« Avec Tshisekedi au pouvoir, c’est le retour du Congo belge »

L’épouse du président de la République démocratique du Congo mais aussi sa belle-sœur, candidate aux législatives dans la riche province du Lualaba, son directeur de cabinet et son dir-cab adjoint sont tous de nationalité belge.

« Ici, dans ce quartier de Limete, c’est un peu un jardin belge », s’amuse Yolande, 52 ans. Son amie Gertrude, 54 ans, qui se promène en sa compagnie sur la place commerciale de la commune de Limete, à Kinshasa, à deux pâtés de maison de la demeure historique de la famille Tshisekedi, enchaîne. « A la 10e rue, toutes les artères portent des noms de fleurs. Zinnias, Canas, Petunias, c’est pour ça qu’entre nous on l’appelle le quartier botanique mais aussi, parfois, le quartier des Belges ou des Bruxellois », ajoute-t-elle dans un grand éclat de rire.

Dans ce fief de l’UDPS, la formation politique qui fut longtemps le principal parti d’opposition au Maréchal Mobutu puis aux Kabila, il ne fait aucun doute que le clan des Tshisekedi et ses amis sont pour la plupart de nationalité belge.

« A l’exception de Félix et peut-être de maman Marthe (sa mère), ils sont tous devenus belges », poursuit Yolande. « ils sont revenus au Congo pour piller le pays et puis quand ils seront chassés, ils retourneront en Belgique avec nos sous ».

Loin de Bruxelles, les deux dames de Kinshasa ne sont pas loin de la vérité. En effet, selon nos recherches et sur base des documents administratifs belges, l’entourage de Félix Antoine Tshisekedi a largement renoncé à sa nationalité congolaise.

Au mois d’octobre, lors d’une conférence de presse donnée à Bruxelles, Maître Alexis Deswaef, l’avocat de Chérubin Okende, un ancien ministre, porte-parole du parti Ensemble de Moïse Katumbi, principal adversaire du président Tshisekedi pour l’élection présidentielle de ce 20 décembre, annonçait que le chef des services des renseignements militaires congolais, Christian Ndaywell, était de nationalité belge.

L’article 10 de la Constitution congolaise est formel: « La nationalité congolaise est une et exclusive ». En optant pour la nationalité belge, le général Christian Ndaywell a renoncé à sa nationalité congolaise. « Comment voulez-vous que l’on puisse remporter la guerre à l’Est du Congo si nos responsables militaires ont même abandonné leur nationalité congolaise », explique un député national particulièrement fâché par cette annonce.

« A la fin de l’ère du président Joseph Kabila, nous avons même eu un Premier ministre belge au Congo », explique un diplomate européen un temps en poste à Kinshasa. « En effet, le Premier ministre Samy Badibanga était de nationalité belge. Il avait soit-disant recouvré sa nationalité congolaise par un décret du ministre de la Justice de l’époque, Alexis Thambwe, mais tout ceci était absolument illégal ».

Lors de sa conférence de presse à Bruxelles, Maître Deswaef avait clairement expliqué que pour récupérer leur nationalité congolaise, Messieurs Ndaywell ou Badibanga devaient renoncer formellement à leur nationalité belge, ce qui n’a jamais été fait.

Un cabinet présidentiel très belge

Ils ne sont pas les seuls à avoir « oublié » de reprendre leur nationalité congolaise dans le premier cercle du pouvoir.

En effet, la première dame, Denise Nyakeru, l’épouse du chef de l’État qui mène sa campagne électorale en fustigeant « les étrangers » qui seraient ses adversaires, a pris la nationalité belge le 13 septembre 2002. Rien d’illégal, juste un peu surprenant dans un clan qui tente de fédérer l’opinion publique autour d’un nationalisme exacerbé.

La belle-sœur du président Isabelle Kibasa Maliba- Tshisekedi a aussi acquis en 2000 la nationalité belge qui lui a permis de devenir, lors de son long séjour en Belgique, dans la province du Brabant wallon, députée permanente (ministre provinciale) socialiste. Aujourd’hui, elle a démissionné de ce poste et se présente – en toute illégalité donc – comme candidate aux législatives sur la liste UDPS-Kibassa de la province du Lualaba.

Dans le premier cercle du pouvoir de Kinshasaa, les Belges occupent des places en vue. Ce qui fait dire à un parlementaire bien au fait de ce « secret » que « avec Tshisekedi au pouvoir, c’est le retour du Congo belge ». En effet, le directeur de cabinet du président de la République Guylain Nyembo, comme le directeur de cabinet adjoint André Wameso, sont tous les deux de nationalité belge.

« Rien d’illégal mais de nouveau, il est difficile de se présenter comme un nationaliste et de critiquer les autres candidats pour leur manque de ‘congolité’ quand on a préféré s’entourer de personnes qui ont renié la nationalité congolaise », explique un avocat congolais proche de l’opposition.

Par Hubert Leclercq dans Le Soir, 15/12/2023

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