Covid-19: Désengorger la prison de Makala et libérer les présumés « assassins » de LD Kabila

Au moment où le nombre des personnes testées positives au Covid-19 explose aux quatre coins du monde, certains Etats envisagent de désengorger les prisons où règne une promiscuité propice à l’expansion de cette pandémie. En Afrique, l’Ethiopie, le Niger, le Sénégal et la Tunisie, des prisonniers ont franchi le pas. Cette tendance fera sans doute des émules. Qu’en est-il du Congo-Kinshasa? L’heure n’est-elle pas venue de revoir à la baisse le nombre des pensionnaires à Makala et ailleurs sans omettre les présumés – prétendus? – assassins du président Laurent-Désiré Kabila?

Le Congo-Kinshasa (Kinshasa et la province de l’Ituri) a atteint le chiffre de 98 cas des sujets testés positifs de Covid-19 dont 8 décès. La nouvelle a été annoncée lundi 30 mars par le professeur Jean-Jacques Muyembe qui dirige le secrétariat technique chargé de la lutte contre cette pandémie.

Le président Felix Tshisekedi lors de son message à la nation du 24.03.2020

Lors de son premier message à la nation en date du 18 mars, le président Felix Tshisekedi avait fait état de « quatorze de nos compatriotes internés dans les centres hospitaliers(…)« . Dans sa seconde allocution du 24 mars, le chef de l’Etat indiquait que « nous venons de franchir le cap de quarante-six personnes déclarées contaminées avec un cas de guérison et trois cas de décès dénombrés ». Où va-ton?

De l’avis général, le « confinement » reste le moyen le plus sûr pour « freiner »  la propagation de ce virus qui se transmet d’un être humain à un autre à travers notamment les postillons.

Les statistiques précitées semblent indiquer que « l’état d’urgence sanitaire » décrété par le chef de l’Etat – impliquant des restrictions en matière de liberté d’aller est de venir – est loin d’être suivi par la population. Non pas par incivisme mais simplement par nécessité.

D’aucuns ont reproché aux gouvernants congolais d’avoir fait du « copier-coller » en appliquant les mesures de « confinement » prises dans certains pays occidentaux. D’autres continuent à s’interroger si le processus de prise de ces décisions avait observé les trois étapes. A savoir: préparation de la décision, prise de la décision et exécution de la décision.

Dans une récente interview accordée à notre journal, Parfait Salebongo Ebwadu, médecin interniste belgo-congolais, a reconnu que les décisions prises par le chef de l’Etat sont conformes aux recommandations de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). L’ancien Kinois n’a pu s’empêcher de mettre un bémol. « Le problème est que le niveau de vie de la population en RDC n’a aucune commune mesure avec celui de l’Occident. Les gens vivent au jour le jour. La mise en œuvre du confinement pourrait susciter des sérieux problèmes. (…). Rester à la maison équivaut à mourir de faim ».

Outre le confinement, il a été « recommandé » à populations de veiller aux lavages des mains. Dans son allocution du 24 mars, Felix Tshisekedi  avait instruit le gouverneur de Kinshasa de faire installer « plusieurs points de lavage des mains avec désinfectant ou savon, surtout dans des agglomérations à grandes affluences où le manque d’eau et d’électricité est quasi permanent ».

Dans un communiqué daté de mardi 31 mars, la « VSV » exprime sa « vive indignation » de constater le « manque d’eau » dans plusieurs quartiers de la capitale. L’association de défense des droits humains cite notamment: Matonge, Kauka Briking, Ma Campagne, Ngomba Kinkusa, Télécom, Delvaux. Il semble que la liste n’est pas exhaustive.

La VSV se dit dubitative en ce qui concerne l’application effective de la « mesure préventive et salvatrice » de lavage régulier des mains avec du savon « sans fourniture régulière de l’eau » par la Régie de Distribution d’eau.

Felix Kabange Numbi

Ancien ministre de la Santé, Felix Kabange Numbi se contente de déplorer « le non-respect des instructions » annoncées les 18 et 24 mars derniers par le Président de la République. Il cite notamment la « distanciation sociale ». Pour ce cacique de la mouvance kabiliste Fcc-Pprd – qui est loin d’être confronté aux difficultés existentielles du « petit peuple » -, « nous devons envisager sincèrement et honnêtement d’aller vers un confinement général de la ville de Kinshasa ». En clair, tant pis pour le citoyen lambada incapable de faire des provisions.

DÉSENGORGER LA PRISON DE MAKALA

Depuis que le Coronavirus fait de ravage, certaines nations commencent à prendre conscience de l’urgence de désengorger les établissements pénitenciers et autres maisons d’arrêt. Le but est de stopper autant que faire se peut la propagation du Covid-19. Le ministre congolais de la Justice semble avoir levé cette option. On attend les actes.

