Ancien avocat au barreau de Bruxelles, consultant juridique, Jules Ipala Kilier a été élu, le 13 avril 2024, président de l’Association « ACB » pour le Benelux. Un mandat de cinq ans renouvelable. L’acronyme « ACB » est plutôt mal connu du grand public. Notre journal a interrogé l’intéressé sur le contenu de ce sigle qui veut dire simplement « Anciens du Collège Boboto ». Il s’agit de cette école « élitiste » créée en 1937 par des prêtres jésuites au Congo, alors colonie belge. D’après Ipala qui a fréquenté cet établissement de 1983 à 1993, Felix Tshisekedi ferait partie des ACB. Il en serait de même notamment de l’actuel ambassadeur de la RDC à Bruxelles, Christian Ndongala. Devrait-on parler de lobby? INTERVIEW.
Comment reconnait-on un « ACB »?
Ceux qui ont fréquenté le Petit collège (Primaire) ou le Grand Collège (Secondaire) au cours d’une même période scolaire se reconnaissent entre eux. Lors de la commémoration du vingtième anniversaire du journal en ligne « Congo Indépendant », vous avez rendu hommage à Bobo Makunda Sefekesse ainsi qu’à Michel Kazadi wa Tshamala, deux « ACB ». Quand un ACB prend un engagement, il va jusqu’au bout.
Quels sont les ACB les plus connus?
Il y a Felix Antoine Tshisekedi Tshilombo (1975). Il y a également l’actuel ambassadeur en Belgique, Christian Ndongala (1987). Je pourrais ajouter en désordre: Dr Parfait Salebongo; Dr Jean-Baptiste Sondji; Jean Moreno Kinkela Vi Kansi, Herman Iyeleza, René Malu, Jossart Nyoka Longo, Dindo Yogo, Marco Banguli, Didier Masela. Je salue au passage Jean-Marie Kayembe, l’actuel recteur du Collège.
On imagine que la sélection fut rigoureuse …
Effectivement! Pour la petite histoire, le Collège Albert 1er, rebaptisé « Boboto », fut créé en 1937. Il était destiné aux enfants européens. C’est en 1950 que les enfants africains ont commencé à être admis. Papa Pierre Fumusi est le premier. Il y a également José Patrick Nimy Mayidika Ngimbi. L’admission des enfants noirs était soumise à quelques conditions.
Lesquelles?
Les parents devaient être mariés sous le régime monogamique; les enfants devaient parler la langue de Molière et savoir « se tenir correctement à table ». En fait, le Collège Albert 1er, avait l’ambition de former une « élite ». Je tiens à préciser que cette école acceptait les enfants issus de toutes les couches sociales. Une seule exigence: l’enfant doit avoir l’aptitude de suivre les cours. Autre exigence: la discipline. Deux mentions « médiocre » en matière de conduite dans le bulletin entrainaient l’exclusion. Et ce peu importe le pourcentage reçu.
Quels sont les objectifs de votre association?
C’est essentiellement le renforcement des liens entre les anciens élèves du Collège Boboto par l’entraide multiforme.
D’où vient cette réputation des Pères jésuites en matière de l’enseignement primaire et secondaire?
Les Jésuites sont très rigoureux. Pour eux, si vous êtes un menuisier, vous devez être le meilleur dans votre domaine. Il en est de même pour l’avocat, le sportif, l’économiste etc. Si vous êtes un musicien, soyez le meilleur. A titre d’exemple, Malaje De Lugendo est un ancien du Collège.
Après le Collège Boboto, on vous retrouve en Belgique dans deux écoles tenues par des Jésuites avant de vous inscrire à l’UCL (Université catholique de Louvain). Est-ce par « fidélité » aux pères jésuites?
Pour dire vrai, je ne me suis jamais détaché des milieux jésuites. Est-ce le fait du hasard. Je me sens très l’aise dans la continuité de ce que les pères jésuites m’ont appris.
Sur le plan professionnel, vous avez été avocat au barreau de Bruxelles…
J’ai exercé pendant huit ans. Avant le barreau, j’ai travaillé dans les assurances de 2006 à 2008. Je suis entré au barreau en 2008. J’y ai presté jusqu’en 2015, je fais de la consultance juridique de 2015 à 2018. Je suis actuellement employé en assurance.
On ne sent pas le poids des « ACB » sur le plan socio-politique.
C’est-à-dire?
C’est-à-dire en tant que groupe, mieux, groupe de pression. En France, on voit des intellectuels prendre position sur divers sujets sociétaux afin d’influer sur les décideurs…
Sans forfanterie, nous sommes déjà un lobby. L’association existe depuis 1981. Les ACB ont toujours œuvré dans l’entourage de nos dirigeants. Je ne pourrais m’empêcher de citer Joe Dumbi, Raph Kabengele. Sans oublier l’actuel patron du Renseignement militaire, le général Christian Ndaywel Okura.
Vous avez accompli des études primaires et secondaires de qualité. Ce parcours vous a permis d’être l’homme que vous êtes aujourd’hui. Si le chef de l’Etat était en face de vous, que pourriez-vous lui dire pour réformer le secteur de l’Enseignement primaire et secondaire?
Le président Felix Tshisekedi me connait personnellement. Il était le Président d’honneur de l’Asbl Tshisekedi for President. Que lui dire d’autre sinon que les programmes actuels sont désuets. Surannés.
Que faire?
Pourquoi devons-nous enseigner à nos élèves l’histoire des Carolingiens et des Mérovingiens en lieu et place de nos ancêtres?
Que faire en trois points?
Primo: toiletter complètement le programme de notre enseignement. Il s’agit de l’adapter à nos réalités.
Secundo: La gratuité oui. Mais il faudrait doter ce secteur d’un budget important à la hauteur des ambitions.
Tertio: Améliorer les conditions sociales et de travail du personnel enseignant. Il faut restaurer la noblesse de ce métier par la formation des membres du corps enseignant.
Le Collège Boboto fut jadis une école d’excellence. Il l’est peut-être moins aujourd’hui avec les réalités du pays. La qualité de l’enseignement reste néanmoins un cran au-dessus de la moyenne.
Propos recueillis par Baudouin Amba Wetshi