Désignation du maire de la Ville de Lubumbashi: six points cruciaux que le maire doit savoir

En RDC, des élections sont prévues l’an prochain. Cependant, les maires des villes seront très probablement nommés par le chef de l’Etat. Nonobstant le mode de désignation, par vote ou par nomination, le prochain maire de la Ville de Lubumbashi doit répondre au critère qualitatif crucial de connaissance parfaite des faits sociaux qui expliquent le rôle historique, et surtout, la diversité culturelle et les pensées politiques partant de la kataganité inclusive. Le prochain maire doit avoir la capacité de faire avancer le rêve de la Ville à devenir cette mégapole multiculturelle, prospère et concurrente des villes d’Afrique australe.

Maître Tshiswaka Masoka Hubert

INTRODUCTION

L’an prochain, en 2023, sont prévues, sur l’ensemble du territoire de la République Démocratique du Congo (RDC), des élections présidentielle, législatives, provinciales, urbaines, municipales et locales, au regard de la Loi électorale N°15/001 du 12 février 2015 modifiant et complétant la Loi N° 06/006 du 09 mars 2006 telle que modifiée par la Loi N°11/003 du 25 juin 2011 et la Loi électorale n°17/013 du 24 décembre 2017. Cependant, des informations en notre possession ne rassurent pas que les maires des villes de la République soient élus à cette occasion. Ils seront très probablement, une fois de plus, nommés par le chef de l’Etat. Nonobstant le mode adopté, par vote ou par nomination, la désignation du prochain maire de la ville de Lubumbashi devrait répondre au critère qualitatif crucial de connaissance parfaite de la ville, afin d’être à la hauteur des défis qu’affronte ce pôle de développement économique, social et culturel. Oui! Telle est l’unique condition qui permettrait la reconquête de la gestion du poumon économique de la RDC qui s’opère à partir de la ville de Johannesburg. Le débat vaut son pesant d’or. Il appelle à la prise de conscience de l’intérêt général grâce à laquelle, en dépit de son étranglement géographique dans le Copperbelt zambien, la ville de Lubumbashi pourra servir ses habitants et l’Etat congolais. La présente réflexion n’est qu’un modeste résumé qui propose une épreuve de connaissance fondamentale, un écueil de substrats intellectuels à confronter au prochain maire de la Ville de Lubumbashi. Un questionnement sur le soubassement des enjeux politiques, notamment son histoire, sa géographie, sa démographie, ses infrastructures éducationnelles et économiques.

Le texte se subdivise en six points que devrait connaître quiconque dirigerait la ville. Outre l’introduction et la conclusion, elle comprend: (i) la position géographique qui trahit la dépendance envers la Zambie voisine; (ii) L’aperçue historique qui explique la genèse et le rôle joué par la Ville; (iii) la démographie, afin de comprendre l’origine séculaire de la population; (iv) l’éducation, la culture et leurs infrastructures attractives des flux migratoires; (v) l’économie actuelle qui est passée des entreprises européennes, vers des multinationales chinoises et indiennes opérant de Johannesburg. Et, (vi) les courants de pensée qui alimentent les enjeux politiques de la Ville.

I. Connaissance de la géographie

La ville ou mairie de Lubumbashi s’étend sur une superficie estimée à 747 km². Elle est la capitale de la province du Haut-Katanga dont la grandeur est évaluée à 131.443 km². La province du Haut-Katanga, issue du démembrement administratif de 2015 du Katanga, est limitée au Nord par les provinces de Haut-Lomami et du Tanganyika à l’Ouest par les provinces de Haut-Lomami et Lualaba, à l’Est et au Sud par la République de la Zambie.

La mairie de Lubumbashi dépend de l’autoroute Numéro 1, l’unique voie de sortie terrestre, menant vers l’Afrique australe. L’observation de l’expansion géographique et la croissance démographique démontre que la ceinture autour de la ville de Lubumbashi s’étend à une vitesse exponentielle. Au départ, en 1910, Elisabethville était construite sur une superficie de 600 hectares, soit, 60 km². A ce jour, en 2022, la ville s’étend sur plus de 747 km². Les lotissements cadastraux actuels rognent progressivement les villages environnants de Kashamata, Mimbulu/Kaponda, Kyalwaya, Poleni, Kashimbala, Tumbwe, Kasangiri, Futuka, Kasungami et Kafubu. Ce qui fait croire à la possibilité de voir, dans les prochaines 80 années, d’ici 2100, la ville s’étendre sur tout le territoire de Kipushi, soit 12.050 km².

