Ancien gouverneur de l’ex-Katanga et président en exercice de la toute nouvelle coalition politique « Lamuka », Moïse Katumbi Chapwe rentre au pays, lundi 20 mai, par Lubumbashi. Et ce après trois années passées en exil. Certains observateurs dissimulent à peine des appréhensions pour l’ « intégrité physique » du futur ex-exilé. Au motif que le « général » John Numbi Banza – un des « bad guys » de « Joseph Kabila » – se trouverait, depuis une dizaine de jours, « en mission » dans la province du Haut Katanga. Quel est l’objet de cette mission? Mystère! « Moïse », lui, affiche une sérénité souriante. Mardi 14, il a eu un entretien à bâtons rompus avec des représentants des médias de la diaspora congolaise de Belgique. A savoir: Bobo Koyangbwa (MPBTV), Cheik Fita (Info des Congolais de Belgique), Fabien Kusuanika (Tshangu Tv) et l’auteur de ces lignes pour le compte du journal en ligne « Congo Indépendant ».
Interrogé mardi 7 mai par RFI et France24, Moïse Katumbi a annoncé son retour au Congo-Kinshasa. Cette nouvelle n’avait pas manqué de faire sourire. Et pour cause, ce n’est pas la première que l’ancien Gouverneur annonce son « come-back ». Cette fois, l’homme a « innové » en fixant une date: le 20 mai. Une date chargée de symbole. C’est le 20 mai 2016 que Katumbi dut solliciter de s’expatriation afin de recevoir des soins appropriés. Il avait inhalé du gaz lacrymogène lancé par des policiers. C’était lors d’une audition au palais de justice de Lubumbashi dans le cadre de la fameuse affaire « Stoupis versus Katumbi ».
Coïncidence ou pas, le mercredi 8 mai, l’ancien patron de l’ANR (Agence nationale de renseignements), Kalev Mutondo, publie un étrange « communiqué de presse » dans lequel il s’en prend vivement à certains « anciens camarades du pré-carré de Joseph Kabila » qu’il qualifie de « traîtres » pour avoir, selon lui, « renier » l’homme à qui ils doivent tout.
Moïse Katumbi s’est-il senti personnellement visé par ce texte au ton comminatoire? « Je ne me suis jamais senti visé », a-t-il réagi avant d’ajouter une phrase que chacun pourrait interpréter à sa manière: « Nous savons qui est qui dans notre pays ». L’ancien gouverneur a-t-il voulu dire que « Kalev » lui serait redevable de « quelque chose »?
Tout au long de l’entretien avec les journalistes, Katumbi s’est présenté en « arrondisseur des angles ». Les mots « paix », « réconciliation » et « cohésion nationale » sont revenus à plusieurs reprises dans sa bouche. Comme pour dire que, sans être naïf, son bras de fer avec « Joseph Kabila » fait désormais partie du passé. Est-ce également l’avis de ce dernier qui a la réputation d’un homme à la rancune tenace?
DÉFENDRE LA CONSTITUTION
Pourquoi n’est-il pas « critique » à l’égard du président Felix Tshisekedi? Tout en réaffirmant son appartenance à une opposition qu’il qualifie de « responsable », le président en exercice de la coalition « Lamuka » a reconnu le climat de décrispation politique qui règne au pays depuis l’avènement de « Felix » au sommet de l’Etat. Une situation qui, selon lui, tranche avec la répression des manifestations sous l’ancien pouvoir. « Beaucoup de choses ont été faites depuis l’avènement de Felix Tshisekedi à la tête de l’Etat. Beaucoup de choses restent encore à faire », a-t-il souligné.
