La controverse suscitée par les trois propositions de lois initiées par les députés Aubin Minaku et Garry Sakata a pris vendredi 26 juin une tournure de crise au sein du gouvernement. Il y a eu de « l’électricité » dans l’air lors de la réunion du Conseil des ministres présidée par Felix Tshisekedi. En cause, le ministre de la Justice, le Fcc/Pprd Célestin Tunda Ya Kasende avait, à l’insu du chef de l’Etat et du Premier ministre, transmis, à la Présidente de l’Assemblée nationale, un avis non-validé par le gouvernement sur lesdites propositions de lois.
Depuis mardi 23 juin, trois questions reviennent sans cesse dans toutes les bouches au sujet des trois propositions de lois initiées par les parlementaires Aubin Minaku et Garry Sakata sur la « réforme judiciaire ». Ces lois revêtent-elles un caractère urgent? Pourquoi tant de précipitation? Pourquoi la commission Politique, administrative et juridique a déjà « toiletté » ces textes avant que le gouvernement émette ses observations?
Vendredi 26 juin, on apprenait que le vice-Premier ministre en charge de la Justice, le Fcc/Pprd Célestin Tunda Ya Kasende, avait déjà transmis les « observations » du gouvernement à la Présidente de l’Assemblée nationale. Le problème, Tunda a entrepris cette démarche de son propre chef. Et ce à l’insu tant du Président de la République ainsi que du Premier ministre. Sans vouloir tirer des conclusions hâtives, cet avocat de profession a commis un faux tout en usurpant les fonctions dévolues au chef du gouvernement. Question: Jeanine Mabunda était-elle au courant de cet « acte indélicat »? La tentation est forte de répondre par l’affirmative.
Sur les réseaux sociaux, des voix se sont élevées pour exiger non seulement la démission voire la révocation de l’actuel ministre de la Justice mais aussi des poursuites judiciaires à son encontre pour faux et usurpation de fonctions.
Par lettre n°RDC/ANCP /JML/MNT/06/49020 du 15 juin 2020, la Présidente de l’Assemblée nationale, le Fcc/Pprd Jeanine Mabunda Lioko, transmet au Premier ministre les trois propositions de lois du duo Minaku-Sakata afin de recueillir les « observations » usuelles du gouvernement.
En date du 22 juin, le « Premier » fait parvenir au ministre de la Justice les trois textes. « Je vous les transmets en vue d’éventuels d’observations à apprêter et me faire parvenir au plus tard le 29 juin 2020, pour transmission à l’Assemblée nationale », note Sylvestre Ilunga Ilunkamba
TUNDA DE CONNIVENCE AVEC MABUNDA?
Vendredi 26 juin, une correspondance, datée du 18 juin, adressée à la Présidente de l’Assemblée nationale, fait un tabac sur les réseaux sociaux. L’expéditeur n’est autre que le ministre Tunda Ya Kasende. Objet: Transmission observation du gouvernement. « Honorable Présidente, écrit-il, faisant suite à la copie me destinée de la lettre n°RDC/AN/CP/JML/CM/MNT/06/490/2020 du 15 juin 2020 que vous avez adressée à (…): proposition de loi organique modifiant et complétant la Loi n°13/011 du 13 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire; proposition de loi organique modifiant et complétant la Loi n°06/20 du 10 octobre 2006 portant Statut des Magistrats, telle que modifiée et complétée par la Loi organique n°15/014 du 1er août 2015; proposition de loi modifiant et complétant la Loi organique n°08/013 du 05 août 2008 portant organisation et fonctionnement du Conseil Supérieur de la Magistrature ».
Trois observations. Primo: le ministre de la Justice était manifestement de connivence avec la Présidente de l’Assemblée nationale. Celle-ci n’a formulé aucune objection après avoir reçu les « observations » non validées du gouvernement sous la signature vice-Premier ministre en charge de la Justice en lieu et place du Premier ministre. Voulaient-ils délibérément contourner le Conseil des ministres? Secundo: le ministre de la Justice a usurpé les fonctions dévolues au chef du gouvernement. Enfin: Ce membre du gouvernement a menti en présentant, dans une lettre officielle, ses avis personnels comme étant ceux de l’exécutif.
RENCONTRE « FATSHI »- « KABILA »?
On apprenait dans la soirée de vendredi 26 juin qu’il y a eu de l’électricité dans l’air lors de la réunion hebdomadaire du Conseil des ministres présidée par le chef de l’Etat. Celui-ci n’a pas dissimulé sa surprise autant que son indignation en apprenant que le ministre Tunda s’était substitué au gouvernement dans la gestion des trois propositions de lois précitées.
Dans la soirée de vendredi, des voix se sont élevées pour exiger la démission voire la révocation du ministre Célestin Tunda Ya Kasende pour « faute grave ». Dans un tweet posté sur son compte Twitter, le député national Claudel André Lubaya invite l’intéressé « à démissionner de ses fonctions ». Sera-t-il entendu?
Le constitutionnaliste André Mbata exhorte le procureur général près la Cour de cassation à ordonner « l’arrestation immédiate » de ce membre du gouvernement « pour faux et usage de faux ». Pour ce député national, il y a « flagrance et circonstances aggravantes » de la part d’un avocat et ministre de la Justice.
Au moment de boucler ce « papier », on apprenait que le président Felix Tshisekedi pourrait avoir une rencontre, au cours de ce week-end, avec son prédécesseur. Et ce à l’initiative notamment des ambassadeurs d’Afrique du Sud, d’Egypte et du Kenya.
Par un hasard du calendrier, la télévision nationale, RTNC, a diffusé dans la soirée de vendredi une interview réalisée par le journaliste Floride Zantoto dans le cadre de l’émission « Le grand dossier ». Secrétaire général ad intérim de l’Udps, Augustin Kabuya était l’invité. Celui a déclaré notamment avoir suivi les déclarations des dirigeants du Fcc d’opter pour la « cohabitation ». Pour lui, dans cette logique, le Président de la République aura à désigner un informateur chargé de requalifier la « majorité parlementaire ». Ambiance!
Baudouin Amba Wetshi