Les détenteurs d’une parcelle de pouvoir au Congo-Kinshasa prennent plaisir à faire sentir aux autres le poids de leur autorité. A travers les prisons du pays en général et dans celle de Makala en particulier, plusieurs milliers de personnes sont privées de libertés pour des peccadilles. Construite pour une population carcérale estimée à 1.500, Makala abriterait aujourd’hui pas moins de 8.000 détenus.

Ancien pensionnaire de Makala, l’ancien député provincial Thierry Mbuze Agwabi confiait à l’auteur de ces lignes ces mots en mars 2012: « J’ai eu à constater que la prison de Makala héberge plusieurs prévenus qui n’ont jamais été présenté à un magistrat-instructeur. Certains d’entre eux sont emprisonnés depuis 2003 ou 2005 sans avoir été fait l’objet d’une inculpation. Ils ignorent donc les faits qui leur sont reprochés ». Un avis que partage l’activiste de la société civile Christopher Ngoy Mutamba: « Les conditions de détention à Makala sont très mauvaises. Cette prison constitue une plaie pour notre société ». C’était lors d’une interview accordée à notre journal en décembre 2016.

LIBÉRER LES PRÉTENDUS ASSASSINS DE LD KABILA

L’hebdomadaire Jeune Afrique n°3076H du 22.12.2019

Dans une interview accordée à Marwane Ben Yahmed, directeur de publication de l’hebdomadaire parisien « Jeune Afrique » ( voir n°3076H daté du 22.12. 2019), le président Felix Tshisekedi Tshilombo évoque la situation des anciens collaborateurs du défunt président Laurent-Désiré Kabila. Ceux-ci sont embastillés à Makala depuis bientôt vingt ans.

Question : « Une trentaine de personnes ont été condamnées à huis clos par un tribunal militaire dans le cadre de l’assassinat de LD Kabila en 2001. Toutes ont nié, mais elles ont été incarcérées à Makala. Un certain nombre d’entre elles sont depuis décédées. Joseph Kabila a toujours refusé de les gracier. Qu’envisagez-vous de votre côté? »

Réponse : « Je suis en train de me pencher sur ce dossier et je pourrai mieux vous répondre au courant janvier, si vous me reposez la question. Je n’ai aucun jugement à émettre à ce stade, si n’est que le sujet est évidemment délicat et sensible, il s’agit de l’assassinat du père de mon prédécesseur. J’ai besoin de comprendre, après avoir réuni tous les éléments avant de voir comment nous pourrions régler cette question une bonne fois pour toutes ».
Le président Felix Tshisekedi Tshilombo adopte là une posture peu glorieuse à la Ponce Pilate face à des concitoyens victimes d’une justice inique et d’un procès bâclé et inachevé. Quelques faits.

Eddy Kapend dégradé à la fin du procès

Le 7 janvier 2003, la Cour d’ordre militaire et son président Nawele Bakongo sont apparus bien incapables de démontrer la matérialité des faits (assassinat, complot) reprochés  notamment à Eddy Kapend Irung (aide de camp de LD Kabila), Georges Leta Mangasa (administrateur général de l’ANR) Constantin Nono Lutula (Conseiller spécial en matière de sécurité) et tant d’autres prétendus assassins du défunt président.

Des questions restent toujours sans réponses. Qui a commandité ce crime? Quel en est le mobile? Qui a abattu le Président? Quid de l’arme du crime? A qui profite le crime?

En dépit de ces graves lacunes, le président Nawele manifestement en « mission commandée » s’est contentée d’égrener une trentaine de condamnations à mort avant de conclure par ces mots: « Les enquêtes se poursuivent, il y aura d’autres procès Kabila ».

Il serait bien dommage que les Congolais constituent le peuple qui n’aura pas un « après-Covid-19 » en se livrant à une remise en question. Magistrat suprême, Felix Tshisekedi devrait inaugurer cette « nouvelle ère » en faisant triompher l’Etat de droit. Il s’agit notamment d’ordonner la « révision » du « procès sur l’assassinat de LD Kabila ». Un dossier judiciaire laissé en rade par son prédécesseur. De deux choses l’une: organiser un nouveau procès sur cette épineuse affaire d’Etat ou accorder la grâce à tous ces « prétendus assassins ».

Il est minuit passé, à Bruxelles, au moment où ce papier est bouclé. Une dépêche du média kinois « Actualité.CD » annonce que le nombre des personnes contaminées au Coronavirus au Congo-Kinshasa a été revu à la hausse soit 123 dont 13 décès.

 

Baudouin Amba Wetshi

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