La conférence de presse organisée samedi 27 avril par la coalition politique « Lamuka » a été rapidement expédiée pour permettre à Martin Fayulu Madidi de rejoindre l’aéroport de Zaventem où il devait prendre un vol à destination de Kinshasa. Quatre heures. C’est le temps mis par les six leaders de ce tout nouveau regroupement politique avant de se présenter devant la presse pour donner lecture du « communiqué final ». Le point de presse était annoncé à « 13 heures précises ». Au final, l’assistance a attendu jusqu’à 17h25 pour prendre connaissance d’un texte pour le moins elliptique. Signe évident de la cohabitation entre plusieurs « courants » qui sont loin de partager la même approche sur la problématique. Au total, la coalition politique « Lamuka » va siéger à l’Assemblée nationale pour réaliser deux objectifs: faire triompher les règles démocratiques et barrer la route à toute révision intempestive de la Constitution. Fayulu, lui, entend « dire à Felix Tshisekedi de démissionner ».
Au cours du point de presse qu’ils ont co-animé samedi 27 avril à Braine l’Alleud, dans le Brabant wallon, le MLC Jean-Pierre Bemba Gombo a déclaré que tous les « leaders » de « Lamuka » avaient apporté leur appui au meeting animé dimanche 28 avril par Martin Fayulu. « Cette position a été prise à l’issue d’une réunion », a-t-il précisé. L’histoire ne dit pas si les « six leaders » s’étaient mis d’accord sur les « éléments de langage ».
Fidèle au style qui est le sien du « parler vrai et cogner », Martin Fayulu a littéralement « allumé le feu » dans la capitale. On retiendra de son harangue, quatre messages majeurs. Primo: « Felix Tshisekedi a dépensé le budget annuel de la présidence de la République en trois mois et demi ». Secundo: « Lamuka va mobiliser la population pour réclamer la vérité des urnes ». Tertio: « Nous allons dire à Felix Tshisekedi de démissionner. Il doit quitter et arrêter les bêtises ». Quarto: « Felix Tshisekedi est un placebo ». Traduction: Un placebo n’a de « médicament » que l’apparence. Il rassure sans apporter la guérison.
Revenons à la conférence de presse tenue samedi à Braine l’Alleud. Le contenu du « communiqué final », en trois points, lu par Freddy Matungulu Mbuyamu Ilankir, paraît « moins radical » que le discours tenu par Fayulu.
« COALITION POLITIQUE »
On retiendra de ce texte deux annonces essentielles. D’abord, la mutation de « Lamuka » en « coalition politique ». Ensuite, la mise sur pied d’une présidence tournante d’une durée de trois mois – qui sera assurée par un coordonnateur – suivant l’ordre ci-après: Moïse Katumbi Chapwe, Freddy Matungulu Mbuyamu Ilankir, Jean-Pierre Bemba Gombo, Adolphe Muzito Fumutshi, Antipas Mbusa Nyamwisi et Martin Fayulu Madidi.
Certains analystes estimaient samedi que le retour en force des « kabilistes » pourrait apporter, par effet boomerang, une « réelle attractivité » à la « résistance » qu’affiche Fayulu. « Les Congolais ont désormais la preuve que leurs bulletins de vote n’a pas apporté le changement espéré le 30 décembre 2018 », a-t-on entendu ici et là.
Au cours du jeu de questions-réponses, Fayulu a confirmé que la nouvelle coalition politique va siéger à l’Assemblée nationale. Selon lui, la chambre basse du Parlement compte en sein « des élus » mais aussi « des gens qui ont été nommés ». « Felix Tshisekedi n’a pas été élu par le peuple, a-t-il martelé. Nous allons siéger au Parlement pour ne pas abandonner ce peuple. Nous allons poursuivre le combat ».
« RESTER VIGILANT »
Interrogé sur les propos « ambigus » tenus par certains de ses « lieutenants » sur la « vérité des urnes », Katumbi a invoqué la « liberté d’expression » pour justifier cette situation. Il s’est défendu d’être déloyal. « Je ne peux pas interdire à mes proches de s’exprimer », a-t-il insisté. Ajoutant: « Je n’ai jamais trahi mes pairs. J’ai dit non au changement de la Constitution pendant que Kabila était présent à Lubumbashi. Mon propre grand-frère ambitionnait le poste de Premier ministre à l’époque du Rassemblement, je ne l’ai pas suivi ». Pour l’ancien gouverneur du Katanga, tous ces faits démontrent un vrai « engagement ».
Dans un précédent communiqué daté du 23 mars dernier, la coalition « Lamuka » avait annoncé sa transformation en « plateforme politique » pour « défendre le respect des pratiques démocratiques en matière électorale ». Le texte appelait la population congolaise « à rester vigilant ». Traduction: barrer la route à toute modification fantaisiste de la Constitution.
LA COALITION « LAMUKA » TIRAILLÉE ENTRE LES « DURS » ET LES « MODÉRÉS »
A Braine l’Alleud, Martin Fayulu s’est étendu sur l’autre raison qui a déterminé « Lamuka » à aller siéger à la chambre basse du Parlement: « Nous savons qu’il y a des gens qui veulent modifier la Constitution. Nous allons mobiliser le peuple congolais. Nous allons continuer le combat ».
Notons que la place attribuée à Fayulu dans la coordination tournante du Présidium de « Lamuka » fait dire à certains que cette position sonne « la fin du combat pour la vérité des urnes ». Sur les réseaux sociaux, on pouvait lire notamment: « Les immenses foules déplacées par Martin Fayulu ont fini par agacer sérieusement Kabila, Tshilombo mais aussi Katumbi, Bemba etc. » Des avis balayés du revers de la main par Freddy Matungulu: « L’agencement a été fait en tenant compte de certains équilibres. C’est pourquoi nous commençons par le gouverneur Katumbi ».
On le voit, la coalition politique « Lamuka » amorce sa descente dans l’arène politique. Une certitude cependant: le temps mis, samedi 26 avril, par les six leaders pour se mettre d’accord sur le contenu d’un communiqué d’une dizaine de paragraphes n’incite guère à l’optimisme. Bien au contraire. D’aucuns s’interrogent sur la pérennité de ce nouveau regroupement. Celui-parait plus que jamais tiraillé entre les « durs » (Fayulu, Muzito, Matungulu, Bemba) et les « modérés » (Katumbi et Mbusa)…
Baudouin Amba Wetshi