II. Connaissance de l’histoire

La ville de Lubumbashi est une création ex-nihilo de la puissance coloniale belge. Elle est née de la volonté de l’Union Minière du Haut Katanga d’implanter sa première usine de traitement du cuivre près de la rivière Lubumbashi où se trouve actuellement la STL (anciennes Usines GCM/SUD), à côté de l’Hôpital GCM/Sud. La contrée a été reconnue officiellement par l’ordonnance N°20 du 16 juillet 1910, sous le nom d’Elisabethville, en hommage à la Reine Elisabeth de Belgique. Elle a reçu le statut de ville par l’ordonnance n° 298/AIMO du 25 juin 1941, du gouverneur Wangermée. Elisabethville fut rebaptisée, sous le nom de Lubumbashi, nom de la rivière qui la traverse, par le maréchal Mobutu, en 1966.

A ce jour, la ville de Lubumbashi est dotée de la personnalité juridique et gérée par le maire et le maire adjoint. Elle jouit de la libre administration et de l’autonomie de gestion de ses ressources économiques, humaines, financières et techniques, aux termes de l’article troisième de la Constitution de la RDC, Modifiée par la Loi n° 11/002 du 20 janvier 2011 portant révision de certains articles de la Constitution de la République Démocratique du Congo du 18 février 2006. L’histoire renseigne que seul le maire Floribert Kaseba Makunko avait la capacité de mettre la ville en orbite internationale, en tenant compte des enjeux locaux.

III. Connaissance de la démographie

Depuis sa création, Lubumbashi revêt un caractère métropolitain extra-coutumier. Elle fut construite avec une main d’œuvre importée d’Europe, des provinces du Kasaï, des pays de la région, comme le Nyassaland (actuel Malawi), le Mozambique, la Rhodésie du Nord (actuellement Zambie) et du Ruanda-Urundi. Dès 1888, les populations européennes et africaines d’Elisabethville étaient séparées. Les noirs dits « indigènes » au service de l’État, étaient soustraits de l’organisation coutumière pour être soumise à l’autorité des agents de l’État. Ceux au service d’européens étaient soumis à leur autorité et ceux installés dans les circonscriptions urbaines et qui n’étaient pas au service de l’État ou des particuliers, étaient placés sous l’autorité de l’administration territoriale européenne.

A partir de 1920, la subdivision des cités dites indigènes en quartiers s’était accompagnée de la nomination d’agent africain, de race noir, le « chef de quartier » auquel la population noire était soumise. Ainsi, en 1936, M. Albert Kabongo fut nommé chef du tout premier Centre indigène d’Élisabethville constitué majoritairement des proches des ouvriers des mines et du chemin de fer. C’est l’actuelle commune Kamalondo. Présentement, la population de la ville de Lubumbashi est estimée à 2.786.397 habitants. Elle est composée principalement de:

  • Ressortissants des groupes ethniques autochtones, notamment les Balamba et Babemba issus des groupements environnants de Kaponda, Bukanda et Kinama;
  • Des ressortissants des territoires voisins de Kambove, Kasenga, Mitwaba, Pweto et Sakania, ainsi que ceux des provinces voisines de Lualaba, Tanganyika et Haut-Lomami;
  • Descendants des anciens ouvriers des mines de cuivre et du chemin de fer (Bas-Congo Katanga (BCK)) rejoints par des centaines des milliers de leurs frères ou oncles du Kasaï, appelés communément « manseba »;
  • La ville compte aussi des déplacés de l’interminable guerre d’agression des provinces de l’Est du pays dont le Maniema, le Sud-Kivu et le Nord-Kivu; des commerçants; anciens étudiants; fonctionnaires ainsi que des milliers de travailleurs des multiples entreprises minières de la province, venant du reste du pays.

