Dans une note diplomatique adressée… au ministère israélien des Affaires étrangères – sur papier à entête du ministre d’Etat en charge des Affaires étrangères -, le ministère congolais des Affaires étrangères dit son « regret » suite aux « propos méprisants, injurieux, irrespectueux et irresponsables » tenus dans un billet réalisé le 23 avril par Christian Malard. Ancien journaliste de France 3, Malard qui travaille désormais pour la télévision privée israélienne « i24News » a qualifié le président Felix Tshisekedi d’ « escroc » et de « tyran ». Marie Tumba Nzeza fait de cette banale outrance verbale une affaire d’Etat. Et pourtant, il s’agit d’un média privé dont l’audience en France peine à franchir la barre de 5%. La diplomatie congolaise s’est engagé sur un terrain glissant où la presse a généralement le dernier mot…
On se croirait revenu plus de trente années en arrière à l’époque où les relations entre le Zaïre de Mobutu Sese Seko et certains pays d’Europe occidentale – cas de la Belgique – étaient dictées non pas par les positions officielles exprimées par les gouvernements de chaque Etat mais plutôt par les écrits d’une certaine presse.
La chef de la diplomatie congolaise a vu rouge. Sa colère est suscitée par le billet réalisé par Christian Malard. « La crise de la pandémie du Covid-19 peut servir de prétexte à certains dictateurs en Afrique ou dans d’autres contrée du monde pour prendre davantage des mesures répressives et pour asseoir leur dictature ». Pour étayer sa thèse, le journaliste français cite un exemple: « La République démocratique du Congo ou dite démocratique, où on a au pouvoir aujourd’hui un escroc, un tyran qui s’appelle Tshisekedi », dit-il avec un sourire au coin.
Felix Tshisekedi Tshilombo, serait-il un escroc? Contre toute attente, la ministre Tumba Nzeza a préféré laisser sous silence cette première épithète infamante préférant s’attarder sur la seconde, en l’occurrence « tyran ». Qui ne dit mot consent?
Décidée à démontrer que « Fatshi » est tout le contraire d’un despote, la chef de la diplomatie congolaise s’est crue, à tort, dans l’obligation d’égrener les « réalisations réelles » accomplies par le chef de l’Etat congolais notamment en matière des droits et libertés, la libération des prisonniers politiques et le renforcement de l’indépendance du Pouvoir judiciaire. Sans omettre la mise sur pied d’une agence de lutte contre la corruption.
Au lieu de s’arrêter là, Marie Tumba Nzeza décide d’étendre cette polémique pour le moins dérisoire au niveau des rapports bilatéraux entre le Congo-Kinshasa et l’Etat d’Israël. « Compte tenu de toutes ces réalisations réelles qui ont été saluées par l’ensemble de la communauté internationale, le ministère des Affaires étrangères (…) déplore que ces propos intentionnellement mensongers et désobligeants de monsieur Christian Malard aient été diffusés par le canal de la chaîne de télévision i24 News installée en Israël, surtout en ce moment précis où les bonnes relations entre les la République démocratique du Congo et l’Etat d’Israël se renforcent davantage par des faits concrets ».
UNE RÉACTION PUÉRILE
La ministre congolaise des Affaires étrangères épingle, à l’appui, la prochaine visite du président Felix Tshisekedi à l’invitation du Premier ministre israélien, le discours prononcé par le chef de l’Etat congolais devant des membres de l’AIPAC (American-Israel Public Affairs committee) à Washington et la « nomination imminente » d’un ambassadeur congolais à Tel Aviv.
Comme si cela ne suffisait pas, la ministre Tumba de demander, sans rire, aux autorités diplomatiques israéliennes d’inviter le média mis en cause à s’abstenir à des « propos non fondés (…) et outrageants à l’égard d’un chef d’Etat ami d’Israël ». La chef de la diplomatie congolaise d’exiger à la chaîne de télévision « i24 News » et son correspondant Christian Malard « à présenter des excuses au peuple congolais et à son chef de l’Etat ».
Les autorités diplomatiques israéliennes ne manqueront pas de s’esclaffer à la lecture de cette note diplomatique qui met à nu une certaine incompétence tant en matière diplomatique que de la connaissance du monde de la presse. Pourquoi?
D’abord, parce que la ministre Tumba semble ignorer les matières qui entrent dans le cadre des relations d’Etat à Etat. Ensuite, la chaîne de télévision i24News étant un média privé. A ce titre, aucun lien de subornation n’existe entre celui-ci et le gouvernement de l’Etat d’Israël. Enfin, la réaction à un article de presse a pour objectif de tordre le cou à tous les points qui font grief. Malheur à celui qui oubliera un de ceux-ci.
En restant muette sur l’épithète « escroc », « Mama Tumba » a commis une erreur d’appréciation qui se paie cash. Elle laisse le champ libre aux rieurs qui pourraient se ranger du côté du journaliste Christian Malard.
La très modeste « i24News » pourrait voir son audience « boostée » suite à cette réaction émotive autant que puérile de la part de la chef de la diplomatie congolaise.
Baudouin Amba Wetshi