A Kinshasa, la manifestation pacifique organisée, mardi 15 septembre, par des représentants des forces politiques et sociales à la Place Sainte-Thérése, dans la commune kinoise de Ndjili, s’est terminée dans la violence. Une violence qui a le « mérite » de rappeler aux ex-Zaïrois devenus « amnésiques » que leur pays est livré depuis bientôt quinze années entre les mains d’une bande de voyous. Des voyous déguisés en hommes d’Etat.
« Dis-moi qui tu hantes, je te dirais qui tu es », dit l’adage. Des jeunes voyous – soudoyés par la mouvance kabiliste – munis de gourdins, bâtons et armes blanches, ont fondu sur le public rassemblé à la Place Sainte Thérèse provoquant une panique générale. Bilan provisoire: un mort et quatre blessés. Porte-parole du gouvernement ou plutôt de « Joseph Kabila », Lambert Mende Omalanga assure qu’il n’y a eu « que » trois blessés.
Pourquoi? C’est la question cruciale que se posaient, mardi soir, des observateurs. Il faut refuser de regarder ou souffrir de cécité pour ne pas voir à qui le crime profite. En tout cas, des témoins sont formels: des agents de la force publique présents sont restés impassibles.
Autres questions: comment peut-on expliquer ce déchaînement à l’occasion d’une réunion paisible au cours de laquelle des opposants n’ont fait que jouer le rôle que leur assigne la Constitution. Un rôle qui consiste à critiquer et surtout à s’opposer à la dérive dictatoriale d’une « majorité » tentée par un pouvoir sans limitation de mandat? Comment peut-on expliquer qu’une telle violence frisant la barbarie la plus abjecte se déroule dans un pays affublé de l’épithète « démocratique » et où le pluralisme politique et l’opposition politique sont institutionnalisés?
Des leaders de l’opposition et ceux de la société civile avaient convoqué cette rencontre pour tirer la sonnette d’alarme face aux subterfuges et autres artifices que multiplient « Joseph Kabila » et ses « petits soldats » au fur et à mesure que l’on se rapproche de la date d’expiration du second et dernier mandat du locataire du palais de la nation.
Les différents intervenants ont exigé la tenue de l’élection présidentielle en novembre 2016. La passation de pouvoir entre le Président sortant et le Président entrant étant fixée au 19 décembre de la même année. Ce sont les deux messages qui ont été relayés par les acteurs sociopolitiques présents. Ces rappels ne constituent ni un crime ni un délit.
Depuis l’avènement de « Joseph Kabila » à la tête de l’Etat congolais, il y a bientôt quinze ans, le pouvoir d’Etat a perdu toute sa noblesse. Les gouvernants eux brillent par une absence totale d’exemplarité. Conséquence: les gouvernés ne se reconnaissent guère aux gouvernants. La crise de confiance est patente.
Pouvait-on s’attendre à autre chose de la part d’un « Joseph Kabila », un homme énigmatique aux origines et au parcours parsemés de zones d’ombre? Assurément pas!
Dans une interview accordée à l’hebdomadaire « Jeune Afrique » au cours des premiers mois de son pouvoir, « Joseph Kabila » déclarait notamment: « Nous avons combattu Mobutu les armes à la main en prenant des risques pour nos vies ». Le locuteur voulait-il sous-entendre que le destin collectif des 70 millions des Congolais est devenu un butin de guerre pour quelques « pistoleros » venus du Rwanda et de l’Ouganda?
Depuis quinze ans, « Joseph Kabila » donne de lui l’image d’un individu moulé dans la violence. Un individu qui ne comprend que le langage de la force brutale. Sous son « règne », la mort est banalisée au Congo démocratique. Des vies humaines sont broyées au quotidien. Des exemples? Le double massacre (2007-2008) des adeptes du mouvement politico-religieux Bundu dia Kongo, l’assassinat de plusieurs journalistes et des défenseurs des droits humains. Les libertés individuelles sont méconnues.
Après s’être attaqué au personnel politique, le pouvoir kabiliste a trouvé d’autres cibles. Désormais les membres des familles des politiciens ne sont plus à l’abri de la furie d’un « raïs » aveuglé par sa soif maladive du pouvoir pour le pouvoir.
Face à ses contempteurs, « Joseph Kabila » repose sa confiance sur un prétendu « arsenal répressif ».
En tous cas, les semaines et mois à venir pourraient désillusionner ces voyous qui nous gouvernent.
Face à une « résistance citoyenne » qui monte chaque jour en puissance, ces voyous qui nous gouvernent ne vont pas tarder à expérimenter cette phrase chère à Paul Valery: « La faiblesse de la force est de ne croire qu’à la force ». A bon entendeur…
Baudouin Amba Wetshi