Depuis le vendredi 28 février, le monde socio-politique congolais est sous le choc. En cause, la mort mystérieuse du général Delphin Kayimbi Kasagwe. Crise cardiaque ou pendaison? Et si c’était un assassinat camouflé en suicide? L’ancien patron du Service de renseignements militaires était suspecté par les « services spéciaux » d’être au centre d’une conspiration en gestation destinée à attenter à la sécurité intérieure de l’Etat. L’homme avait-il distillé quelques « indices » lors des précédentes auditions? Une certitude: sa suspension, à la veille d’un nouvel interrogatoire, incline à penser que les « investigateurs » du Conseil national de sécurité n’étaient plus loin de la vérité. « Quelqu’un » a-t-il voulu faire taire Kahimbi à jamais? En attendant la publication des conclusions du rapport d’autopsie, la disparition brutale de cet officier, proche parmi les proches de l’ex-président « Joseph Kabila », vient allonger la liste des « morts mystérieuses » qui ont émaillé l’Histoire du Congo-Kinshasa au cours de ces deux dernières décennies.
Les Congolais, aux quatre coins du pays et à l’étranger, retiennent leur souffle dans l’attente des conclusions du rapport d’autopsie du corps du général Delphin Kahimbi, patron du Service de renseignements militaires (ex-Demiap). On espère que les médecins légistes feront leur travail avec compétence et indépendance.
Depuis 72 heures, les rumeurs les plus folles circulent sur les réseaux sociaux. Des rumeurs alimentées, sans doute, par les versions contradictoires données par la « famille » du défunt sur la cause du décès. D’aucuns vont jusqu’à « exiger » de voir la photo du corps du disparu avant de croire qu’il s’agit bien de celui du général Kahimbi.
Depuis la prise du pouvoir par l’AFDL le 17 mai 1997 (Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo-Zaïre) à ce jour, les Zaïro-Congolais ne reconnaissent plus leur pays. Des mœurs dont ils entendaient parler dans certains pays voisins ont envahi leur univers.
Depuis deux décennies, on a assisté à des assassinats maquillés en meurtres crapuleux et des empoisonnements déguisés en malaise cardiaque.
LA CULTURE DE LA « GÂCHETTE FACILE » ET DU « POISON »
Nombreux sont les Congolais qui croient dur comme fer que ces phénomènes résulteraient principalement de l’intégration, sans discernement ni enquête de moralité, des Banyarwanda, autoproclamés « banyamulenge« , dans la force publique (armée, police, services spéciaux). Les Zaïro-Congolais n’ont cessé de déployer l’exportation sur leur sol de la « culture de la gâchette facile » (dixit Floribert Chebeya) et celle de l’empoisonnement (Dixit François Mpuila). Que des vies humaines broyées et des destins brisés?
Depuis deux décennies, les enquêtes ouvertes sur certaines de ces affaires criminelles sont toujours « en cours » ou tout simplement « classées« . Les procès, eux, se transforment en véritable cirque. C’est le cas de la « farce judiciaire » qui se déroule depuis le mois de juillet 2017 sur l’assassinat, le 12 mars de cette même année, des experts des Nations Unies Zaida Catalan et Michaël Sharp. Ces derniers étaient chargés par le Conseil de sécurité de l’Onu d’enquêter sur des allégations de graves violations des droits humains et d’existence de fosses communes.
Au chef-lieu de l’ex-Kasaï Occidental, les observateurs sont atterrés par la mauvaise foi du président de la Cour militaire et du représentant du ministère public – très souvent tenu par l’auditeur général des FARDC Timothée Mukuntu. Décidés à disculper les plus hautes autorités politico-administratives dans ce double homicide, les deux magistrats militaires refusent résolument de constater que les prétendus « miliciens Kamuina Nsapu » présents à la barre n’avaient aucune motivation pour ôter la vie à ces deux Occidentaux.
METTRE FIN AU CYCLE INFERNAL DES CRIMES NON-ÉLUCIDÉS
Revenons à l’affaire Kayimbi. Avant de prendre son avion pour Washington où il s’est adressé, dimanche 1er mars, aux membres du très influent « AIPAC » (American Israeli Public Affairs Committee), le président Felix Tshisekedi a présidé le conseil des ministres hebdomadaire. La disparition de cet officier supérieur des FARDC était le premier point de sa communication.
A l’instar de l’opinion congolaise, « Fatshi » n’a pas usé de circonlocution en exigeant la mise en œuvre des « enquêtes rapides » afin de faire toute la lumière sur les « circonstances exactes » de la disparition de cet officier. La fratrie « Kabila » qui considère le Congo-Kinshasa comme un « butin de guerre » a, elle aussi, exprimé son « émotion« .
Présidente de la Commission « Défense et sécurité » de l’Assemblée nationale, Jaynet « Kabila » a dit, dans un message diffusé dimanche, sa « consternation » suite à la « mort inopinée » du général Delphin Kahimbi. Selon elle, le Congo-Kinshasa « a perdu un grand intellectuel (…) et l’un des officiers généraux sur lequel notre armée comptait pour élaborer l’autonomie stratégique de notre pays« . On notera que « Jaynet« , qui est parlementaire, n’a pas poussé sa logique jusqu’au bout en appuyant les investigations en cours. Un Oubli?
Le changement intervenu le 24 janvier 2019 à la tête de l’Etat permettra-t-il aux « enquêtes rapides » demandées par « Fatshi » à faire éclater la vérité sur l’affaire Kahimbi et, partant, mettre un point final au cycle infernal des « morts mystérieuses » autant que des crimes non-élucidés? C’est à voir!
Voici quelques noms de ces « morts mystérieuses« : Laurent-Désiré Kabila, Aimée Kabila; Thérèse Kapangala; Rossy Tshimanga Mukendi; colonel Mamadou Ndala; capitaine Moise Banza (aide de camp du colonel Mamadou Ndala); Généraux Lucien Bahuma et Felix Budja Mabe; Steve Nyembo Mutamba (DRH Impôt); Ngezayo Safari (homme d’affaires); Louis Bapuwa Mwamba (journaliste); Pascal Kabungulu (défenseur DH); Floribert Chebeya et Fidèle Bazana (Défenseurs DH); Luc Nkulula (activiste de la société civile); Franck Kangundu dit Ngycke (journaliste); Serge Maheshe et Didace Namujimbo (journalistes radio Okapi); Guillaume Samba Kaputo (conseiller spécial de « Kabila » en matière de Sécurité); commandant Tshimanga Mbiye (Logistique FARDC); Augustin Katumba Mwanke (ambassadeur itinérant de « Kabila« ), l’ex-procureur Charles Alamba Mongako. La liste est loin d’être exhaustive.
Un dossier à suivre.
Baudouin Amba Wetshi