Par voie de conséquence, outre le KiSwahili la plus ancienne langue parlée depuis l’ère des cités indigènes et camps des ouvriers, dans les rues de Lubumbashi l’on entend couramment le TshiLuba et le Lingala.

IV. Connaissance de l’éducation et la culture

Lubumbashi possède de nombreuses bonnes écoles techniques, publiques et privées. La qualité élevée de l’enseignement, par rapport à la moyenne nationale, est parmi les facteurs d’attraction des jeunes parents d’autres provinces de la RDC.

Lubumbashi abrite plus de 40 établissements d’enseignement supérieur et universitaire dont la deuxième université publique construite par les colons belges, l’ancienne Université Officielle du Congo et Rwanda-Urundi, actuellement Université de Lubumbashi (UNILU) ; la première Université privée de qualité internationale, l’Université Nouveaux Horizons (UNH) construite par le Professeur Takizala Masoso Alexis; ainsi que l’une des grandes universitaires chrétiennes, l’Université protestante de Lubumbashi (UPL), l’œuvre de la communauté coréenne de la RDC.

La ville de Lubumbashi fait rêver, par le développement des divers sports dont le football professionnel. Ses équipes, à l’instar de Saint Eloi Lupopo et du Tout-Puissant Mazembe, attirent des milliers des jeunes de la RDC. A ne prendre que l’exemple de T.P. Mazembe, celle-ci a l’un des plus beaux palmarès du football africain avec cinq Ligues des champions de la CAF (Confédération africaine de football), trois Super coupes de la CAF, une Coupe d’Afrique des vainqueurs de coupe ainsi que trois coupes de la confédération. En 2010, elle était devenue le premier club non européen ou sudaméricain à accéder à la finale de la Coupe du monde des clubs. Sur le plan national, T.P. Mazembe a participé à 19 championnats de la première division et y à arracher cinq coupes. L’équipe a une grande rivalité qui l’oppose à l’un des meilleurs clubs du pays, l’A.S. Vita Club de Kinshasa.

V. Connaissance de l’économie

L’attractivité de la ville de Lubumbashi est amplifiée par la plus grande gare de chemin de fer (SNCC) du pays, l’aéroport international de la Luano et le plus important poste douanier érigé à Kasumbalesa, à la frontière zambienne, sur l’autoroute nationale N°1.

La N1 est largement fréquentée par des milliers de camions remorques en province de l’Afrique australe. Cet intense trafic routier a créé un autre mode de vie pour des milliers de chauffeurs étrangers, des commerçants transfrontaliers et des jeunes venant de toute la République.

Les zones minières de Likasi, Kambove, Kolwezi, Tenke, Fungurume et Manono, même les capitales des nouvelles provinces démembrées de l’ancienne Katanga et de l’ancienne Kasaï, dépendent des voies de sortie internationale de Lubumbashi.

Avec ses voies d’accès, la ville héberge des grandes entreprises aux connexions multinationales dont la Gécamines, SNCC, TFM, KCC, MMG, CDM, Ruashi Mining et Kamoa. Tout logiquement les banques et autres entreprises des services allongent la liste.

Ainsi, la ville joue le rôle de la plus grande porte d’entrée/sortie de toute la RDC et de centre de redistribution de divers produits et services importés/exportés en provenance et vers le monde entier. A partir de la Zambie, les exportations/importations se dirigent vers les ports de Dar-es-salaam (Tanzanie), Maputo (Mozambique), Durban (Afrique du Sud) et Walvis Bay (Namibie).

Cependant, l’économie de la ville, encore majoritairement informelle empirant la misère sociale, fonctionne au marché noir, sous contrôle des chinois, indiens et libanais. Les hommes d’affaires nationaux sont rares. L’on peut en citer à titre illustratif quelques exceptions.

