Ancien aide de camp du président Laurent-Désiré Kabila, radié de l’armée et condamné à mort dans le procès pour le moins inique sur l’assassinat de ce dernier, Eddy Kapend Irung a passé vingt ans à la prison de Makala (2001-2021). Le 20 octobre 2023, Kapend – qui a été libéré début janvier 2021 par mesure de grâce prise par le président Felix Tshisekedi Tshilombo – a été réhabilité avant d’être promu, « à titre exceptionnel », général de brigade et – excusez du peu – commandant de la 22ème région militaire (le Grand Katanga). Sur les réseaux sociaux, le débat fait rage. Il y a des Pour et des Contre.
Sur ex-Twitter, l’excellent Benjamin Babunga Watuna @benbabunga fustige les décisions prises par le chef de l’Etat. Pour lui, Felix Tshisekedi a « ressuscité Kapend, non seulement en lui donnant la vie, mais aussi en lui donnant du travail dans un corps (armée) auquel il n’appartenait depuis plus de 20 ans ». « Benjamin » de rappeler que la grâce n’éteint pas la peine. Et ce contrairement à l’amnistie qui remet le compteur judiciaire à zéro.
Intervenant mardi 24 octobre sur le média kinois en ligne « Afrikakoul TV », Ibrahim Kabila – qui prétend être un des fils biologiques de Mzee – qualifie cette mesure de « bonne nouvelle ». Selon lui, la famille de Mzee ne croit pas à la culpabilité de Kapend. L’ex-aide de camp porte désormais le grade de général de brigade. « C’est une nomination politique », estime, pour sa part, Prince Epenge de l’ECIDé.
L’auteur de ces lignes, qui n’est « qu’un » journaliste est, à quelques détails près, de même avis que ce descendant de « Papa Kabila ». Pourquoi? 1. La Cour d’ordre militaire était une juridiction d’exception. Ses arrêts n’étaient pas appelables. 2. Le droit de la défense était totalement méconnu par un procureur général hyperpuissant [Charles Alamba]. 3. Les juges étaient tout sauf impartiaux. 4. Les audiences ont eu lieu globalement, à huis clos. 5. Les observateurs indépendants n’étaient pas admis dans le prétoire. Enfin, le procès est resté « inachevé », selon le juge-président le général Nawele Mukongo. Motif: « Nous allons poursuivre les enquêtes. D’autres accusés sont en cavale ». Il y a donc un doute. Ce doute ne devait-il pas profiter aux 135 personnes poursuivies dans le cadre d’un règlement de comptes que des crimes commis.
Revenons à la journée du 16 janvier 2001. Ce jour-là, la terre entière apprenait que le président LD Kabila était victime d’un attentat. Selon des sources, certains membres de la garde rapprochée de Mzee avait eu vent d’un complot en préparation. C’est le cas notamment du colonel Kunda qui travaillait à l’état-major particulier. Pour lui, ce n’était pas la première qu’on entendait ce genre de rumeurs. « Après réflexion, confiait Kunda aux enquêteurs, j’avais décidé d’en parler à Mzee. J’attendais la fin de ses entretiens avec une délégation coréenne ». Juste après cette audience, la nouvelle de l’agression de LD Kabila est tombée.
Il était environ 13h00 ce mardi 16 janvier 2001 lorsque des coups de feu ont retenti dans le périmètre du Palais de marbre. Qui tirait sur qui? Mystère! Le procès éludera ce « détail ». Quelques minutes après, on apprenait que le président LD Kabila était dans son bureau au Palais de marbre. Il s’entretenait avec son conseiller Emile Mota Ndongo en charge des questions économiques. Selon ce dernier, un membre de la garde présidentielle a surgi faisant mine d’avoir quelque chose à communiquer à Mzee. Des coups partent aussitôt. Témoin oculaire autoproclamé, Mota est épargné par l’assassin présumé. Son nom: Rashidi Mizele Kasereka.
Les rafles commencent aussitôt. Eddy Kapend est arrêté début février. Il réclame en vain un procès public. Emile Mota est arrêté le 15 mars 2001 à Lubumbashi au moment où il tentait, semble-t-il, d’aller se réfugier en Zambie. Il est gardé au secret durant plusieurs mois. Pourquoi? Mystère! Autre mystère: le rapport préliminaire rédigé par la commission d’enquête dirigée par le procureur général de la République d’alors, Luhonge Kabinda Ngoy. Ledit rapport fut remis au successeur de Mzee. Qu’est-il advenu de ce rapport? Chef d’état-major de la force terrestre à laquelle appartenait le tueur présumé, « Joseph Kabila » n’a jamais été interrogé.
Ce qui s’est passé le 16 janvier 2001 à Kinshasa présente tous les reliefs d’un coup d’Etat de palais. A preuve, le successeur du Président défunt n’a pas honoré sa promesse de faire éclater la vérité sur « les circonstances de l’assassinat », de son défunt « père ». Dix-huit années durant.
Question aux juristes: une juridiction peut-elle prononcer des condamnations alors que le procès est non seulement inachevé mais surtout les débats n’ont pas fait éclater la vérité?
La tentation est forte de conclure qu’en réhabilitant le « soldat » Eddy Kapend Irung, le président Felix Tshisekedi Tshilombo n’a fait que réparer une injustice. Honni soit qui mal y pense!
B.A.W.