« Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est pour le peuple le plus sacré et le plus indispensable des devoirs », a pu dire Maximilien de Robespierre.
Dix années après la promulgation de la Constitution en vigueur dite de la « Troisième République », le Congo-Kinshasa présente le visage d’un Etat qui fait un retour à la vitesse « grand V » vers la case départ. Un retour vers l’ordre ancien. Un ordre fondé non seulement sur l’autoritarisme et l’arbitraire mais aussi sur l’unanimisme, les violations des droits et libertés et la corruption.
Et pourtant. Cette Charte fondamentale, promulguée le 18 février 2006, était censée conduire le peuple congolais sur le chemin du renouveau. C’est-à-dire le chemin de la démocratie, de l’Etat de droit et du respect de la vie et de la dignité de la personne humaine.
Sans vouloir jouer les oiseaux de mauvais augure, il ne serait pas surprenant, qu’on apprenne, dans les semaines et mois à venir, la naissance, un beau matin, d’un mouvement insurrectionnel mis sur pied par des citoyens congolais. Objectif: renverser le despote « Joseph Kabila ». Trop, c’est trop!
Dix-neuf ans après la prise du pouvoir, le 17 mai 1997, par l’AFDL, rien n’a changé. Des observateurs conviennent que la situation est devenue bien pire après la « victoire » de « Joseph Kabila » à l’élection présidentielle de 2006 et de 2011. Placé à la tête d’un pouvoir sans contrôle, le successeur de Mzee est devenu fou. Au sens propre.
Que voit-on? Le Congo prétendument « libéré » est « dirigé » par un homme mystérieux, mentalement malade, qui évite tout contact avec la population. Pire, qu’il pleuve, qu’il neige ou qu’il vente, ce « monsieur » ne s’estime nullement tenu de sortir de sa citadelle pour rassurer la population. Il n’a aucun compte à leur rendre.
Fuyant tout débat avec ses « concitoyens » et autres contempteurs, ce fameux président de la République se comporte en « fondé de pouvoir ». C’est un homme en mission qui ne connait qu’un seul langage. Celui de la force brutale. Il semble que le Congo-Kinshasa doit rester à genou pour que ses parrains soient debout.
Fourbe, cet homme agit à travers des supplétifs (Kalev Mutondo, Célestin Kanyama, Amisi Kumba, Jean Claude Kifwa, Flory Kabange Numbi, Cécile Kiala etc.) tapis au sein de l’armée, de la police et des services secrets. Sans omettre l’appareil judiciaire. C’est un tueur aux mains propres. N’avait-il pas promis – dans une interview au « Soir » de Bruxelles daté du 16.11.2006 – que « pour redresser le Congo, il faudra être sévère, et les Congolais vont être surpris »?
Il ne se passe plus un jour sans qu’on apprenne l’arrestation de telle ou telle autre personnalité pour avoir exprimé ses opinions. Plusieurs acteurs sociopolitiques sont embastillés à la prison de Makala et de Ndolo pour avoir dit leur opposition à l’ambition de « Joseph Kabila » de briguer un troisième mandat en violation de la Constitution.
Depuis la naissance du « G7 » en septembre dernier, les personnalités appartenant à cette coalition sont harcelées par le très néophyte Kalev Mutondo, administrateur général de l’Agence nationale de renseignements. Des fonctionnaires suspectés de sympathie à l’égard de l’un des sept partis formant cette plateforme ne sont pas épargnés. Un message clair: il n’y a pas de salut hors de la majorité présidentielle en général et du PPRD, en particulier. Où va-t-on?
Les manifestations organisées par l’opposition sont systématiquement dispersées à coup de gaz lacrymogène. Les formations politiques de la majorité sont les seules autorisées à organiser des marches et autres manifestations. C’est le retour au parti-Etat.
Chacun a le droit d’aimer ou de ne pas aimer Jean-Pierre Bemba Gombo, le leader du MLC (Mouvement de libération du Congo). Personne ne pourra, en revanche, nier à ce fils du pays d’avoir eu le courage de conjurer la résignation ambiante en mettant sur pied, fin 1998, un mouvement politico-militaire pour combattre le régime dictatorial mis en place par les prétendus « libérateurs » de l’AFDL (Alliance des forces politiques pour la libération du Congo-Zaïre). Des « libérateurs » qui justifiaient leur combat par la nécessité d’abattre la « dictature mobutienne » et instaurer l’Etat de droit.
Dans son ouvrage « Le choix de la liberté », publié avant 2003, Bemba écrit à la page 5: « Les premières semaines du nouveau régime confirment mes appréhensions. Arrestations arbitraires, intimidations, humiliations sont le lot commun pour les vaincus. (…) ». Et d’ajouter: « L’après -Mobutu se révèle pire que tout ce que l’on pouvait imaginer ».
D’aucuns pourraient ergoter, sans doute à raison, que, parvenu au pouvoir, Bemba, l’homme politique, n’aurait rien fait pour matérialiser, au niveau institutionnel, le double combat « contre la dictature » et « pour la liberté » que menait Bemba, le chef de guerre. C’est un autre débat.
Reste que quatorze années après le dialogue intercongolais qui avait mis fin à la « première guerre mondiale africaine », dixit l’ancien secrétaire d’Etat US Madeleine Albright, le Congo-Kinshasa a renoué avec les vieux démons du despotisme bête et méchant. Les griefs égrenés jadis par JP Bemba sont toujours et encore là! Les mêmes causes produisent souvent les mêmes effets…
Baudouin Amba Wetshi