Conseil des ministres: Vous avez dit un « calme relatif » règne au Congo-Kin?

De l’avis général, le Congo-Zaïre va mal du fait non seulement de l’insécurité entretenue par des bandes armées nationales et étrangères mais aussi des incursions des armées régulières de certains pays voisins. Le gouvernement dirigé par le Premier ministre Sylvestre Ilunga Ilunkamba a renoué avec les mauvaises habitudes consistant à débiter un discours lénifiant sur la situation générale du pays. Lors de la réunion du Conseil des ministres du vendredi 12 mai, présidée par Felix Tshisekedi, le ministre de l’Intérieur et son collègue en charge de la Défense nationale n’ont pas dit la vérité. Selon eux, le calme règne aux quatre coins du pays. Sauf quelques rares exceptions. Et pourtant, la sécurité nationale est menacée.

Sous la présidence de « Joseph Kabila », des Congolais étaient souvent atterrés d’entendre le porte-parole du gouvernement pérorer qu’un « calme relatif règne sur l’ensemble du territoire national, selon le ministre de la Défense et son collègue de l’Intérieur ». Pendant ce temps, les insaisissables « rebelles ougandais » dits « ADF » se livraient aux tueries commencées en octobre 2014 au Nord-Kivu. Les armées du Burundi, de l’Ouganda et du Rwanda, elles, menaient tranquillement des incursions sur le sol congolais.

Près de dix mois après l’entrée en fonction du gouvernement dirigé par Sylvestre Ilunga, celui-ci paraît menacé par une certaine de « routine » consistant à ânonner les « éléments de langage » des exécutifs précédents. La communication se limite à des effets d’annonce.

Gilbert Kankonde Malamba, Ministre de l’Intérieur et sécurité

Rien de bien étonnant quand on sait que l’actuel titulaire du ministère de la Défense est la même personne qui prestait sous « Kabila ». Il s’agit d’Aimé Ngoie Mukena. Là où le bât blesse est que le ministre de l’Intérieur et sécurité, est un homme nouveau. Il s’agit de l’UDPS Gilbert Kankonde Malamba qui est censé incarner le « changement ». Contre toute attente, ce dernier donne l’impression de sombrer dans la facilité. C’est un euphémisme.

Depuis l’adoption de la Constitution de Luluabourg en 1964, l’Etat Zaïro-Congolais affiche un certain côté « jacobin ». Le pouvoir est centralisé au sommet. C’est le sommet qui donne l’impulsion. Un fait révélateur: le chef de l’Etat a instruit les ministres Kankonde, Ngoie et Ruberwa de faire ce qu’ils devaient faire pour « pacifier » Minembwe. Sur papier, chaque ministre est le chef de son département.

La Constitution promulguée le 18 février 2006 a inauguré un régime semi-présidentiel. Sur papier, c’est le gouvernement qui gouverne. Le chef de l’Etat est politiquement irresponsable. Pour être valides, ses actes doivent être couverts par le contreseing du ministre sectoriel. Il reste que les Congolais ont gardé les anciennes habitudes. Ils ont les yeux braqués sur le premier magistrat du pays. Chacun et chacune sollicite son « implication » sur tout et rien.

PAS DE BONNE DIPLOMATIE SANS INTERROGER L’HISTOIRE

Lors de la réunion du conseil des ministres du vendredi 12 juin, le président Felix Tshisekedi a fait savoir qu’il est tombé d’accord avec son homologue ougandais, Yoweri Kaguta Museveni de « renforcer la capacité d’intervention » des armées de deux pays. But: « éradiquer les groupes armées qui sèment la désolation en Ituri et dans le Nord-Kivu ».

Le chef de l’Etat congolais doit savoir qu’on ne peut faire de la bonne diplomatie sans commencer par interroger l’Histoire. Celle-ci nous apprend que le Burundi, l’Ouganda et le Rwanda sont passés maîtres ès duplicité. Ces pays voisins ont joué et continuent à jouer un grand rôle dans l’insécurité récurrente qui règne dans la partie orientale du Congo-Kinshasa. Il faut être un parfait naïf pour croire à une tardive compassion. Ces Etats n’éprouvent aucun déplaisir de voir leur « grand voisin » patauger dans des difficultés qui l’empêchent d’affecter l’essentiel de ses ressources au développement économique et social.

