Les juristes soutiennent que l’aveu, tout en n’étant pas la preuve infaillible, est et reste la « reine des preuves ». Dans un élément vidéo en circulation sur les réseaux sociaux, Dunia Kilanga, un des secrétaires nationaux du parti kabiliste, le PPRD, a fait une déclaration gravissime: « Felix Tshisekedi est devenu président de la République non pas par la volonté de la Ceni mais par la volonté de Joseph Kabila ». Il ne s’agit nullement d’un lapsus. C’est un aveu qui semble trahir une certaine déprime ambiante au sein du camp kabiliste. Jusqu’ici, ce genre « d’outrances verbales » était l’apanage des fameux « bérets rouges ». Sans responsabilité politique. Cette fois, c’est un membre de l’exécutif de ce parti qui l’affirme. C’est un fait politique.
Où va le Congo-Kinshasa de la coalition – contre-nature – Cach-Fcc? C’est la question qui taraude désormais les esprits de tous ceux qui ont pu visionner la sortie médiatique bien calculée du secrétaire national du PPRD chargé de la Mobilisation Dunia Kilanga. Celui-ci donnait sans doute la réplique à Jean-Marc Kabund. Le Président ad intérim de l’UDPS avait promis à l’ex-président « Joseph Kabila » et sa clique des « bosses et des plaies » voire l’exil à force de « bloquer les actions » du président Felix Tshisekedi Tshilombo.
Croyant démentir les propos de Kabund selon lesquels « le pouvoir de Felix Tshisekedi vient du peuple », sieur Dunia sous-entend que « Kabila » avait « soudoyé » non seulement la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) qui avait publié les « résultats provisoires » de l’élection présidentielle proclamant « Felix » comme « Président élu » mais aussi la Cour constitutionnelle qui avait « confirmé » les « chiffres » transmis par la Ceni.
Si on était dans un Etat de droit, le procureur général près la Cour constitutionnelle, Minga Nyamankwey, se serait saisi en ouvrant une information judiciaire sur les déclarations fracassantes de Dunia. Cette haute juridiction est le juge pénal du chef de l’Etat et du Premier ministre « pour des infractions de haute trahison », stipule notamment l’article 164 de la Constitution.
EFFET BOOMERANG
En faisant cette sortie médiatique aux allures de « sortie de route », Dunia Kilanga n’avait pas pensé à l’effet boomerang. A savoir que « Joseph Kabila », l’arroseur, est, à son tour, arrosé pour avoir trahi son serment « d’observer et de défendre la Constitution ». Il n’a pas assumé sa charge « loyalement et en fidèle serviteur du peuple » en privilégiant ses intérêts personnels au détriment de l’intérêt général.
Après avoir allumé le feu, les spécialistes en manipulation qui gravitent autour de « Kabila » ont chargé un agitateur bien connu pour jouer le rôle de « sapeur pompier ». Il s’agit de Constant Mutamba. Sur son compte Twitter, ce dernier – qui prend les Congolais pour des naïfs – a posté, dimanche 17 novembre, un message « condamnant » les propos de son camarade. A en croire ce politicien qui se dit juriste de formation, « Joseph » « n’a jamais incité quiconque à outrager ainsi les autorités légalement investies ». Sans rire, Mutamba demande des « sanctions » à l’encontre de Dunia Kilanga qui était manifestement « en mission commandée ». De qui se moque-t-on?
Ce n’est pas la première fois que le PPRD charge ses « baroudeurs » pour « titiller » le successeur de « Kabila » qui ferait montre, selon ce parti, preuve « d’ingratitude » à l’égard de celui qui lui a cédé « gratuitement » le pouvoir. En acceptant la « coalition » en lieu et place d’une « cohabitation », l’ex-président « a posé un acte philanthropique ». Interdiction de rire!
Durant la longue période de formation du gouvernement, on a vu les fameux « bérets rouges » se livrer en spectacle avec à leur tête un individu à la mine patibulaire appelé Henri Magie. Celui-ci dira que le Fcc était prêt à « renverser » l’actuel chef de l’Etat afin d’accélérer la formation de l’Exécutif. D’autres « bérets rouges » suivront pour dénoncer la « gabegie » au sommet de l’Etat et les multiples voyages à l’étranger de Tshisekedi Tshilombo. « Vous avez trompé pendant plusieurs décennies en prétendant que vous luttiez pour le bien du peuple congolais, le slogan peuple d’abord. La réalité vous a rattrapé. Le slogan le peuple d’abord, s’est transformé en ventre d’abord », déclarait le porte-parole de ce second groupe. Des déclarations assez cohérentes pour être le fait de quelques illuminés.
