Juge du contentieux électoral, la Cour constitutionnelle devait rendre ses verdicts, jeudi 16 mai, à une série de recours introduits par des « candidats malheureux » suite aux sénatoriales du 29 avril 2024. C’est le cas notamment de la requête introduite par la ministre de la Justice sortant, Rose Mutombo Kiese. Elle « accuse » Anne Mbuguje, élue sénatrice avec 4 voix, de n’avoir pas renoncé à la nationalité belge. « Mama Rose » qui n’avait eu que deux voix lors du vote n’a pas été en mesure d’administrer la preuve de ses allégations. Au moment de boucler cet article, des sources rapportent que Anne Mbuguje aurait été confirmée sénatrice élue. Il y a un petit « mais ». La Haute Cour a-t-elle palpé l’acte de renonciation à la nationale belge? Rien n’est moins sûr!
Près de cinquante jours après la nomination de Judith Suminwa Tuluka au poste de Premier ministre, les Congolais attendent quasi-désespérément la formation du nouveau gouvernement. Des membres de l’exécutif sortant ont pris goût à assurer l’expédition des affaires courantes. Et pourtant, la majorité d’entre eux ont été élu député national. Ils sont, par conséquent, frappés d’incompatibilité pour siéger à la Représentation nationale ainsi qu’à l’Exécutif. Des voix se sont élevés en vain.
Au Parlement, l’ambiance est loin d’être plus respirable. L’Assemblée nationale n’a toujours pas élu les membres de son « Bureau définitif ». Il est question de clientélisme et de népotisme. A quelque chose malheur est bon, dit-on. Les Congolais en général et les élus en particulier commencent à devenir très regardants sur les agissements des « plus puissants du moment ». Les médias en ont largement parlé. Qu’en est-il du Sénat? C’est le sujet de ce « papier ».
Ministre de la Justice sortant, Rose Mutombo Kiese fait partie de ce qu’on appelle les « candidats malheureux ». Elle n’aurait obtenu que deux voix. Sa devancière en l’occurrence Anne Mbuguje Marembo a été élue avec quatre voix. Les deux dames se connaissent plutôt bien.
En février dernier, dame Mbuguje a été voir la ministre de la Justice Mutombo Rose. Motif: obtenir une déclaration de recouvrement de la nationalité congolaise. Question: dame Anne Mbuguje avait-elle administré la preuve de la renonciation à la nationalité belge? Rien ne le dit. La loi électorale est pourtant claire en son article 9-1: Nul n’est éligible s’il n’est pas de nationalité congolaise.
La ministre Mutombo serait-elle victime de ses propres turpitudes pour avoir délivré l’attestation de recouvrement de la nationalité sans une base juridique en l’occurrence la renonciation qui est « l’acte par lequel une personne abandonne un droit, c’est-à-dire perd volontairement la possibilité de s’en prévaloir compte tenu de la gravité de ses effets », peut-on lire dans le Lexique des termes juridiques (Dalloz).
En Belgique, toute personne désireuse de renoncer à la citoyenneté belge doit faire la déclaration à sa commune de résidence. L’intéressée doit se munir de la preuve de l’acquisition d’une nouvelle nationalité. Anne Mbuguje avait-elle renoncé à la nationalité belge? Avait-elle obtenu l’arrêté ministériel lui accordant la citoyenneté congolaise?
Née à Mbuji Mayi d’une mère belgo-belge et d’un père répondant au nom de Mbuguje Karekezi Alphonse. Ce dernier est natif de Jomba, Territoire de Rutshuru, au Nord-Kivu. La dame Mbuguje n’est pas n’importe qui dans l’échiquier socio-politico-économique congolais. Directrice générale de la BIAC (Banque internationale pour l’Afrique au Congo), elle a été également administratrice à la BGFI-Banque considérée, plus à raison qu’à tort, comme étant la banque de la famille « Kabila ». Il y a encore peu, elle était directrice de cabinet du ministre du Budget.
Moins d’une heure avant de boucler cet article, la nouvelle est tombée: « Anne Mbuguje a été confirmée sénatrice par la Cour constitutionnelle ». Rose Mutombo a donc été déboutée au motif qu’elle n’a pas apporté la preuve selon laquelle la « défenderesse » aurait voyagé le 10 mai avec un passeport belge.
Au moment où la RDC se trouve en situation de belligérance avec le Rwanda de Paul Kagame, ne faudrait-il pas, au nom de la sécurité nationale, être très regardant dans l’examen de certains dossiers personnels? C’est le cas de celui de Mme Mbuguje. L’attraction suscitée par sa candidature au Sénat surprend.
Il faut espérer que le dossier de cette Sénatrice contient sa déclaration de renonciation à la nationalité belge. Il faut espérer également que ladite renonciation a fait l’objet de publicité dans le Moniteur belge. A contrario, la Cour constitutionnelle doit, de toute urgence, revoir son arrêté. Le risque est grand que cette haute Cour soit face à un parjure.
B.A.W.