a. Les hommes d’affaires congolais

(i) M. Moïse Katumbi Chapwe. Le propriétaire de l’entreprise agroalimentaire Mashamba comprenant 15.000 hectares de champ de maïs, la plus grande minoterie de la province, l’élevage du gros bétail à Futuka et Kashobwe. Il est aussi le patron des entreprises de transport routier: Habari Kani, Muzuri Sana et Hakuna Matata, ainsi que l’entreprise de sous-traitance minière Mining Company Katanga SARL (MCK SARL); (ii) M. Patrick Muland. Le propriétaire des bus luxueux MULYKAP de transport routier entre Lubumbashi, Likasi et Kolwezi. Il est aussi distributeur de carburant avec les stations du même enseigne commercial. (iii) M. Eric Monga Mumba Sombe Sombe. Le patron des entreprises Kipay Investment SARL, PowerTrade SARL et Trade Service SARL. Cette dernière est la plus grande agence en douanes. Monga est aussi promoteur du projet de construction du barrage hydroélectrique de Sombwe. (iv) Prof. Alexis Takizala Masoso. Il est propriétaire et promoteur de la première université privée de renommée internationale construite en RDC, Université Nouveaux Horizons (UNH). (v)Dr Adelin Muganza. Le propriétaire de Med Park Clinic de Lubumbashi, l’un des meilleurs complexes hospitaliers privés de standard international. (vi) Prof Mulowayi. Distributeur de carburant et propriétaire de l’hôtel Gloria Inn, l’un des rares à compter au centre commercial.

Quasiment absents, les hommes d’affaires congolais ne contrôlent rien de l’économie congolaise. Pour preuve, les grosses affaires des multinationales minières se négocient à Hong-Kong, Pékin, Londres, Bruxelles ou Johannesburg, loin des avocats et des experts comptables de la Ville qui n’en ont aucune idée. A l’image de leurs cabinets de fortune, ces professionnels du droit, de la comptabilité et des fiscs sont le reflet de la misère de la Ville de Lubumbashi.

b. Les hommes d’affaires européens

A ce jour, l’ancienne colonie belge échappe complètement à l’emprise occidentale. L’Europe y est représentée par des petites communautés: Des belges, symbolisés par le Groupe Forrest. Des grecques, avec la chaîne des entreprises alimentaires Hyper-Psaro (de la famille Psaromatis Ilias), en plus de la distribution de carburant Petro Peuple. Et, un réseau d’Italiens qui se réunit au Casa Degli Italiano. Dans les mines, les intérêts occidentaux se résument dans l’homme d’affaire israélien, Dan Getler, ainsi que la nébuleuse suisse Glencore qu’on retrouve dans des entreprises comme Katanga Mining Ltd, DRC Copper and Cobalt Project (DCP), Mutanda Mining SARL (MUMI) et Kamoto Copper Company (KCC).

c. Les entreprises chinoises

Les Chinois sont désormais les premiers investisseurs. Ils ont injecté des milliards de dollars américains dans l’industrie minière basée dans les provinces du Haut-Katanga et du Lualaba, via des partenariats avec la Gécamines (Générales des Carrières et des Mines). Des transactions qui ne transpirent nullement dans les cabinets d’affaires locales. L’on peut citer à titre illustratif quelques grands partenariats: (i) China Molybdenum, coté à la bourse de Hong Kong le groupe a racheté la mine de Tenke Fungurume Mining (TFM) au groupe américain Freeport-McMoRan; (ii) China Minmetals Corporation (CMC). Elle est cotée à la bourse de Hong Kong Limited est actionnaire majoritaire dans MMG Kinsevere (MinMetals Group Kinsevere), anciennement Anvil Mining Ltd; (iii) China’s Zhejiang Huayou Cobalt Co Ltd, la multinationale exploite du cobalt à Lubumbashi, via Congo Dongfang Mining (CDM), et du lithium à Manono, via l’entreprise australienne AVZ Minerals; (iv) Zijin Mining Group, la multinationale partenaire de Ivanhoe Mines, une multinationale canadienne, coactionnaire dans Kamoa-Kakula, avec Crystal River Global Limited et le Gouvernement de la RDC; (v) Jinchuan Group Limited actionnaire majoritaire dans Ruashi Mining (Metorex); Les entreprises chinoises contrôlent la quasi-totalité de la chaîne de production des minerais, à travers leurs propres multiples réseaux de sous-traitance: L’exploration, l’exploitation, le traitement et l’exportation des minerais. Elles ont aussi leurs propres services d’import/export. Elles fabriquent des intrants chimiques, acides et ciments pour leurs entreprises minières. Et, elles parviennent même à revendre au détail, directement à la population locale.

