Congo-Kin: Des députés provinciaux « vendent aux enchères » leurs voix

L’élection des sénateurs et des gouverneurs de province est prévue au mois de mars prochain. A Kinshasa et ailleurs, la polémique ne cesse d’enfler sur des tentatives de corruption impliquant de « grands électeurs » que sont les députés provinciaux. Des cas de « népotisme » sont signalés. A Kinshasa, l’église protestante s’insurge face à ce « mal ». Depuis Lubumbashi, l’IRDH (Institution de recherche en Droits humains) demande au chef de l’Etat de se pencher sur ce phénomène. Le procureur général de la République, lui, est invité à ouvrir une enquête sur les cas dénoncés par Adam Bombole Intole et Vidiye Tshipanda Tshimanga.

Les articles 104-5 et 198-2 de la Constitution congolaise stipulent respectivement: « Les sénateurs sont élus au second degré par les assemblées provinciales. (…)« ; « Le gouverneur et le vice-gouverneur sont élus(…)par les députés provinciaux au sein ou en dehors de l’Assemblée provinciale ».

La perspective de ces consultations électorales au suffrage indirect est perçue par certains parlementaires provinciaux comme une aubaine pour « se faire du fric ». Les postulants à ces mandats sont littéralement assaillis par ce qui ressemble à un « chantage au vote ».  On assiste à une « vente aux enchères »: 30, 50 voire 100.000 $. C’est la « contrepartie » qu’exigeraient certains députés provinciaux aux postulants.

L’affaire a pris la tournure d’un « scandale politique » après les révélations faites simultanément par deux candidats sénateurs. A savoir: Adam Bombole Intole et Vidiye Tshipanda Tshimanga. Victimes de ce « chantage au vote », les deux candidats ont préféré se retirer purement et simplement de la course. On regrettera qu’ils n’aient pas poussé leur logique jusqu’au bout en fournissant des « indices » susceptibles de mettre les enquêteurs sur la piste des présumés inciviques.

Des voix commencent à s’élever pour fustiger ce « fléau » qui menace le rôle de contrôleur des exécutifs locaux dévolu aux assemblées provinciales.

ANTIVALEURS

Au cours d’un point de presse qu’il a animé, mardi 19 février, le Révérend Eric Nsenga Nshimba, porte-parole de l’ECC (l’église protestante) a dit haut et fort l’indignation de cette communauté chrétienne contre « certaines pratiques de corruption » et autres « antivaleurs » perceptibles au niveau des assemblées provinciales.

Pour lui, les cas dénoncés requièrent la mise sur pied d’un « cadre de concertation et de réconciliation post-électorale, en vue de juguler les différents maux qui rongent la société congolaise ». Un vœu pieux?

Des observateurs ne cachent pas leur étonnement face au mutisme des autorités judiciaires en général et du procureur général de la République près la Cour de cassation en particulier. Le droit pénal congolais a érigé la corruption en un délit.

Dans ce cas sous examen, il s’agit de protéger la société. Le ministère public n’a nullement besoin d’attendre le dépôt d’une plainte pour agir. De même, le ministre de la Justice en affaires courantes dispose encore du « pouvoir d’injonction positive » qui lui permet de « secouer » les magistrats du parquet afin qu’ils assument leurs responsabilités. Il y a donc lacune à deux niveaux.

A Lubumbashi, l’organisation non gouvernementale « IRDH » (Institut de Recherche en Droits humains), que dirige Hubert Tshiswaka Masoka, a pris son courage à deux mains en invitant le PGR à ouvrir, sans délai, une information judiciaire sur les « dénonciations de corruption » faites, le 15 février, par Adam Bombole Intole, président du parti « Ensemble Changeons le Congo » sur son compte twitter ainsi que par Vindiye Tshipanda Tshimanga, président du parti « Congo Dynamique Uni ».

UNE MENACE POUR LE CONTRÔLE PARLEMENTAIRE

L’IRDH exhorte, par ailleurs, le Président de la République à se pencher sur cet épineux dossier, afin que le vote des gouverneurs de province et des sénateurs « soit exempt de corruption et autres pratiques illégales ». Et de souligner que la corruption constitue une « menace » pour « l’avenir du contrôle parlementaire, socle de l’Etat de droit ».

Jetant un regard critique sur la fièvre préélectorale dans le Haut Katanga, l’IRDH fait état d’une dénonciation de corruption publiée via le Net par une association dénommée « Collectif de l’élite haut-katangaise ». Les dénonciateurs qui ont requis l’anonymat mettent en cause le gouverneur sortant Célestin Pande Kapopo et le ministre provincial des Finances nommé Jacques Kyabula Katwe. Les deux hommes sont respectivement candidats sénateur et gouverneur sous la bannière de la coalition pro-kabiliste dite « Front commun pour le Congo » (FCC).

Le collectif met, par ailleurs, en lumière des cas flagrants de « népotisme » dans le chef de Pande Kapopo. On apprend que sur la liste effective des candidats sénateurs publiée par la CENI, le candidat Pande Kapopo aurait aligné deux membres de sa famille biologique en guise de « suppléants ». Il s’agit de sieurs Edouard Pande Kilowele et de Benjamin Pande Kasongo.

A en croire le document publié par ledit « Collectif », Kyabula Katwe aurait, pour sa part, « distribué » une somme de 22.000 dollars US à des députés provinciaux du FCC. La rencontre aurait eu lieu le 14 février dernier à l’hôtel Karavia Pull Man à Lubumbashi.

Selon l’IRDH, copie de cette dénonciation aurait été adressée à la Présidence de la République. Une manière de dire que contrairement à sa réaction prompte lors des tirs à balles réelles ayant ôté la vie à des étudiants de l’Université de Lubumbashi fin janvier, le chef de l’Etat semble sombrer dans une sorte de torpeur.

L’ECC et l’IRDH seront-ils entendus tant par le Président de la République que par le procureur général de la République? C’est à voir!

 

Baudouin Amba Wetshi

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