Pour Katumbi, son combat politique en tant qu’opposant consistera notamment à empêcher toute révision intempestive de la Constitution. « Nous veillerons à ce qu’on ne touche pas aux articles intangibles de la Constitution ». Une allusion claire à l’article 220 qui stipule: « La forme républicaine de l’Etat, le principe de suffrage universel, la forme représentative du gouvernement, le nombre et la durée des mandats du Président de la République, l’indépendance du pouvoir judiciaire, le pluralisme politique et syndical, ne peuvent faire l’objet d’aucune révision constitutionnelle. Est formellement interdite toute révision constitutionnelle ayant pour objet ou pour effet de réduire les prérogatives des provinces et des entités décentralisés ».
On rappelle que l’ancien président « Kabila » ne faisait guère mystère, dès 2014, de sa volonté de faire modifier le mode d’élection du Président de la République. L’homme tenta, sans succès, d’imposer le suffrage universel indirect. Plusieurs émissaires avaient sillonné quelques pays occidentaux afin de « vendre » cette idée. C’est le cas de l’ancien ministre Tryphon Kin-Kiey Mulumba
Il va sans dire que les faits et gestes de la toute nouvelle présidente de l’Assemblée nationale, Jeannine Mabunda, étiquetée FCC, seront scrutés à la loupe. Ne dit-on pas: qui a bu boira?
Pour l’ancien gouverneur du Katanga, la Commission électorale nationale indépendante devrait être restructurée afin qu’on n’ait plus à faire face à « une injustice programmée ».
Selon des sources bien informées, une « animosité sourde » entre « Kabila » et Katumbi aurait commencé en février 2012 au lendemain de la mort de l’ex-bras droit du « raïs » Augustin Katumba Mwanke (AKM). « Moïse avait très mal digéré le manque d’empathie affiché par Kabila lors de la disparition brutale de l’ambassadeur Katumba », commente un confrère lushois. « Katumbi était très proche de Katumba », enchaîne une autre source.
L’ANNÉE 2023, C’EST ENCORE TROP LOIN!
Les relations « Kabila »-Katumbi se sont muées en « guerre ouverte » à partir du 24 décembre 2014. De retour à Lubumbashi après un long « séjour médical » à Londres, « Moïse » est allé haranguer les Lushois à la Place de la Poste. C’est à cette occasion qu’il lança sa célèbre métaphore d’un « troisième faux penalty inacceptable ». Traduction: pas question de laisser « Kabila » briguer un troisième mandat interdit par la Constitution. La suite est connue. C’est la « guerre »! Katumbi est revenu, mardi 14 mai, sur cet incident en martelant: « Nous avons refusé un troisième faux penalty. Il n’est pas question qu’on accepte un quatrième ».
Selon des sources, le « général » John Numbi Banza, le célébrissime suspect numéro un dans l’assassinat de Floribert Chebeya et la disparition de Fidèle Bazana, séjourne depuis une dizaine de jours au chef-lieu du Haut Katanga. Serait-il chargé d’exécuter une sorte de « solution finale »? Pour ces sources, « le retour de Moïse Katumbi à Lubumbashi parait risqué pour son intégrité physique ».
« Moïse » a été qualifié de « Judas » par l’ancien Président. Du berger à la bergère, Katumbi n’a pas hésité de répliquer: « C’est Kabila qui a trahi la Constitution ».
En attendant de prendre un vol non régulier lundi prochain à destination de Lubumbashi, Moïse Katumbi Chapwe se voit déjà en « messager de paix ». Il ne rentre pas pour régler des comptes. Il se refuse d’envenimer le conflit entre Martin Fayulu et Felix Tshisekedi. « Ce sont des frères et non des ennemis », a-t-il répété. Il se refuse également d’attaquer « Felix » afin de « consolider la paix et la cohésion nationale ». Et d’ajouter: « L’avenir du pays passe avant toute chose ».
Compte-tenu du poids politique de « l’Ensemble », va-t-il briguer la fonction de porte-parole de l’opposition? D’après lui, la question sera examinée en toute sérénité par les six leaders de « Lamuka ». Va-t-on assister à une « guerre de chefs » en prévision de l’horizon 2023? Réponse: « L’année 2023, c’est encore trop loin »…
Baudouin Amba Wetshi