La tentation est irrésistible de paraphraser le général De Gaule qui déclarait au cours d’une conférence de presse en 1962, dans un contexte franco-français, que « ce n’est pas le vide qu’il faut redouter mais plutôt le trop plein ». Revenons au contexte congolo-congolais. Outre le « trop plein », il y a des candidatures qui posent problème au plan de l’éthique. Il y a un risque manifeste de conflit d’intérêt dans le chef du Président du Bureau d’âge.
Près de deux mois après la destitution du Fcc Jeanine Mabunda Lioko ainsi que les membres de son Bureau, le Bureau d’âge ou Bureau provisoire de l’Assemblée nationale organise, mercredi 3 février, l’élection de membres du Bureau définit. A savoir: un Président, un 1er vice-Président, un 2ème vice-Président, un Rapporteur, un Rapporteur-adjoint, un Questeur et un Questeur-adjoint.
Comme à l’accoutumée dans ce Congo-Zaïre où l’exerce du pouvoir d’Etat est considéré à tort comme un privilège et non un service à rendre à la collectivité, on assiste à un « trop plein » de prétendants à chacun de ces postes. Trois députés ont postulé comme Speaker, deux (1er vice-Président), deux (2ème vice-Président), six (Rapporteur), treize (Rapporteur adjoint), cinq (Questeur) huit (Questeur-adjoint).
Samedi 30 janvier, le Bureau d’âge, présidé par le doyen Christophe Mboso N’kodia Pwanga, a publié notamment la liste des candidats. Et ce conformément à la décision n°002/AN/CP/21 du 26 janvier 2021. Les journées de lundi 1er et mardi 2 février seront consacrées à la campagne électorale ainsi qu’à l’audition des candidats en plénière.
Il faut d’ores et déjà relever que l’Union Sacrée de la Nation a déjà choisi son « Ticket », c’est-à-dire ses « préférés » pour les sept postes respectifs: Christophe Mboso N’kodia Pwanga (ABCE/ex-Fcc), Jean-Marc Kabund-A-Kabund (Udps/Tshsiekedi), Vital Banywesize Mukuza Muhini (AFDC-A), Joseph Lembi Libula (MLC), poste réservé à l’Opposition, Angèle Tabu Makusi (MS/Ensemble) et Jean-Pierre Kanefu Munjiwa (ADRP/ex-Fcc). Nous reviendrons sur la candidature du doyen Mboso.
UN « ULTRA-KABILISTE » NOMME KOKONYANGI
Deux autres candidatures sont jugées recevables au poste de Rapporteur adjoint. Il s’agit de celles de Hyacinthe Shisso Nkongolo et de Colette Tshomba Tundu.
Parmi les candidats dont les dossiers ont été estampillés « irrecevables », on signale notamment le MLC Jacques Djoli Eseng’Ekeli (Rapporteur), le Fcc Joseph Kokonyangi Witanene (Rapporteur), le Fcc Geneviève Inagosi-Bulo Kasongo. Ces députés nationaux auraient brandi l’étiquette « indépendant » alors qu’ils ont été élus en tant que membres d’autres partis ou regroupements politiques. Le député Jean-Marie Bulambo a vu sa candidature, au poste de Questeur, rejetée du fait que son parti n’a pas adhéré à l’Union Sacrée de la Nation.
Certaines candidatures invalidées avaient un côté ubuesque. C’est le cas de celles de Joseph Kokonyangi Witanene et de Geneviève Inagosi, deux « fidèles parmi les fidèles » de l’ex-président « Joseph Kabila » et « autorité morale » du « Fcc » (Front commun pour le Congo).
Fin décembre dernier, Kokonyangi qui s’est présenté en « indépendant », « par stratégie », dit-il, déclarait qu’il est un « ultra-kabiliste ». « Je ne quitterai Joseph Kabila que lorsqu’on me déposera au cimetière (…)« . Qu’en est-il de la dame Inagosi? Cette ancienne consœur a dénoncé récemment le caractère « illégal » du Bureau d’âge. Pour elle, cette structure n’était pas légitime pour examiner la motion de censure ayant abouti à la destitution du Premier ministre Sylvestre Ilunga Ilunkamba. Question: le Bureau d’âge devient-il « légal » lorsqu’il s’agit d’organiser le vote des membres du Bureau de la Chambre basse? Inconstance?
Revenons au cas du président du Bureau d’âge, Christophe Mboso Nkodia qui est candidat à la succession de Jeanine Mabunda au poste de Président du Bureau définitif de l’Assemblée nationale.
Né le 7 août 1942 à Kasongo Dinga dans l’actuelle province du Kwango, l’homme n’est plus à présenter. Titulaire d’une licence en sciences politiques, ce « Kwangolais » est une figure bien connue dans le landerneau politique kinois. Il arpente depuis 1977 les couloirs et les salons lambrissés du monde politique. Ancien dignitaire de la IIème République, « Kulutu » Mboso a été plusieurs fois ministre sous Mobutu Seses Seko et « Kabila ». Mardi 26 janvier 2021, la Plénière de l’Assemblée nationale attendait le Premier ministre qui n’était pas venu. Le Président du Bureau d’âge a surpris agréablement l’assistance en demandant le report au lendemain de l’examen de la motion de censure contre le « Premier » Ilunga. Cette sagesse fut unanimement saluée. « Il revient à la Plénière de tirer les conséquences de cette absence non-justifiée », déclarait le Président du Bureau d’âge le mercredi.
GARE AU CONFLIT D’INTERET!
Ces « bons points » ne peuvent éluder le risque de conflit d’intérêt auquel s’expose le Président du Bureau d’âge chargé de l’organisation de l’élection des membres du Bureau définitif de l’Assemblée nationale alors qu’il est en même temps candidat à la succession de la présidente sortante, Jeanine Mabunda.
On entend déjà des « juristes » pérorer que « la loi ne l’interdit pas ». Et que « ce qui n’est pas interdit est permis ». Sans doute. Quid de l’éthique, cette instance supérieure à la morale? C’est quoi donc un « conflit d’intérêt »? Le dictionnaire du vocabulaire juridique 2021 (Editions LexisNexis) en donne une définition lumineuse: « Situation dans laquelle les intérêts propres d’une personne sont en contradiction avec la bonne réalisation de la mission qui lui a été confiée ». Mboso devrait se déporter, sans délai, de la Présidence du Bureau d’âge avant le vote. A contrario, il pourrait jeter le discrédit sur son « plébiscite » qui est quasi-certain.
On apprenait dimanche soir qu’un « collectif des candidats invalidés » serait en gestation. Il regrouperait, comme on peut l’imaginer, les députés dont les candidatures ont été « invalidées ». Ces derniers sont décidés à dénoncer la décision prise par le Bureau d’âge à leur encontre.
On apprenait également que le « trop plein » des invalidés est résolu à dire haut et fort tout le mal qu’il pense de la « position hybride » du doyen Mboso. « Le Président du Bureau d’âge est devenu juge et partie », entend-on dire. La jeune Aminata Namasia l’a échappé belle après le rejet de son dossier. Elle fait partie des candidats invalidés au poste de Questeur adjoint. Ambiance!
B.A.W.