Les propos tenus par Dunia Kilanga sont de nature à écorner l’image du président Fatshi qui est réduit ici au rang d’un vulgaire « complice » de « Kabila ». Un simple démenti ne suffira pas à estomper le trouble jeté dans les esprits. Serait-ce le fameux « deal » qui donne une impression de paralysie au sommet de l’Etat?
A QUAND LES RÉFORMES?
Près de dix mois après son investiture, « Felix » a beaucoup voyagé à l’étranger. A l’intérieur, il peine à exercer la plénitude de la fonction présidentielle. Il n’a amorcé aucune réforme pour jeter les jalons de l’Etat de droit, de lutter contre la corruption et l’impunité. Sous le prétexte pour le moins candide de s’abstenir à la « chasse aux sorcières », le nouveau Président de la République semble s’accommoder des « hommes du raïs ». Des individus exécrés par des investisseurs potentiels. L’appareil judiciaire, l’armée, la police, les services de renseignements civils et militaires sont toujours sous le contrôle des cadres honnis de l’ancien pouvoir. Il en est de même de tous les organismes générateurs des recettes.
Lors de son discours querellé du 12 novembre à la permanence de l’UDPS, Jean-Marc Kabund a dénoncé des actions menées au niveau de l’Assemblée nationale en vue de « bloquer le chef de l’Etat ». L’homme sait de quoi il parle en sa qualité de 1er vice-président de la représentation nationale.
Kabund a compris un peu tardivement que le « partenaire » Fcc qui traîne derrière lui un bilan désastreux n’est pas assez fou pour permettre à Fatshi de réussir son quinquennat. Dix mois après son accession à la tête de l’Etat, ce dernier aura du mal à imposer des restructurations dans ce système aussi verrouillé. Les 100 premiers jours sont considérés comme le moment le plus propice pendant que l’opposition est occupée à faire le travail de « deuil » de sa défaite.
Les observateurs sont surpris de constater que les gouverneurs de province étiquetés PPRD, une vingtaine sur 26, continuent à porter la casquette de président provincial (président interfédéral) de ce parti. On se croirait à l’époque du MPR parti-Etat. Un comportement qualifié de « trahison » dans la loi fondamentale en vigueur. Peut-on servir une nation tout en s’affichant en homme d’un clan ou d’un parti?
LE GRAND DÉBALLAGE
Une chose paraît sûre: le vice-Premier ministre chargé de l’Intérieur Gilbert Kankonde, labelisé UDPS, peine à asseoir son autorité et à amorcer le processus de dépolitisation de l’administration de la territoriale.
Au Sud-Kivu, le gouverneur Théo Ngwabije Kasi, membre du Fcc, serait dans le « viseur » des caciques du Fcc. L’homme rechignerait à renouveler son « allégeance » à « Joseph Kabila », l’autorité dite morale de cette plateforme politique.
Les Congolais attendent désespérément le « changement » promis par la coalition UDPS-UNC (Cach). Il y a sans doute un « cap » qui tarde à montrer le chemin du renouveau. Les nombreux voyages du chef de l’Etat à l’extérieur dissimulent mal l’instabilité politique et l’immobilisme au plan interne.
Par cette déclaration aux allures de « déballage », le PPRD Dunia Kilanga apporte, involontairement, de l’eau au moulin du candidat malheureux Martin Fayulu qui entend « résister » jusqu’à la manifestation de « la vérité des urnes ». Sera-t-il entendu?
Que va faire le président Felix Tshisekedi face aux attaques de ses alliés du Fcc? Va-t-il continuer à avaler des couleuvre, tel un vassal, en multipliant des « hommages appuyés » à l’endroit de son prédécesseur? Ce fut le cas récemment à Berlin, pendant que le PPRD faisait un aveu annonciateur du « grand déballage »? L’idéal ne serait-il pas d’exiger à la Ceni de publier les résultats de la présidentielle et des législatives, bureau de vote par bureau de vote?
Une certitude: depuis le 24 janvier 2019, le Congo-Kinshasa de la coalition Cach-Fcc est en plein immobilisme. Et ce en dépit de quelques signaux positifs indiscutables en faveur de l’exercice des droits et libertés.
Baudouin Amba Wetshi