Chroniqueur et analyste politique, directeur du journal « Les points saillants plus », Daniel Safu se présente comme « journaliste engagé ». Il a participé à la « Rencontre citoyenne de la Société civile congolaise ». Il confie ses impressions à Congo Indépendant.
Au-delà de l’image que les téléspectateurs et les internautes ont retenu à travers vos interventions dans les médias. Qui êtes-vous exactement?
Je suis Congolais. Je me sens chaque fois interpellé par ce qui se passe dans mon pays. Je me suis référé à Franz Fanon qui a dit ceci: « Chaque génération peut, soit trahir sa patrie, soit protéger sa patrie ». Cette pensée m’a séduit. Je me suis dit: « Que puis-je faire pour mon pays? ». J’ai choisi de défendre ma patrie. Pas mal de gens m’ont inspiré. C’est le cas notamment de Thomas Sankara. Celui qui m’inspire davantage, c’est le premier Résistant congolais: Simon Kimbangu. Il s’est levé pour dire « Non! » à l’injustice. Kimbangu a été relégué dans les oubliettes. Nous les jeunes avons la mission de relayer et de continuer le combat de cet homme qui a passé trente années de sa vie en prison.
Quel est l’élément déclencheur qui est à la base de votre « engagement » pour le changement?
C’est l’injustice! A travers mes écrits, les autorités en place ont commencé à me chercher noise. J’ai été arrêté injustement. Ces autorités voulaient à tout prix que j' »accompagne » [Joseph] Kabila. Je n’ai jamais cru en cet homme.
Qu’entendez-vous par « accompagner »?
Etre moins critique dans mes écrits…
En entonnant le « Djalelo » comme disent certains…
Effectivement! Je devais fredonner le « Djalelo » à travers mes écrits. [Chant à la gloire du chef de l’Etat à l’époque de Mobutu Sese Seko, Ndlr]. Mon combat n’a pas commencé avec « Joseph ». Très jeune, j’ai combattu Mobutu. J’ai combattu également son successeur Laurent-Désiré Kabila. Je n’avais jamais cru en cet homme.
Voulez-vous dire que les systèmes incarnés par Mobutu et LD Kabila étaient identiques?
Les deux sont tout à fait identiques. Pire encore, Laurent-Désiré Kabila a fait pire en dirigeant le pays sans texte. Je suis profondément attaché à l’idée selon laquelle « on ne libère pas un peuple. Un peuple se libère seul … ». En tant que peuple, nous devons nous battre pour nous libérer. Aujourd’hui, je continue à combattre Joseph Kabila qui accuse des « infirmités » graves. Des incohérences tout aussi graves. L’homme n’a aucune notion de l’Etat. Face au gangstérisme de son programme, aux détournements ainsi qu’à la corruption à outrance, j’ai refusé de croiser les bras.
Ne craignez-vous pas que la chute de l’individu « Joseph Kabila » ne suffise pas à éradiquer le « système »?
Non! Joseph Kabila constitue en lui-même le système. « Détruire » Kabila, c’est détruire son système. Le système partira avec celui qui l’incarne. Il y a aujourd’hui dans ce pays, une génération des Congolais qui n’entend plus tolérer n’importe quoi. C’est une génération qui a été préparée, sur le plan mental, par le très regretté Etienne Tshisekedi wa Mulumba. C’est ça le mérite de Tshisekedi qui est encore ma référence par excellence. L’homme s’est battu pour l’avènement de l’Etat de droit. Cette génération a été préparée de manière rigoureuse. Elle constitue désormais le dernier rempart. Mieux, le dernier paradigme. En dehors de cette génération, ce pays ne sera pas sauvé. Je tiens à rappeler que le Congo a une « mission prophétique » comme le disait Franz Fanon. « Si le Congo se libère, il sera en mesure de libérer toute l’Afrique ».
Concrètement, qu’attendez-vous de la « rencontre citoyenne de la société civile congolaise » à Chantilly?
Cette rencontre nous a dotés d’une nouvelle intelligence.
Que voulez-vous dire précisément?
Je voudrai dire que cette rencontre a jeté les bases d’une « fédération de grandes intelligences ». Cette fédération d’intelligences vient de déclencher une nouvelle intelligence. J’ai la conviction que le dictateur pourrait être chassé facilement. Ce qui nous manquait c’est bien l’arme pour « détruire » Kabila. Nous sommes venus ici à la fois pour récupérer l’instruction et nous dépouiller de la peur. Nous sommes venus ici découvrir d’autres dimensions et d’autres vérités.
Quoi par exemple?
Je ne saurai pas le dire au risque de dévoiler notre stratégie. A la sortie de cette rencontre, c’est le combat au sens rationnel qui va commencer. Nous n’allons plus rater Kabila. On l’a raté plus d’une fois. Je vous assure que, cette fois-ci, nous n’allons plus le rater. Cette fois-ci, nous serons en mesure d’endoctriner la population. La dynamique interne et la dynamique externe – avec la diaspora -, j’ai la conviction que l’adversaire n’aura plus de chance.
Propos recueillis à Chantilly par Baudouin Amba Wetshi