d. Les entreprises indiennes

Les entreprises indiennes dominent l’immobilier. Elles rachètent des maisons de l’Etat que les politiciens s’étaient appropriées, détruisent des vieilles bâtisses de l’administration coloniale, au centre de la ville, et y érigent des nouveaux bâtiments en étages servant d’habitations et de bureaux. Elles contrôlent la quincaillerie: Tôles, fers à béton, clous, peintures et tous les accessoires de la construction. Elles importent en gros et organisent la redistribution aux petits commerçants.

Par ailleurs, elles ont un réseau bancaire privé fonctionnel et d’assurance RawAssurance. Elles encouragent la campagne de la bancarisation du secteur public, afin de bénéficier du flux financier venant de l’Etat qui permet d’organiser le crédit via la RawBank. Les indiens contrôlent le secteur pharmaceutique via le groupe SHALINA que dirige Monsieur Shiraz Virji. Ainsi, des hôpitaux privés s’en suivent, à l’instar du Groupe hospitalier Centre Médical Diamant. De manière exceptionnelle, Chemicals Of Africa (CHEMAF) du même Shiraz prend de l’encrage dans l’industrie minière à Lubumbashi.

VI. Connaissance des enjeux politiques

Hormis la capitale Kinshasa, Lubumbashi demeure le lieu des grands enjeux politiques, au regard de son importance économique dans le pays. Le contrôle de la ville assure la bonne gestion de l’ensemble de la République. Sa déstabilisation entraînerait une crise économique énorme que ni le pays ni les bourses minières internationales ne sauraient tolérer.

Afin de parvenir à gérer Lubumbashi, trois courants de pensées politiques s’affrontent: (i) Le Courant Nationaliste; (ii) le Courant de la Katanganité et (iii) le Courant de l’inclusion.

a. Le Courant nationaliste

Le courant nationaliste se fonde sur les droits humains. Il prône l’application de la Constitution en vigueur dans le pays, en ses articles 5, 6 et 10 portant, respectivement, sur la reconnaissance de la souveraineté nationale, la nationalité congolaise exclusive et le pluralisme politique.

Pour ce courant, toute personne appartenant aux groupes ethniques qui faisaient partie de ce qui est devenu présentement la RDC, a les mêmes droits d’exercer le pouvoir souverain, directement ou indirectement, via un parti politique de son choix, partout dans le pays. Aucune fraction du peuple, aucun groupe ethnique ni aucun individu ne peut s’attribuer la souveraineté sur une partie de la République, ni le rôle de décideur de ceux qui devraient exercer ou jouir de cette souveraineté dans la ville de Lubumbashi.

La pensée politique nationaliste est aussi renforcée par les articles 12, 13 et 30 de la même Constitution, portant sur les droits politiques reconnus à tout citoyen congolais, sans discrimination aucune, qui se résument en ce que tous les Congolais soient égaux devant la loi et aient droit à une égale protection des lois. Aucun Congolais ne peut, en matière d’accès aux fonctions publiques ni en aucune autre matière, faire l’objet d’une mesure discriminatoire. Tout congolais a le droit de circuler librement sur l’ensemble du territoire national, d’y fixer sa résidence, de le quitter et d’y revenir, dans les conditions fixées par la loi. Et qu’aucun Congolais ne peut être expulsé ni du territoire de la République, ni d’une partie de la République, ni être forcé à habiter hors de sa résidence habituelle.

Se référant à l’article 207 de la Constitution qui institue le pouvoir coutumier, le courant nationaliste rappelle la règle qui veut que le détenteur du pouvoir coutumier qui veut concourir à la conquête d’un mandat public se soumette à la procédure électorale.

Et de conclure, par l’article 7 de la Constitution que nul ne peut restreindre, tribu ou groupe ethnique soit-il, sous quelque forme que ce soit, l’exercice et la jouissance des droits politiques reconnus aux autres congolais, quelle que soit leur appartenance ethnique, sur tout ou partie du territoire national.

