« Felix Tshisekedi ordonne la traque et l’arrestation immédiate » de l’ex-chef milicien de Kyungu Mutanga, alias « Gédéon ». C’est la décision prise, lundi 30 mars, par le Conseil de sécurité présidé par le Président de la République. Est-ce la fin de l’impunité dont a bénéficié « Gédéon », depuis le 7 novembre 2011, date de sa mystérieuse « évasion » de la prison de « haute sécurité » de Kasapa jusqu’à ce jour? Les organisations de défense des droits de l’Homme n’ont jamais cessé de réclamer son retour en prison pour purger sa peine de détention à perpétuité. Le fugitif adopte désormais la posture d’une « victime ». Il a adressé un mémo aux secrétaire général des Nations Unies pour dénoncer le « massacre » des « militants » de son parti. Il exige une « enquête indépendante ». Fatshi ira-t-il jusqu’au bout de sa logique sans « trembler » au nom du « deal » Cach-Fcc?
Il faisait partie des « intouchables » sous « Joseph Kabila ». « Il », c’est l’ex-seigneur de guerre Kyungu Mutanga, alias « Gédéon ». Et ce en dépit des crimes atroces que celui-ci et ses hommes ont commis, entre 2002 et 2006, sur l’axe Manono-Pweto-Mitwaba, au Nord Katanga. N’eut été la pression exercée notamment par la Mission onusienne au Congo, « Gédéon » serait sans aucun doute parmi les « généraux » aux mains tachées de sang, sortis de nulle part, qui paradent dans les rangs des FARDC.
Lors de son allocution d’investiture le 26 janvier 2001, le successeur de Mze Laurent-Désiré Kabila n’avait pas manqué d’abasourdir l’assistance en rendant un hommage appuyé aux « Forces d’autodéfense populaires » (FAP). Bref, les Maï Maï. « Je salue et remercie les comités du pouvoir populaire, les forces d’autodéfense populaire(…)pour leur contribution remarquable au maintien de l’ordre surtout en cette période difficile », déclarait-il.
Ancien rebelle, « Joseph Kabila » ne se sentait à l’aise qu’avec des individus à la mine patibulaire du genre « Gédéon ». Celui-ci appartenait justement aux Maï Maï mises sur pied, à partir du mois d’août 1998, par le président LD Kabila.
Depuis dimanche 29 mars 2020, « Gédéon » est entré en « clandestinité » dans une ville de Lubumbashi où il vit comme un poisson dans l’eau. L’homme pourrait bénéficier de la bienveillance des « réseaux » militaro-sécuritaires laissés par l’ex-président « Kabila ». « Frère d’armes » à Kyungu Mutanga, le « général » John Numbi ne manquera pas de lui accorder l’hospitalité dans son « ranch » situé à une quarantaine de kilomètres de l’ex-capitale du cuivre.
La traque annoncée sera rude. Un « miracle » n’est pas impossible. Une chose est sûre: c’est un test grandeur nature de loyauté envers les institutions républicaines de la part des hommes et femmes qui entourent l’actuel chef de l’Etat.
L’IMAGE BROUILLÉE DE « FATSHI »
Hormis le vice-Premier ministre en charge de l’Intérieur, l’Udps Gilbert Kankonde Malamba, tous les autres participants à cette réunion du Conseil de sécurité présidée par « Fatshi » ont servi sous le régime de « Kabila ». Sans la moindre malice, on peut citer: Aimé Ngoie Mukena (ministre de la Défense), François Beya Kasonga (Conseiller spécial du chef de l’Etat en matière de Sécurité), Célestin Mbala Musense (chef d’état-major général des FARDC), Inzun Kakiak (administrateur général de l’ANR), Roland Kashwantale (directeur général de la DGM). Sans oublier le chef de la maison militaire.
Dans une déclaration faite à la presse, le ministre Ngoie Mukena a dit ces mots sans réellement convaincre: « Nous avons besoin de l’adhésion de tout le monde pour dénoncer la cachette de ce récidiviste ». Et d’ajouter: « Le chef de l’Etat a ordonné que soit immédiatement instituée une mission de haut niveau afin d’établir les responsabilités de tout un chacun dans cette affaire ».
Qui va oser dénoncer « Gédéon » dans ce « Grand Katanga » où règne toujours un conflit aux allures de volcan mal éteint entre les « Katangais » et les « Luba Kasaï »?
Depuis son accession à la tête de l’Etat, « Felix » voit son image se « brouiller » par les agissements de certains « Kasaïens » qui considèrent toute critique formulée sur la gestion des affaires publiques comme une attaque frontale dirigée contre une communauté ethnique. Pour avoir évoqué ce genre d’incident, le chef de l’Etat peine à se mettre au-dessus des contingences tribalo-partisanes. La traque de Kyungu Mutanga pourrait être interprétée, hélas, comme une « agression » dirigée contre un « frère » du Katanga.
GÉDÉON DÉNONCE UN « MASSACRE »
Sur les réseaux sociaux, l’ex-chef milicien fait parler de lui. Il a, en date du 29 mars, adressé un mémo au secrétaire général des Nations Unies. Il y dénonce le « massacre » des membres de son parti « Mira » (Mouvement des indépendantistes révolutionnaires africains) à l’occasion d’une « marche pacifique » dont le but était, selon lui, de « réclamer pacifiquement l’indépendance de notre province ».
Kyungu Mutanga exige ni plus ni moins qu’une « enquête indépendante des Nations Unies » et des « poursuites judiciaires » contre les « autorités tant militaires que civiles au niveau provincial et national ».
L’homme avoue néanmoins qu’il y avait « trois éléments armés » dans les rangs de ses partisans dont la mission consistait à assurer « la bonne tenue de nos militants ». « Nous dénonçons ce massacre commandité contre des citoyens », clame-t-il. La missive est signée: Nkambo Kyungu Gédéon.
« MANIPULATION POLITICIENNE »
Lundi 30 mars, l’Union des Jeunes Katangais (UJK/ONG) s’est fendue d’un communiqué pour dénoncer la présence d’un emblème « apparenté » à celui de cette association lors de la fameuse marche des Bakata Katanga. L’UJK dit redouter une « manipulation politicienne qui vise à déstabiliser les institutions légales (…) en ce moment où tout le monde avec le chef de l’Etat en tête est préoccupé par la pandémie de Coronavirus (…)« .
A l’instar du CNDP (Congrès national pour la défense du peuple) de Laurent Nkunda qui avait adhéré, sans la moindre pudeur, à l’ex-Alliance de la majorité présidentielle (AMP) dès la fin des hostilités au Nord-Kivu en 2010, le parti « Mira » s’était affilié à l’ex-MP (majorité présidentielle) en octobre 2016. Une injure à la mémoire des victimes des crimes commis par ces bandes armées.
Au moment où ces lignes sont écrites, la mouvance kabiliste dite « Front commun pour le Congo » n’a pas encore pris position sur l’affaire « Gédéon ». Après le dénouement tragique du cas Delphin Kahimbi, on espère que Kyungu Mutanga ne sera pas, à son tour, victime d’une « crise cardiaque » dans sa planque. L’homme a pas mal de choses à révéler sur le modus operandi de son évasion le 7 novembre 2011…
Baudouin Amba Wetshi