A moins de trois mois de l’élection du prochain Président des Etats-Unis, des congressistes appartenant à la Commission des Affaires étrangères du Sénat (5 démocrates et 4 républicains), ont adressé une lettre au secrétaire d’Etat Mike Pompeo ainsi qu’à son collègue du Trésor Steven Mnuchin leur demandant de donner un « coup de main » au président Felix Tshisekedi dans la lutte contre la corruption. D’aucuns y voient une volonté de se donner bonne conscience.
Dans exactement soixante-seize jours, les citoyens des Etats-Unis d’Amérique se rendront aux urnes afin d’élire leur futur Président. Donald Trump? Joe Biden?
C’est le moment (mal) choisi par ces neuf sénateurs américains pour attirer l’attention de l’Administration Trump sur les difficultés qu’éprouve le successeur de « Joseph Kabila » pour « déboulonner » le « système » incarné par celui-ci.
Dans une lettre datée du 18 août, les signataires (les démocrates Tim Kaine, Cory Booker, Christopher Coons, Benjamin Cardin et Robert Menendez et les républicains David Perdue,Ted Cruz, Marco Rubio et James Risch) notent en liminaire que dix-huit mois après l’accession de « Felix » à la tête de l’Etat, la corruption continue à prospérer dans le pays. Il en est de même de l’insécurité à l’Est.
Bien que plusieurs ténors de la chambre haute du Congrès font partie de ce groupe, des observateurs s’interrogent sur l’opportunité de cette démarche. Et ce au moment où le monde politique américain a les yeux rivés sur la date du 3 novembre prochain.
Tout au long de la campagne électorale aux Etats-Unis – perturbée par la pandémie du Coronavirus -, aucun des deux candidats n’a pipé un mot sur sa « politique africaine ». Question: la démarche de ces parlementaires a-t-elle pour but de se donner bonne conscience face à l’indifférence de Trump vis-à-vis tant du continent noir que du Congo-Kinshasa?
DÉMANTELER LE SYSTÈME MAFIEUX
Dix-huit mois après son investiture, le président Felix Tshisekedi peine à redonner aux institutions leur vocation républicaine. Des « institutions fortes », comme disait Barack Obama en juillet 2009 à Accra au Ghana. Dix-huit mois après, le Congo-Kinshasa ploie encore sous le poids des « hommes forts ». Toutes les régies financières et la Banque centrale sont tenues par des hommes et des femmes qui doivent leur ascension sociale à l’ex-raïs. Les « partisans » de celui-ci sont « majoritaires » dans tous les organes délibérants et gouvernants.
Dans leur missive, les neuf sénateurs insistent sur la nécessité pour les Etats-Unis d’appuyer la lutte que mène le chef de l’Etat congolais pour éradiquer la corruption. Pour eux, le concours des Etats-Unis est essentiel pour « démanteler » le système mafieux et « kleptomane » de l’ancien pouvoir. Un système aux allures de pieuvre dont les tentacules continuent à s’agripper sur l’ensemble de l’appareil d’Etat.
Selon ces sénateurs, les Etats-Unis ont une « occasion historique » d’aider le Congo-Kinshasa à mener des réformes structurelles destinées à renforcer l’Etat de droit et la lutte contre la corruption. D’après eux, un « changement est possible » avec Felix Tshisekedi dans la mesure où celui-ci a imprimé une ambiance libérale depuis son avènement. Il faut l’aider afin qu’il tienne ses engagements. Seront-ils entendus? C’est à voir.
Dans une interview accordée à Congo Indépendant en novembre 2016, l’ancien sous-secrétaire d’Etat aux Affaires africaines, Herman J. Cohen, avait « prédit » que la « future Administration » allait être « moins généreuse » vis-à-vis de l’Afrique. « (…), je ne vois pas de grands changements en perspectives. L’Amérique va continuer à appuyer le processus démocratique, la bonne gouvernance et l’éradication des conflits », déclarait-il. Il n’a pas été démenti.
LA FRATRIE « KABILA » NON-CIBLÉE
Tout en comptant sur la puissante Amérique, nombreux sont des Congolais qui croient mordicus que les différentes Administrations US – assaillies manifestement par des lobbyistes et autres groupes de pression – évitent de « cibler » les « têtes d’affiche » du « désordre congolais ». C’est le cas particulièrement des membres de la fratrie « Kabila ». Sans omettre tous les pique-assiettes qui gravitent autour.
Les Congolais ont encore frais en mémoire les « révélations » faites par le Richard Miniter, dans le magazine « Forbes » en août 2014. Selon ce journaliste américain, « Kabila » aurait une fortune évaluée à quinze milliards de dollars. Celle-ci serait planquée dans des paradis fiscaux. Que dire de l’enquête sur « Panama Papers », en avril 2016, dans laquelle Jaynet « Kabila » fut épinglée et du rapport Bloomberg détaillant les sociétés dans lesquelles « Kabila » et sa famille avaient des participations?
Au mois de mars 2019, l’Office du contrôle des avoirs étrangers (Ofac) du département du Trésor US avait annoncé avec fracas le « gel » des avoirs notamment de Corneille Nangaa et de son adjoint à la présidence de la Ceni (Commission électorale nationale indépendante) Norbert Basengezi. « Cette action fait suite à la corruption persistante de hauts responsable au sein de la Commission électorale nationale indépendante (…) et n’a pas réussi à faire en sorte que le vote reflète la volonté du peuple congolais », déclarait le sous-secrétaire US au Trésor, Sigal Mandelker. Et après? Rien!
Comment ne pas donner raison à ceux qui voient dans ce « réveil tardif » des congressistes américains, une volonté de se donner bonne conscience tout en « ménageant » les principaux « architectes » du « chaos congolais »?
Baudouin Amba Wetshi