L’appartenance à la nation congolaise implique la pleine jouissance et le plein exercice de tous les droits, par tous les Congolais, partout en RDC et de la même façon. La majorité de ceux qui prônent le discours nationaliste est constituée, particulièrement des descendants d’ouvriers de l’Union Minière et du chemin de fer BCK, réclamant une participation politique totale à la gestion de la ville construite par leurs parents et arrières parents.

b. Le Courant de la katanganité

Le Courant de la Katanganité veut que l’exercice et la jouissance des droits politiques soient réservés aux autochtones des lieux d’origine de la tribu de leurs parents. En d’autres termes, bien qu’ayant la nationalité congolaise conformément à la Constitution, chaque citoyen devrait se référer au village d’origine ou à la tribu de ses parents, comme point de départ de l’exercice et de la jouissance des droits politiques.

Ainsi, pour prétendre à la candidature de représentant du peuple au parlement national, député provincial, Sénateur ou Gouverneur, il faut aller au lieu de la tribu de ses ancêtres. Le citoyen ne peut devenir administrateur de territoire que dans le territoire d’origine de la tribu de ses parents.

Le courant politique prônant la katanganité fut né, en réaction à l’échec aux élections municipales, appelées consultations du 22 décembre 1957, les premières à avoir eu lieu au Congo belge, dans les villes d’Élisabethville et de Jadotville.

A Elisabethville, en plus de la commune dite blanche, d’Elisabethville, les élections eurent lieu dans les quatre communes africaines d’Albert, Katuba, Kenya et Rwashi. Tandis qu’à Jadotville, elles furent organisées dans la commune dite blanche de Jadotville et la commune africaine de Kikula.

Tous les cinq sièges de représentants locaux étaient raflés par des descendants des
ouvriers des mines et des chemins de fer, dits « non-originaires » suivants: (i) Commune Albert: Pascal Lwanghy (Originaire du Maniema); (ii) Commune de Katuba: Thadée Mukendi (Originaire du Kasaï); (iii) Commune de la Kenya: Armand Tshinkulu (Originaire du Kasaï); (iv) Commune de la Ruashi: Laurent Musengeshi (Originaire du Kasaï); (v) Commune de Kikula: Victor Lundula (Originaire du Kasaï).

L’histoire renseigne qu’à la suite de ces élections, des organisations politiques se constituèrent en confédérations des associations dites socioculturelles, notamment: (i) La Confédérations des Associations Katangaises (CONAKAT); (ii) L’Association Générale des Balubas du Katanga (BALUBAKAT); (iii) La Fédération Kasaïenne; (iv) Et, l’Association des Tshokwe du Congo, de l’Angola et de la Rhodésie.

Cette dernière s’était associée, plus tard, à la Fédération Kasaïenne pour former le CARTEL.

En mai 2022, l’Archevêque métropolitain de Lubumbashi avait initié « le Forum pour l’unité et la réconciliation des leaders Katangais », sous le thème « Frères et sœurs un jour, frères et sœurs toujours ». Ce qui est interprété comme un rappel selon lequel nous fîmes frères et sœurs un jour, nous demeurerons frères et sœurs, pour toujours.

L’objectif dudit Forum était de: « Rappeler que l’identité katangaise n’est ni un vieux mythe, ni un fantasme illusoire. Au contraire, c’est une réalité vivante […] une dynamique à toujours consolider, à renforcer, à perpétrer, à vivre au quotidien, à refaire sans cesse et, obligatoirement, à transmettre aux générations katangaises à venir […] au sein de notre appartenance à la RDC […] ».

