L’insécurité récurrente est la cause principale de la sous exploitation du potentiel touristique
Ce 27 septembre, le monde a célébré la journée mondiale du tourisme. Cette journée a été instituée à l’initiative de l’Organisation mondiale du tourisme (OMT), une institution spécialisée des Nations Unies qui compte 159 pays membres. Suivant les Nations Unies, « l’OMT est chargée de promouvoir un tourisme responsable, durable et universellement accessible dans l’optique de la réalisation du Programme de développement durable à l’horizon 2030 et des objectifs de développement durable (ODD) de portée universelle ».
En mai 2022, pour la première fois, l’Assemblée générale des Nations Unies a tenu un débat spécial sur le tourisme. Cela dénote l’importance que revêt de plus en plus ce secteur dans les économies du monde ainsi que dans la vie sociale des populations. Beaucoup de gouvernements commencent en faire leur priorité. Les dix pays les plus visités au monde, en 2021, sont par ordre: France (82,6 millions de touristes), Espagne (82 millions), Etats-Unis (75,6 millions), Chine (59,3 millions), Italie (52,4 millions), Royaume-Uni (35,8 millions), Allemagne (35,6 millions), Thaïlande (38,6 millions), Turquie (30,0 millions), Russie (28,4 millions). En Afrique, les destinations les plus prisées par les touristes étrangers sont le Maroc, l’Afrique du Sud, l’Égypte, la Tunisie, et l’Algérie. Le Congo-Kinshasa est parmi les pays ayant le moins de touristes étrangers. Le pays a accueilli moins d’un million de touristes étrangers. Les statistiques, quand il y en a, mentionnent 351.000 touristes en 2016 générant environ 50 millions de dollars. A titre de comparaison, en 2019, avant le COVID, les recettes du Maroc provenant du tourisme s’élevaient à 8 milliards de dollars. Et pourtant le Congo-Kinshasa ne manque pas d’atouts (culture et sites naturels) pour attirer les touristes étrangers.
Des richesses culturelles
Surnommé « scandale géologique » à cause de la richesse de son sol et de son sous-sol, la République Démocratique du Congo offre également une véritable mosaïque de cultures. Plus de 400 ethnies, autant de coutumes et traditions, sans compter les dialectes, danses, musiques, arts etc. Si l’on s’en tient à la seule musique, l’un des plus prisés de nos arts, elle puise sa diversité et sa richesse dans l’héritage traditionnel, c’est-à-dire le folklore, ensemble de chants et danses traditionnelles, se transmettant oralement de génération en génération.
C’est sur fond de cette musique, couplée aux instruments importés comme l’accordéon, la guitare, l’harmonica, etc. que va alors éclore la musique congolaise dite moderne. Elle est née au 19ème siècle le long du chemin de fer Matadi – Kinshasa, avec l’apport des peuples ouest-africains appelés « Krooboys », « Coastmen », « Haoussa », « Popo » etc. Il n’est dès lors pas étonnant qu’elle tire sa vitalité de cette disparité et de cette hétérogénéité. Après avoir fait danser depuis des décennies l’Afrique entière et les Antilles, la musique congolaise conquiert aujourd’hui l’Europe, l’Amérique ainsi que l’Asie. S’appuyant essentiellement sur le rythme, lequel prend lui-même appui sur le tam-tam, à travers ses différentes variantes « ngoma », « nguomo », « patenge »,… cette musique dite « typique » va se développer très vite, explosant littéralement avec l’émergence des grandes agglomérations. Que dire par ailleurs des célèbres masques Pende, des statuettes Luba, des tapis Kuba (en raphia) ou des danses Ekonda ou Tshokwe, sans oublier le Mutwashi…?
Des sites naturels magnifiques
Le Congo-Kinshasa, ce sont aussi des sites naturels magnifiques. Le pays possède plus de 172 millions d’hectares de forêts naturelles dont la majeure partie n’est pas encore touchée. Ces forêts représentent, à elles seules, 10% de l’ensemble des forêts tropicales du monde et plus de 45% de celles de l’Afrique. Le Congo dispose de 7 parcs nationaux dont certains font partie du patrimoine mondial ainsi que de 57 réserves et domaines de chasse. C’est le cas par exemple de la réserve de chasse de Mbombo Lumene et de la réserve de chimpanzés Bonobos. Il y a aussi des lieux à visiter telles que les chutes Wagenia dans la Province de la Tshopo, les sources thermales dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, le volcan Nyiragongo, célèbre dans le monde entier et le Ruwenzori qui est troisième sommet d’Afrique. Un autre endroit à visiter est le Jardin Botanique de Kisantu, non loin de Kinshasa, qui permet de se faire une petite idée de la beauté, de la diversité et de la richesse de la flore congolaise. La faune congolaise comprend une diversité d’espèces de mammifères, d’oiseaux, de reptiles, de papillons, et de poissons. Il faut aussi signaler des espèces uniques dont le Gorille de montagne, l’Okapi, le Bonobo (chimpanzé nain), le Paon congolais. Autant de merveilles qui peuvent attirer les touristes étrangers. Malheureusement, il existe des goulots d’étranglement qui empêchent le développement du tourisme.
Des difficultés pour exploiter le tourisme
L’insécurité récurrente est la cause principale de la sous exploitation du potentiel touristique. C’est depuis 1960 que le pays est confronté à des troubles. Il fut même interdit pendant plusieurs années de prendre des photos ou de filmer dans les villes et villages par peur des groupes rebelles et autres mercenaires. A titre d’exemple, le parc national des Virunga est considéré comme le deuxième poumon de la planète après la forêt amazonienne. Les touristes étrangers y viennent pour visiter les gorilles de montagne et le volcan Nyiragongo. D’après un reportage de TV5 Monde diffusé le 7 octobre, avec l’insécurité liée notamment à la résurgence des rebelles du M23, certains sites ferment et le tourisme tend à disparaitre. Le campement de l’ile de Tchegera dans le Parc connait un manque à gagner cette année, faute de visiteurs, alors que les revenus programmés étaient de 12,5 millions de dollars. Depuis 1996, environ 225 écogardes ont été tués par les groupes armés qui sévissent dans le Parc des Virunga.
A part ce problème d’insécurité généralisée, le pays reste confronté à un important déficit d’infrastructures touristiques. Les transports terrestres, fluviaux, maritimes, lacustres ne sont pas fiables. De même la plupart des aéroports à l’intérieur du pays sont en plein délabrement. A ceci, il faut ajouter les prix exorbitants des visas d’entrée et des billets d’avion dans des aéronefs considérés comme des cercueils volants. Les capacités hôtelières sont déficientes. Il y a une faible qualité-prix des repas dans les restaurants ainsi que des chambres d’hôtel d’autant que le personnel est peu qualifié. Pour couronner le tout, il y a toutes sortes de tracasseries policières. Il est donc temps de promouvoir une image positive du pays et surtout d’instaurer la paix. Suivant le programme d’actions du gouvernement 2021-2023 publié en avril 2021, le tourisme est considéré comme l’un des leviers de la diversification de l’économie, notamment à travers les partenariats public/privé, en créant des conditions propices à son essor en tant qu’industrie. Pour cela, le gouvernement compte créer des zones de développement et d’expansion touristiques, améliorer le cadre légal et institutionnel du secteur du tourisme. Des politiques seront mises en œuvre pour sécuriser, réhabiliter et créer des sites.
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Gaston Mutamba Lukusa