Congo-Kin: Tshisekedi va rapporter les décrets litigieux de « Kabila ». Mais…

Trois jours avant la tenue des élections, « Joseph Kabila », alors président sortant, avait signé, à la sauvette, une dizaine d’ordonnances pour « gratifier » quelques membres de sa « clientèle politique ». Datés du 27 décembre 2018, ces décrets seraient en voie de « retrait ». C’est la décision prise par le président Felix Tshisekedi Tshilombo. Tout en saluant cette démarche qui va dans le sens de l’Etat de droit et du renouveau, force est de relever un inquiétant « flottement » qui règne dans le pays. Et ce plus d’un mois après la passation de pouvoir dite « civilisée » au sommet de l’Etat.

Vital Kamerhe, Président de l’UNC

Dans une correspondance adressée au ministre de la Fonction publique (date illisible), le directeur du cabinet présidentiel transmet à celui-ci une « instruction » du Président de la République invitant ce membre du gouvernement à « suspendre » l’exécution des ordonnances présidentielles n°18/143, 18/143B et 18/143C du 27 décembre 2018, signées par « Joseph Kabila » à quelques soixante-douze heures de l’organisation des élections du 30 décembre.

Le président Felix Tshisekedi enjoint au ministre Michel Bongongo Ikoli – en « affaires courantes » – de lui soumettre « et ce dans les meilleurs délais, le projet d’ordonnance portant retrait de ces trois » actes juridiques. « Le prochain gouvernement se chargera de la mise en place générale dans la Fonction publique », note, par ailleurs, le « dircab » Vital Kamerhe.

ORDONNANCES « FANTAISISTES »

C’est à la fin du mois de janvier 2019 que le grand public a appris l’existence de cette série d’ordonnances signées en catastrophe par l’ancien président « Kabila ». Président de l’organisation non gouvernementale « ACAJ » (Association congolaise pour l’accès à la justice), Georges Kapiamba avait qualifié ces décrets présidentiels de « fantaisistes » avant de demander leur « annulation » pure et simple.

Une de ces ordonnances porte « élévation » de certains membres de la mouvance kabiliste « à la dignité d’ambassadeur ». Une autre concerne des  nominations au grade de « secrétaire général » de l’Administration publique. Et ce en violation notamment de l’alinéa 4 de l’article 81 de la Constitution.

Ces « promotions » n’ont nullement été délibérées en conseil des ministres. Ce n’est pas tout. Certains nouveaux « secrétaires généraux » ne porteraient même pas de numéro matricule de l’Administration publique. « Cela revient à dire que certains des nominés ont été recrutés au grade de secrétaire général alors que c’est l’échelon le plus élevé de l’administration publique », s’enrage un vieux fonctionnaire kinois.

Certains constitutionnalistes vont plus loin. Ils parlent d’usurpation de pouvoir estimant qu’au moment de la signature de ces actes juridiques, « Joseph Kabila » ne disposait plus de « pouvoirs constitutionnels ». Et ce du fait que son second et dernier mandat a expiré depuis le 19 décembre 2016. « Depuis le 19 décembre 2016, Joseph Kabila expédiait les affaires courantes », assure un de nos interlocuteurs. Un autre d’enchaîner: « L’expédition des affaires courantes implique deux choses. D’une part, assurer l’administration quotidienne. D’autre part, prendre des décisions nécessitées par l’urgence ». Parlant quasiment en chœur, les deux juristes assurent qu’il n’y avait aucune « urgence ».

Tout en saluant cette démarche du président Tshisekedi, on ne pourrait s’empêcher de relever le « flottement » ambiant qui règne dans le pays. Plus d’un mois après la « passation civilisée de pouvoir » entre le l’ancien Président et le Président entrant, celui-ci semble faire face à des « pesanteurs ». Qu’est ce qui bloque? C’est la question qui « ronge » tous les esprits.

L’ETAT, C’EST LUI

Kalev Mutondo

Kalev Mutondo

Quelques faits. Plus d’un mois après, les membres de l’ancien gouvernement sont toujours et encore là. L’informateur chargé d’identifier la « majorité parlementaire » à l’Assemblée nationale – au sein de laquelle devrait provenir le futur Premier ministre – est désespérément attendu. Le très redouté et détesté Kalev Mutondo continue à trôner à la tête de l’Agence nationale de renseignements (ANR). Il en est de même du très cruel « général » Delphin Kahimbi à l’ex-Demiap (Renseignements militaires). Que dire des entreprises et organismes publics telles que la Gécamines, la DGDA (Douanes), la DGI (Impôt) et DGRAD (Recettes administratives et domaniales), l’ex-Onatra, le CEEC (Centre national d’expertise, d’évaluation et de certification des substances minérales) qui sont toujours par des « hommes de l’ex-raïs »? D’aucuns ne manqueront pas d’ajouter, la Banque centrale du Congo (BCC) sur cette liste. Pourquoi pas?

Plus grave, l’ancien Président continue à « parader » à travers les rues de la capitale avec son cortège habituel et des éléments de la « garde républicaine ». Alors qu’il n’a droit qu’à une équipe réduite de policiers. L’homme a une conception patrimoniale de l’Etat. L’Etat, c’est lui.

Une chose parait certaine: le changement tarde à venir. Et ce en dépit de la présentation, par le nouveau chef de l’Etat, du programme d’urgence pour ses 100 premiers jours.

Sur les réseaux sociaux, on apprenait, via un lanceur d’alerte anonyme de la BCC, que « Fatshi » aurait passé beaucoup de temps, mardi 5 mars, à la ferme de Kingakati où il se serait entretenu durant plusieurs heures avec son prédécesseur. Selon la même source, ce dernier lui aurait remis deux véhicules 4×4 blindés. Infox?

LE RENOUVEAU VERSUS CONSERVATISME

Coïncidence ou pas, on apprenait, mercredi 6 mars, au moment de boucler ces lignes, que les plateformes politiques « Cap pour le changement » (CACH) du duo et le « Front commun pour le Congo » (FCC), représentées respectivement par Jean-Marc Kabund-A-Kabund et Néhémie Mwilanya Wilondja, ont signé un « communiqué conjoint ». « Les deux plateformes politiques recommandent » d’une part à « Joseph Kabila », en sa qualité d’ « autorité morale » du FCC, « d’accomplir les devoirs de sa charge permettant au chef de l’Etat de procéder à la désignation du formateur du gouverneur ».

En « français facile », les deux parties demandent à « Kabila » de communiquer l’identité du candidat du FCC à la primature. D’autre part, il est demandé au Président de la République de « nommer » ledit postulant « diligemment ». Adieu Informateur? Au nom de quel principe?

Osons espérer que le communiqué conjoint signé mercredi par Kabund et Mwilanya n’est, à ce stade, qu’une « déclaration d’intention » qui ne préfigure nullement la naissance d’une « coalition gouvernementale » CACH-FCC comme on peut y lire.

Il faut espérer également que « Fatshi » est conscient du traquenard. Et qu’il lui sera difficile de réussir son quinquennat en faisant un pas en avant et deux pas en arrière. Le « renouveau » et « l’Etat de droit » ne peuvent faire bon ménage avec ce que le président Etienne Tshisekedi appelait le « camp du statu quo ».

 

Baudouin Amba Wetshi

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