Va-t-on assister à l’éclosion d’une fronde au sein de l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS), parti de feu Etienne Tshisekedi wa Mulumba dont le credo a toujours été le « changement »? Sept mois après l’investiture de Felix Tshisekedi Tshilombo à la tête de l’Etat, une certaine désillusion est perceptible auprès de la « Base ». Des voix commencent à s’élever pour critiquer les dirigeants actuels de cette formation politique. A tort ou à raison, ceux-ci sont accusés de privilégier le « partage du pouvoir » au détriment des activités de ce regroupement politique sur le terrain. Les mêmes voix estiment, à l’instar de la grande majorité de la population, que l’alternance tant attendue n’a pas eu lieu lors de l’élection du 30 décembre 2018. A preuve, l’ancienne majorité est toujours là. Elle n’a pas été remplacée par une nouvelle. Contre toute attente, on assiste, sur les réseaux sociaux, à l’émergence d’une sorte de fanatisme en faveur de la coalition CACH-FCC. « Les voix dissonantes ne sont plus tolérées à la permanence du parti », entend-on dire.
Après un récent séjour à Madimba, dans la province du Kongo Central, Victor Kabamba Nzuzi, a écrit ces quelques mots sur le mur de sa page Facebook: « A Mandimba, je n’ai pas vu les drapeaux de l’UDPS. J’ai, par contre, vu des drapeaux de l’UNC[de Vital Kamerhe]« .
Victor Kabamba Nzuzi n’est pas n’importe qui. Secrétaire national adjoint chargé des Relations extérieures, l’homme fait partie de ceux qu’on pourrait appeler les « vieux cadres » de l’UDPS. Propos d’un aigri? Assurément pas.
Selon certaines indiscrétions, depuis son accession au sommet de l’Etat, « Fatshi » , réputé abordable et avenant, est devenu inaccessible. « Figurez-vous que le vieux Kabamba Nzuzi a passé trois semaines à Kinshasa sans pouvoir rencontrer le chef de l’Etat », confie un « combattant » qui dissimulait à peine une pointe de déception.
Depuis mardi 20 août, une vidéo circule sur les réseaux sociaux. Le document rapporte un point de presse tenu par Fils Mukoko qui passe pour le leader des « parlementaires debout » dont l’initiateur serait Paul Kapita Shabangi.
Mukoko dit se réclamer de la ligne tracée par « Fatshi ». Le 30 août prochain, ce jeune homme à l’allure faussement débonnaire se propose d’organiser une marche sur le thème: « Oui à la bonne gouvernance, non à la corruption ». Il n’a jamais fait mystère de tout le mal qu’il pense de « Joseph Kabila ».
Mukoko semble avoir deux « cibles »: Jean-Marc Kabund a Kabund, 1er vice-président de l’Assemblée nationale et son successeur au poste de secrétaire général de l’UDPS, le très bavard Augustin Kabuya.
« LES NOUVEAUX AMIS DE KINGAKATI »
D’après Mukoko, Kabund et Kabuya seraient « télécommandés » depuis la ferme de « Kabila » à Kingakati. Selon lui, ces deux caciques de l’UDPS ne tolèrent plus de voix dissonantes. « Il m’est interdit de mettre les pieds à la permanence du parti au motif que je suis rebelle et non respectueux de nos dirigeants », dit-il. Et d’ajouter: « Joseph Kabila a donné instruction pour que je n’accède plus au siège du parti ».
A en croire Mukoko, une « commission de discipline » mise en place par Augustin Kabuya lui avait tendu un piège en l’invitant à la permanence. Arrivé sur le lieu, il a été « maîtrisé » et « tondu », en guise de sanction pour « indiscipline ». Il se dit étonner de constater que cet acte n’a pas été condamné. Il a pris l’engagement de rassembler tous les « déçus ».
Au cours de sa prestation, Mukoko a abordé le sujet du moment. A savoir, l’arrêté signé par le gouverneur de la ville de Kinshasa portant permutation et nomination de quelques bourgmestres dont trois étiquetés UDPS.
Mukoko de dire son étonnement de voir toute une « matinée politique » organisée par le SG Kabuya pour présenter les trois « promus » de l’UDPS grâce à un « acte illégal ». On le sait, le gouverneur n’est pas compétent pour nommer les chefs des exécutifs municipaux.
Pour lui, les tenants de la coalition CACH-FCC se considèrent au-dessus des lois. « On ne respecte plus la Constitution. On fait des arrangements entre les nouveaux amis de Kingakati », s’est-il exclamé avant d’exiger la démission du SG Kabuya. Celui-ci avait transmis au gouverneur Gentiny Ngobila les noms des « candidats » de l’UDPS. Pour Mukoko, il n’y a plus l’ombre d’un doute, « Kabila voudrait détruire l’UDPS à l’image du Palu ». Aussi, a-t-il pris l’engagement de « défendre les valeurs fondamentales de l’UDPS ».
« MARIAGE ENTRE L’ANGE ET LE DÉMON »
Depuis l’investiture de Felix Tshisekedi Tshilombo à la tête de l’Etat, Fils Mukoko semble dire tout haut ce que de nombreux militants de ce parti murmurent tout bas. Ce « combattant » n’hésite pas à fustiger l’alliance CACH-FCC. « Cette coalition ressemble à un mariage entre l’ange et le démon », déclarait-il en juillet dernier. Ajoutant: « Même Dieu est contre cette coalition ».
En tous cas, les observateurs ne cessent de s’interroger sur les « convergences programmatiques » censées servir de socle à cette union.
Au lendemain de son élection à la présidence de l’UDPS en mars 2018, « Felix » avait tenu une conférence de presse à Bruxelles au cours de laquelle il avait clamé la volonté de son parti de conquérir le pouvoir d’Etat avec l’ambition de « gouverner le Congo autrement ».
« Fatshi » avait rappeler, à cette occasion, les fondamentaux de l’UDPS. A savoir: instaurer l’Etat de droit; lutter contre la pauvreté et les anti-valeurs (corruption, gabegie, incurie, impunité); promouvoir l’accès à l’éducation et à la santé, l’eau potable et l’électricité « pour tous »; améliorer le climat des affaires et lutter contre le chômage. « Depuis l’avènement de Felix Tshisekedi au sommet de l’Etat, l’UDPS donne l’impression que son ambition se limitait au pouvoir pour le pouvoir au point d’abandonner la vie militante sur le terrain », commente un politologue. « Il est impossible pour un parti comme l’UDPS de faire alliance avec le FCC – dont la devise semble être le changement dans la continuité – sans trahir son identité et ses valeurs », conclut notre interlocuteur.
On ne peut qu’espérer que la nouvelle direction aura à cœur de restaurer le débat interne au sein de ce grand parti qui semble bien « malade » de son « union » avec le FCC de « Joseph Kabila ».
On espère également que les dirigeants de l’UDPS seront à nouveau à l’écoute de toutes les voix dissonantes y compris celles de certains membres tels que Victor Kabamba Nzuzi et Fils Mukoko. Et pourquoi ne pas écouter les voix de Valentin Mubake Nombi et d’autres « déçus »?
Baudouin Amba Wetshi