Il importe d’ouvrir la parenthèse pour rappeler que depuis juillet 2015, l’Ougandais Jamil Mukulu est détenu à Kampala, en Ouganda. Chef présumé des rebelles « ADF », Mukulu – qui est une vieille connaissance au « général-major Kabila » – a été trouvé, lors de son arrestation en Tanzanie, en possession d’une dizaine de passeports dont celui du « Congo démocratique ».

Sauf erreur, aucune démarche n’a été entreprise à ce jour par les autorités congolaises sous « Kabila » afin d’identifier l’autorité émettrice de ce document de voyage. Un document qui reste la propriété de l’Etat congolais. Une telle démarche aurait pu apporter un brin d’éclairage tant sur le phénomène ADF que sur les massacres cycliques qui ont lieu au Nord-Kivu depuis quatre ans. Fermons la parenthèse.

L’ETAT INEXISTANT À MINEMBWE

Jamil Mukulu

Revenons au Conseil des ministres du vendredi 12 juin. Au cours de cette réunion, la situation de « guerre » qui prévaut dans la commune rurale de Minembwe, au Sud-Kivu, a été évoqué. L’Etat est inexistant dans cette contrée. Le  Président de la République a « réaffirmé », indique une dépêche de l’Agence congolaise de presse, « l’urgence de rétablir sans délai l’autorité de l’Etat et d’y faire respecter la loi ». « Séance tenante, le vice-Premier ministre, ministre de l’Intérieur, le ministre de la Décentralisation et le ministre de la Défense ont été chargés, sous l’impulsion du Premier ministre, d’appliquer cette décision », ajoute la dépêche. Faut-t-il en rire ou en pleurer?

Intervenant chacun à son tour, le ministre de l’Intérieur a informé le Conseil « qu’un calme relatif règne sur l’ensemble du territoire national ». Selon lui, les « forces loyalistes » seraient occupées à « traquer » les bandes armées qui opèrent à l’Est. Sans omettre, les bandits qui commencent à fleurir dans plusieurs villes du pays. A en croire Kankonde, les Forces armées de la RDC « sont en alerte maximum (…)« .

Le ministre de la Défense nationale a tenu un discours quasi-similaire. Selon Aimé Ngoie Mukena, « la situation est globalement calme sur 120 territoires du pays ». En revanche, des bandes armées et les groupes rebelles « perturbent la paix et la sécurité des citoyens dans les 25 autres territoires ».

LE LOUP EST DANS LA BERGERIE

Comment peut-on parler de « calme relatif » ou de « situation globalement calme » pendant que des Congolais sont, chaque semaine, tués et mutilés?Comment peut-on parler de « calme » alors que la population concernée vit un vrai traumatisme suite aux massacres qui se déroulent sous ses yeux depuis deux décennies et que l’Etat brille par son impuissance?

Comment peut-on parler de « calmer relatif  » ou de « situation globalement calme » pendant que des armées étrangères multiplient des incursions sur le sol congolais? Depuis mars dernier, des troupes zambiennes occupent Muliro dans la province de Tanganyika. Des soldats du Soudan du Sud ont été signalés à Aru, en Ituri. Les provinces du Sud-Kivu et du Nord-Kivu, elles, sont devenues un « terrain de jeu » pour les armées burundaise et rwandaise. Les Ougandais opèrent en Ituri et dans les Uélés. Que dire du « grand banditisme » qui règne au grand jour à Lubumbashi, le chef-lieu du Haut-Katanga?

L’opinion congolaise attribue au regretté général Donatien Mahele Lieko cette phrase: « Si la force publique ne parvient pas à rétablir la sécurité et l’ordre, on peut gager que les fauteurs de troubles font partie de la force publique ». En clair, le loup est dans la bergerie.

Pourquoi les gouvernants congolais se complaisent-ils à affecter les militaires et policiers natifs des « régions troublées » dans leurs milieux d’origine? C’est le cas particulièrement dans les deux Kivu et l’Ituri devenues les « fiefs » des anciens combattants des « rébellions » pro-rwandaises du CNDP et M23…

 

B.A.W.

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