Ce courant politique définit ses propres délimitations géographiques du territoire qu’il rêve d’administrer un jour: Le Katanga. Et, il encourage l’éclosion des groupes socioculturels, membres de la Fondation Katangaise, constitués des ressortissants de telle tribu ou tel groupe ethnique, ainsi que le lopin de terre qu’il est sensé contrôler: (i) Association des BaHemba de Kongolo et Nyunzu (Twibunge); (ii) Association des Bakalanga et Baholoholo/Kongolo, Nyunzu, Kalemie (Luhende); (iii)Association des Bakusu de Lubunda/Kongolo (ASBAKUL); (iv)Association des BaLamba, BaBemba, et BaLala de Kasenga, Kipushi, Pweto et Sakania (SEMPYA); (v) Association des Balubas du Katanga/Kalemie, Bukama, Kamina, Kaniama, Malemba-Nkulu, Kabongo, Manono, Kabalo, Kongolo, Nyunzu, Mitwaba et Lubudi (BALUBAKAT); (vi)Association des Bashila du Lac Moëro/Pweto (ASHILAC); (vii) Association des BaSongye du Katanga/Kabalo, Kongolo (ASSOBAKAT); (viii) Association des Lwena et Luvale/Dilolo (LWENA); (ix)Association des Minungu de Dilolo, Kapanga, Sandoa, Mutshatsha (MINUNGU); (x) Association des Ruund/Kapanga, Kolwezi (DIVAR); (xi)Association des BaSanga/Kambove, Kolwezi, Lubudi, Mitwaba (LWANZO LWA MIKUBA); (xii) Association des BaTshokwe/Sandoa, Dilolo, Kolwezi (KULIVWA); (xiii) Association Ndembu-Frères de Mutshatsha, Kolwezi, Dilolo (ASSONDEF); (xiv) Cercle pour la promotion du Marungu Benye Marungu, Moba, Nyunzu (CEPROMA).

Après le découpage, comme l’on pouvait bien s’y attendre, la Fondation Katangaise est mise à l’épreuve par la naissance de la Fondation du Haut-Katanga (FOHAKAT) qui se réclame être l’organisation des associations socioculturelles de la nouvelle province découpée: (i) Association des BaLamba, BaBemba, et BaLala de Kasenga, Kipushi, Pweto et Sakania (SEMPYA); (ii) Association des Bashila du Lac Moëro de Pweto (ASHILAC); (iii)Association des BaSanga de Kambove et Mitwaba (Lwanzo Lwa Mikuba). La FOHAKAT réserve à son tour, le droit de participer à la gestion de la chose publique aux seuls ressortissants des territoires constituant la province du Haut-Katanga.

c. Le courant de l’inclusion

Par contre, présentée sous l’angle d’intégration des spécificités locales, la katanganité devient inclusive et prend le sens d’attirer l’attention sur des modes de vie des milieux urbains qui devraient garder des ponts naturels de communication avec le pouvoir coutumier qui règne sur des vastes étendues des milieux ruraux. Telle contextualisation renvoie à la notion des droits fondamentaux des communautés locales de participer à la gestion à tous les niveaux.
Il est légitime aux communautés locales d’exiger d’être consultés et incorporés dans tous les organes de décision sur toutes les matières qui intéressent leurs vies politiques ou leur environnement socioculturel. Ainsi, la katanganité n’exclut personne, à cause des origines de ses parents, mais renforce l’inclusion et la cohésion nationale, dans un cadre concurrentiel.

La katanganité inclusive veut réserver des postes aux personnes capables de garder la communication avec les détenteurs du pouvoir coutumier, tel qu’évoqué et organisé par la Constitution, en ses articles 3, 204 (point 28) et 207. L’économie de ces articles est telle que l’autorité coutumière est reconnue et dévolue conformément à la coutume locale, pour autant que celle-ci ne soit contraire à la Constitution, à la loi, à l’ordre public ni aux bonnes mœurs (Art. 207). L’Etat dote aux secteurs et chefferies des statuts d’entités territoriales décentralisées, de la personnalité juridique et sont gérées par des organes locaux (Art.3) qui appliquent, le cas échéant, le droit coutumier (Art 204, point 28).

La katanganité inclusive se réfère à la sagesse de l’alinéa quatrième de l’article 197 de la Constitution qui reconnaît deux modes de désignation des représentants du peuple : La règle du vote au suffrage universel et l’exception, par la cooptation.

