Ayant été citée nommément dans votre article publié ce lundi 11 janvier 2021 dans Congoindependant.com intitulé: « Les affabulations d’un Journaliste Patriote Résistant « , je tiens à apporter quelques précisions.
A Propos de ma Démission
Lorsqu’au mois de mai 1997 à l’arrivée à Kinshasa de l’AFDL, j’ai accepté de participer au premier gouvernement de Mzee Laurent- Désiré Kabila en qualité de ministre de la Fonction publique, du travail et de la prévoyance sociale, j’avais annoncé à l’opinion nationale et internationale au cours d’un point de presse à Bruxelles: « si je constate que la feuille de route ne correspond pas aux aspirations du peuple congolais, j’aviserai et je démissionnerai ».
Au mois de septembre 1997, j’ai été accréditée à Bruxelles, Rue Marie de Bourgogne en qualité de ministre résident et ambassadeur plénipotentiaire. En février 1998, je me suis rendue à Kinshasa en consultation afin d’évaluer avec Mzee Laurent-Désiré Kabila la situation de l’ambassade en général ainsi que les relations avec la Belgique. A mon retour à Bruxelles en mars 1998, après quelques semaines, mon constat politique était sans appel; l’emprise rwandaise et ougandaise sur le régime de Mzee Kabila était omniprésente et devenait une menace pour le pays. Mon coup de colère dénonçant la présence de conseillers rwandais quelques mois auparavant lors d’un Conseil des ministres n’avait manifestement pas suffi. Par conséquent, J’ai pris la décision de démissionner de mes fonctions. Décision devenue effective le 17 juin 1998 annoncée lors d’une conférence de Presse à l’Ambassade. Il ne s’agissait donc pas d’un limogeage comme vous l’avez écrit.
Concernant les Diplomates
Tous les Congolais savent depuis des décennies que leur « traversée de la savane », comme vous l’écrivez, ce que je traduis comme leur traversée du désert, n’est nullement liée à mon passage à l’Ambassade. Il s’agit d’un dossier structurel jamais résolu globalement, à cause de la mauvaise foi et surtout de la mauvaise gouvernance générale du pays durant la Deuxième République. Tout ce que je sais au sujet de cette question, c’est qu’au moment de la remise-reprise en septembre 1997, cela ne s’est pas fait avec mon prédécesseur l’Ambassadeur Kimbulu Moyanso qui avait déjà quitté les lieux en mai 1997, au moment de l’entrée de l’AFDL à Kinshasa sans attendre son successeur. La remise-reprise s’est donc effectuée plutôt avec le Chargé d’Affaires Mr Hamuli. Dans les documents que j’avais réceptionnés ainsi que d’autres documents auxquels j’ai eu accès, un constat s’imposait concernant le dossier du rapatriement de nos diplomates. Alors même que la rébellion avançait progressivement à partir de l’Est de la République à Goma, en date du 25 janvier 1997 à la Banque Belgolaise, Kinshasa avait crédité une somme de 25 millions de francs belges de l’époque (vingt- cinq millions de francs belges) pour le rapatriement des Diplomates avec une exigence de traiter en priorité les dossiers de ceux qui étaient arrivés fin terme.
Or, cinq mois après l’arrivée de ce transfert, les écritures bancaires indiquaient qu’en date du 15 mai 1997 il ne restait dans le compte de l’Ambassade à la Belgolaise que 3.397 francs belges seulement (trois mille trois cent nonante sept francs belges)!!! Les diplomates et leurs familles étaient toujours là. Après avoir pris connaissance de toutes ces informations, Mzee Kabila et l’Administration centrale du ministère des Affaires étrangères estimèrent qu’ils prendraient le temps d’examiner ce problème plus tard. Vous aurez remarqué que depuis plus de vingt ans, de mon côté, jamais je n’ai organisé une quelconque fuite dans la presse congolaise ou internationale pour lancer des procès d’intension à l’encontre de mes prédécesseurs au poste d’ambassadeur à Bruxelles sur cette question spécifique des 25 millions de francs belges disparus en cinq mois AVANT mon arrivée. Pourtant cela n’a pas empêché certains de nos compatriotes, que nous connaissons tous, devenus aujourd’hui « Patriotes, Résistants » contre l’occupation rwandaise, de s’associer avec les Rwandais en ce temps là, pour porter plainte contre moi le 5 janvier 1999 au Parquet de Bruxelles au motif que j’aurais détourné de l’argent de l’Etat congolais à l’Ambassade.
Plusieurs Chefs de Mission se sont succédés à l’ambassade de Bruxelles après ma démission de juin 1998 avec pour mission à chaque fois de réactiver cette plainte… Après cinq tentatives au Parquet de Bruxelles et cinq non-lieux successifs le dossier fut définitivement clôturé en 2008! C’est alors que J’ai pu à mon tour commencer à parcourir la même savane pour réclamer aux autorités de Kinshasa mes arriérés de salaire…
Enfin je vous signale que les archives de la Belgolaise, à l’époque filiale de la Générale de Banque devenue Fortis Banque, peuvent être consultés en s’adressant auprès des services compétents.
Je vous en souhaite, une bonne réception.
Justine Mpoyo Kasa-Vubu
NOTE DE RÉDACTION:
Madame Justine M’poyo Kasa-Vubu n’était pas le sujet de notre article « querellé ». Son nom a été cité incidemment dans deux paragraphes. C’est par pure courtoisie que notre journal publie son droit de réponse dans son intégralité. La courtoisie n’est nullement synonyme de complaisance. C’est le lieu de faire quelques observations:
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- Primo: Dès son entrée en fonction le 17 septembre 1997, l’ambassadeur M’poyo Kasa Vubu a introduit, au sein de l’ambassade, les notions surréalistes d’anciens et nouveaux diplomates. Les premiers étaient rayés de la liste diplomatique publiée chaque année par le ministère belge des Affaires étrangères. La liste de la RDC pour l’année 1998 en témoigne. Les « anciens diplomates » devenaient, dès lors, des « sans-papiers ». Pire, les loyers de leurs habitations n’étaient plus payés. Et pourtant. Les règlements d’administration en vigueur énoncent que l’agent arrivé à la fin de son terme reste à la charge de la représentation diplomatique jusqu’au moment de son départ effectif du pays d’accueil.
- Secundo: nous maintenons que l’ambassadeur Justine M’poyo Kasa Vubu fut limogée. Ce n’est qu’après l’officialisation de cette décision qu’elle va annoncer sa « rupture définitive » avec le régime de LD Kabila. Pour l’anecdote, la diplomate déchue avait exigé un décret présidentiel mettant fin à ses fonctions (voir dépêches d’agence dont IRIN du 19.06.1998).
- Tertio: Il est parfaitement faux d’affirmer que la « traversée de désert » des diplomates zaïro-congolais a commencé « depuis des décennies ». Les difficultés se sont cristallisées à partir de 1992. L’Etat zaïrois n’était plus en mesure de transférer mensuellement les trois millions de dollars pour l’entretien de ses missions diplomatiques.
- Quarto: Dès sa prise de pouvoir le 17 mai 1997, l’AFDL (Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo-Zaïre) avait invité tous les chefs de mission diplomatique (ambassadeur et consuls généraux) de confier la direction du poste aux numéros deux respectifs. Lors de l’entrée en fonction de l’ambassadeur Justine Mpoyo Kasa Vubu, le ministre-conseiller Hamuli Mupenda était le numéro deux à Bruxelles.