Le 16 avril, lors d’une conférence de presse tenue à Kinshasa, le gouverneur de la Banque centrale du Congo (BCC), M. Déogratias Mutombo a annoncé que le taux directeur de l’Institut d’émission sera ramené à 10,5% à partir du lundi 19 avril contre 15,5% précédemment. La politique monétaire de la Banque centrale du Congo& vise à stabiliser l’économie en vue de croissance économique.
Le cadre repose sur trois instruments principaux. Il s’agit du taux directeur, du coefficient de réserve obligatoire et des billets de trésorerie.
Quant à la politique de change, elle vise avant tout à atténuer les fluctuations du cours de change et à conforter le niveau des réserves internationales. A noter que les réserves internationales sont au plus bas actuellement, soit environ 500 millions de dollars, pouvant couvrir seulement deux semaines d’importation. Cette situation est difficile à expliquer au moment où les cours et les quantités des matières premières exportées sont en hausse.
L’idéal serait de posséder des réserves en devises pouvant couvrir au moins trois mois d’importation soit 3 milliards de dollars. Fort heureusement, la RD Congo pourra bénéficier bientôt d’un appui non remboursable du Fonds monétaire international (FMI) à hauteur de 1,6 milliard de dollars américains (USD) pour permettre la relance de l’économie et de faire face aux effets de la pandémie de covid-19.
Suivant le Comité de politique monétaire de la Banque centrale du Congo, la baisse du taux directeur s’explique par la stabilité du taux de change et du recul de l’inflation qui se situe à 4,6% en projection annuelle contre un objectif de 7%. La manipulation du taux directeur ou taux de référence fait partie de la politique monétaire de la Banque centrale du Congo. C’est ce taux qui est appliqué quand les banques commerciales vont se refinancer auprès de la banque centrale.
Tout comme les personnes physiques et morales qui vont emprunter auprès des banques commerciales quand elles sont à court de liquidités, les banques commerciales vont aussi auprès de la banque centrale pour emprunter de l’argent quand leur trésorerie est serrée. Dans ce cas, le taux d’intérêt appliqué est le taux directeur. Quand il est élevé, les charges des banques s’accroissent et l’inverse quand le taux est faible. On devrait donc s’attendre à ce que les banques commerciales baissent aussi leur taux d’intérêt débiteur.
Malheureusement, il y a des rigidités à ce niveau. Il y a quelques années quand le taux directeur se situait à 2%, les banques imposaient des taux d’intérêt de 20% sur les prêts en monnaie locale. Quand vous ajoutez la TVA et toute une série de frais bancaires, le taux d’intérêt réel se chiffrait à 30%.
La politique monétaire est aussi handicapée par la forte dollarisation de l’économie. La monnaie nationale (CDF) a perdu, depuis les années 1990, ses fonctions d’unité de compte, de réserve de valeur et d’intermédiaire des échanges au profit de la devise étrangère. L’épargne s’effectue principalement en devises étrangères. Ceci, à cause de l’inflation qui a pris de l’ampleur à partir des années 1980 et de la dépréciation accélérée de la monnaie nationale. Le record fut battu en 1994 avec un taux d’inflation de 9.700%.
Pour se prémunir contre les risques de change, les dépôts sont effectués en devises représentant près de 85% de tous les dépôts en banque et 70% de la masse monétaire en circulation. De même, les crédits en devises équivalent à plus de 80% du total des crédits octroyés par le système bancaire. Dans le commerce, les restaurants etc., il est normal de payer sa facture en dollars plutôt qu’en francs. Il en est de même des salaires, des frais scolaires, des frais médicaux, des impôts, des billets d’avion etc. Pour compliquer le tout, près de 90% de la masse monétaire continuent à circuler en dehors des circuits bancaires.
Avec de tels chiffres, il y a lieu de se poser des questions sur l’efficacité réelle de la politique monétaire de la Banque centrale sur l’économie. Celle-ci contrôle à peine 10% de la monnaie en circulation dans le pays.
Gaston Mutamba Lukusa