Le barrage d’Inga III n’a jamais quitté les rêves pour être traduit en réalité et encore moins le Grand Inga. Ce qui laisse la RD Congo avec un taux d’électrification de près de 9% seulement, soit parmi les plus faibles d’Afrique à cause des tergiversations des autorités.
Dans un communiqué publié le 9 mai, l’Agence pour le développement et la promotion du projet Grand Inga (ADPI-RDC) annonce la signature d’un protocole d’accord avec la société Natural Oilfield services Limited (NOFLS). Suivant le protocole, NOFLS s’engage à mener des études techniques, environnementales, sociales et financières pour la construction d’un barrage hydroélectrique de 7.000 MW. Ce projet comprend aussi la construction d’une fonderie d’aluminium capable de produire 4 millions de tonnes par an et d’une raffinerie d’alumine d’une capacité de 8 millions de tonnes. La société compte aussi construire un terminal portuaire pour faciliter l’importation des équipements et des matières premières. Ces projets pourraient créer 50.000 emplois directs et indirects dans le pays.
NOFLS est une société du Nigéria spécialisée dans la production, l’exploration et le développement du pétrole et du gaz. Les investissements vont coûter des dizaines de milliards de dollars. Il y a des doutes que l’entreprise dispose de l’expertise et d’une surface financière suffisante. Cela risque de devenir un autre projet sur Inga qui n’a pas abouti comme on en a vu depuis le début du siècle. Le barrage d’Inga III n’a jamais quitté les rêves pour être traduit en réalité et encore moins le Grand Inga. Ce qui laisse la RD Congo avec un taux d’électrification de près de 9% seulement, soit parmi les plus faibles d’Afrique à cause des tergiversations des autorités.
Au début, le projet WESTCOR
Le 22 octobre 2004, l’Afrique du Sud, l’Angola, le Botswana, la Namibie et la République Démocratique du Congo avaient signé à Johannesburg un accord sur le projet énergétique pour l’Afrique australe sous l’appellation de « Western Power Corridor Project », WESTCOR en abrégé. Ce projet qui portait sur la construction de centrales hydroélectriques sur le fleuve Congo prévoyait l’aménagement des trois phases d’Inga 3, respectivement de 1.350, de 950 et de 1.200 mégawatts, soit un total de 3.500 MW. Le coût total du projet était estimé à cinq milliards de dollars américains. Il comprenait la construction et le transport d’ici 2011 de l’électricité vers les pays d’Afrique australe. Chaque pays intervenant devait détenir 20% des participations au capital.
Ce projet régional fut abandonné en 2010 sous prétexte que la RD Congo était minoritaire dans la société internationale offshore créée à cet effet. Le gouvernement congolais demanda alors aux sociétaires de WESTCOR de se consacrer uniquement à la construction du Grand Inga. N’eurent été les atermoiements des autorités congolaises, les premiers mégawatts auraient été disponibles dès 2011. Le pays n’aurait pas connu la pénurie actuelle d’électricité et les délestages.
C’est au tour de la société BHP Billiton et de l’Afrique du Sud
Après l’abandon de WESTCOR, le gouvernement congolais s’investit dans un projet financé par la société anglo-australienne BHP Billiton. Celle-ci s’engageait à construire le barrage d’Inga III quitte à utiliser 2.000 MW pour alimenter une usine de fonderie de 800.000 tonnes d’aluminium par an d’un coût de 3 milliards de dollars qu’elle comptait implanter à Moanda. La construction du barrage d’Inga 3 fut remise en question à la suite de l’abandon par la société BHP Billiton de son projet de construction de la fonderie d’aluminium à Moanda. Outre des problèmes de corruption, la société éprouvait des difficultés à trouver des financements pour le projet. C’est ainsi que le 12 novembre 2011 fut signé un protocole d’accord entre l’Afrique du Sud et la RD Congo sur la relance du projet hydroélectrique du site de Grand Inga. Ce protocole d’accord fut signé à Lubumbashi entre les présidents Jacob Zuma et Joseph Kabila. Il sera plus tard ratifié par le Parlement congolais. Une première étape sur les 7 prévues pour la réalisation du « Grand Inga », porte sur le projet INGA basse chute. Il prévoit une capacité de production de 4.800 MW dont 2.300 MW seront rachetés par la RD Congo et 2.500 MM seront livrés à l’Afrique du Sud. Le coût global de la construction fut estimé entre 9 et 12 milliards de dollars. La période de construction a été estimée à 6 ans. Les premiers mégawatts étaient prévus pour 2023 si le projet débutait en 2017 selon le calendrier. La conception, le financement, la construction et l’exploitation devaient être assurés par un concessionnaire sélectionné après un appel d’offres. Le contrat de concession prévu s’étendait sur 30 ans. La mise en œuvre du projet a été faite au travers de l’Agence nationale pour le développement et la promotion du projet Grand Inga (ADPI-RDC).
L’ADPI bénéficiait d’une assistance technique de la Banque mondiale avec un don de 73,1 millions de dollars. Mais le 25 juillet 2016, la Banque mondiale suspend le décaissement des financements par suite de la décision du gouvernement congolais de donner au projet une orientation stratégique différente de celle qui avait été convenue en 2014. En fait la Banque mondiale se plaignait de la mise de l’ADPI sous tutelle de la présidence de la République en lieu et place du gouvernement, ce qui laissait craindre la non-transparence dans les opérations. Quant aux autorités congolaises, elles estimaient que le projet étant hautement stratégique, l’Agence devait dépendre du cabinet du président de la République. En dehors de cette difficulté, le projet était contesté en Afrique du Sud à cause de son coût et de sa viabilité économique. L’Afrique du sud devait débourser en plus 4 milliards de dollars pour construire les 3.000 Km de ligne nécessaires à la transmission du courant jusque chez elle. Aucun investisseur ne s’est engagé à financer la construction d’Inga III.
Enfin, les Chinois puis les Australiens prennent le relais
Un consortium conjoint sino-espagnol fut retenu, en 2017, après appel d’offres. Il s’agit de l’entreprise d’État China Three Gorges Company, associée à SinoHydro et à d’autres sociétés chinoises ainsi que d’un consortium espagnol autour de deux chefs de file, ACS (Actividades de Construcción y Servicios) et AEE Power. Le protocole d’accord signé portait sur une capacité de 11.000 MW (11 GW), et d’un coût de 13,9 milliards de dollars. Ce consortium a connu début 2020 le retrait du groupe de travaux publics espagnol ACS par suite des divergences avec les sociétés chinoises. Il y avait non seulement un problème de financements mais aussi de rentabilité du projet.
En septembre 2020, le gouvernement entame des discussions avec la société australienne Fortescue Metal group (FMG) pour développer le site. FMG affirme avoir identifié plus de 70 gigawatts d’énergie hydro-électrique potentielle dans les différentes phases du projet Inga. Elle dit être en mesure de mobiliser 100 milliards de dollars pour le financement du projet susceptible de créer 100.000 emplois directs et indirects. Les discussions avec Fortescue commencèrent à piétiner. Le motif invoqué par la partie congolaise était que le projet n’était pas assez « gagnant-gagnant ».
Gaston Mutamba Lukusa