Qui en veut à la peau du colonel John Tshibangu? Depuis six heures du matin, ce mercredi 8 janvier 2020, des militaires dépêchés par l’auditeur général Timothée Mukuntu ont encerclé le Centre catholique Nganda. Mission: se saisir de l’officier dissident au régime « Kabila ». Pour l’amener où? La réponse est moins claire. Tshibangu a été assigné à résidence en ce lieu depuis le samedi 4 janvier.
Assigné à résidence depuis le samedi 4 janvier 2020 au Centre catholique Nganda, le colonel dissident John Tshibangu n’aura pas eu assez de temps pour humer l’air frais et surtout d’apprécier les retrouvailles avec ses proches. Dès mardi 7 janvier, les colonels Kasongo et « Patrick », non-autrement identifiés, sont descendus sur lieu pour résilier le contrat de son logement. Et ce sur ordre de l’auditeur général des Fardc.
Ce mercredi 8 janvier vers six heures, une escouade de militaires, conduite par les officiers précités, a envahi le Centre catholique. Mission: « récupérer » l’officier dissident qui a passé plus de vingt mois de « garde à vue » à l’ex-Demiap et à la prison militaire de Ndolo. Une détention arbitraire.
Que dit la loi? « La garde à vue ne peut excéder quarante-huit heures. A l’expiration de ce délai, la personne gardée à vue doit être relâchée ou mise à la disposition de l’autorité judiciaire compétente », stipulent les alinéas 4 et 5 de l’article 18 de la Constitution.
Où voudrait-on amener Tshibangu? La réponse est moins claire. « Nous voulons l’amener à l’hôpital du centre Nganda », aurait déclaré un des officiers.
Pour la famille et les proches de Tshibangu, il ne s’agirait que d’un fallacieux prétexte pour trouver un « endroit discret » pour « achever » leur frère. Ils ont aussitôt sonner l’alerte. Histoire de « sensibiliser » le pouvoir politique en général et le chef de l’Etat en particulier.
Onze mois après les élections chaotiques du 30 décembre 2019, l’ex-président « Joseph Kabila » continue à tirer les ficelles à travers ses « hommes » qui occupent des postes de premier plan dans les grands corps de l’Etat.
Onze mois après, le vent du changement tarde à souffler sur l’armée, la police et les services de renseignements civils et militaires. Il en est de même de l’appareil judiciaire.
A l’auditorat général des Forces armées congolaises, c’est un kabiliste pur et dur qui continue à « trôner ». Nom: Mukuntu Kiyana. Prénom: Timothée.
Ancien membre du Conseil national de sécurité sous Mzee Kabila et son successeur, ce sulfureux magistrat militaire est l’homme des « situations difficiles ». Un « démineur ».
Quelques heures après l’assassinat du colonel Mamadou Ndala, le 2 janvier 2014, Mukuntu a déboulé sur le théâtre du crime. Mission: mener les « devoirs d’enquête ». En fait, il était là pour effacer les traces pouvant amener les investigateurs aux véritables commanditaires du crime. A preuve, six années après, les circonstances exactes de la mort de ce valeureux officier restent énigmatiques.
A Kananga où se tient – depuis juin 2017 – le procès sur l’assassinat des experts onusiens Zaida Catalan et Michaël Sharp, c’est encore Mukuntu qui est à la manette. Sa mission est manifestement de « disculper » les plus hautes autorités de l’époque – en l’occurrence « Joseph Kabila » et l’administrateur général de l’ANR d’alors, Kalev Mutov – suspectées d’avoir donné l’ordre d’éliminer ces témoins devenus gênants.
La cible actuelle de l’auditeur général Mukuntu s’appelle John Tshibangu. Onze mois après le « départ » de « Kabila » du sommet de l’Etat, le constat est là: l’ex-président continue à régenter les affaires du pays à l’image d’un parrain mafieux. Il continue également à protéger des « tueurs » du genre John Numbi Banza et l’ex-chef milicien Kyungu Mutanga, alias « Gédéon » l’égorgeur de l’axe Manono-Pweto-Mitwaba. Question: Tshibangu serait-il plus dangereux que « Gédéon »?
Dans l’interview qu’il a accordée à l’hebdomadaire « Jeune Afrique » daté du 22 décembre 2019, le président Felix Tshisekedi a déclaré notamment: « Il n’y a qu’un seul patron, c’est moi ». Vraiment?
B.A.W.