VII. CONCLUSION

En somme, par nomination ou par vote, la désignation du maire de la ville de Lubumbashi devrait tenir compte de la connaissance de la ville discutée ci-dessus, dans le but de relever les défis liés à son développement éducationnel, économique, social et culturel. Ainsi, lui permettre de détrôner valablement la ville de Johannesburg, devenue la forteresse des multinationales qui exploitent la RDC. La ville a été créée et construite ex-nihilo, sous le statut métropolitain extra-coutumier, par la puissance coloniale belge, avec une main d’œuvre importée. Présentement, sa population est composée des ressortissants des groupes ethniques autochtones; des ressortissants des territoires voisins et provinces voisines; ainsi que des descendants des anciens ouvriers des mines et du chemin de fer BCK. La ville compte aussi des millions des déplacés des guerres contemporaines; anciens étudiants; fonctionnaires; des commerçants ainsi que de travailleurs des multiples entreprises minières de la province, venant du reste du pays.
Elisabethville, rebaptisée Lubumbashi, est actuellement dotée, par la Constitution en vigueur, de la personnalité juridique et gérée par un Maire. Elle jouit de la libre administration et de l’autonomie de gestion de ses ressources humaines et financières.

La ville fait rêver le reste du pays, par le développement des sports dont le football professionnel et sa quarantaine d’établissements d’enseignement universitaire de qualité. Ces deux facteurs sont amplifiés par des voies d’accès qui attirent des grandes entreprises aux connexions multinationales. Ainsi, Lubumbashi joue le rôle de porte d’entrée/sortie et de centre de redistribution des produits et services
importés du monde entier, via la Zambie qui s’ouvre sur les ports de Dar-es-salaam (Tanzanie), Maputo (Mozambique), Durban (Afrique du Sud) et Walvis Bay (Namibie).

Cependant, l’économie de prédation de la ville, encore majoritairement informelle, fonctionne sous contrôle des chinois, indiens et libanais. Elle ne participe pas à l’amélioration des conditions des vies de la population locale. Quasiment absents, les hommes d’affaires congolais n’en contrôlent rien. Les grosses affaires des multinationales minières se négocient à Hong-Kong, Pékin, Londres, Bruxelles ou Johannesburg, loin des avocats et experts comptables de la Ville.

Politiquement, trois courants de pensées politiques s’affrontent dans la ville de Lubumbashi: (i) Le Courant Nationaliste; (ii) le Courant de la Katanganité et (iii) le Courant de l’inclusion. Des pensées primitives loin d’entraîner le développement économique.

Le courant nationaliste se fonde sur les droits humains. Il prône l’application de la Constitution en vigueur dans le pays, sur la reconnaissance de la souveraineté nationale, la nationalité congolaise exclusive et le pluralisme politique. Aucun individu ni groupe d’individus ne peut s’attribuer la souveraineté sur une partie de la République, ni le rôle de décideur de ceux qui devraient exercer ou jouir de cette souveraineté dans la ville de Lubumbashi.
Le Courant de la Katanganité veut que l’exercice et la jouissance des droits politiques soient réservés aux autochtones des lieux d’origine de leurs parents. Bien qu’ayant la nationalité congolaise, chaque citoyen devrait se référer aux origines de ses parents, comme point de départ de l’exercice et de la jouissance des droits politiques.
Par contre, présentée sous l’angle d’intégration des spécificités locales, la katanganité devient un courant inclusif et prend le sens d’attirer l’attention sur des ponts naturels de communication avec le pouvoir coutumier. Telle contextualisation renvoie à la notion des droits fondamentaux des communautés locales de participer à la gestion à tous les niveaux.

Bref, de tout ce qui précède, le prochain Maire de la Ville de Lubumbashi doit être une personne qui sait qu’en dépit de son étranglement dans le Copperbelt zambien, la ville doit rayonner à l’instar des autres villes d’Afrique australe. Il doit rencontrer le rêve d’une mégapole prospère qui pourra, dans les prochaines 80 années, s’étendre sur tout le territoire de Kipushi. Il doit être ce manager économique qui
comprend la dynamique politique, l’expansion géographique et la croissance démographique exponentielle.

Lubumbashi, le 17 septembre 2022


Me Hubert Tshiswaka Masoka,
Avocat et défenseur des droits humains

Happy
Happy
0 %
Sad
Sad
0 %
Excited
Excited
0 %
Sleepy
Sleepy
0 %
Angry
Angry
0 %
Surprise
Surprise
0 %