Le vendredi 26 février, le président Felix Tshisekedi Tshilombo a signé deux ordonnances. La première porte élévation du général-major Lucien Likulia Bakumi au grade de lieutenant-général. La seconde nomme ce dernier en qualité d’auditeur général de l’armée congolaise (Fardc) près la Haute cour militaire. Il succède à Timothée Mukuntu Kiyana décédé en janvier dernier. Ce dernier n’avait cure de traîner derrière lui la sulfureuse réputation d’homme des « dossiers sensibles ». Autrement dit, les « dossiers judiciaires » touchant aux intérêts politiques de « Joseph Kabila », alors chef de l’Etat.
Qu’il soit civil ou militaire, le ministère public est et reste un corps « hiérarchisé ». Lorsqu’on propose au chef de l’Etat la promotion d’un membre de ce genre de corps, il est coutumier qu’on passe en revu plusieurs « prétendants » censé occuper le poste envisagé. A côté du patronyme, on déroule généralement les « forces » et les « faiblesses » du « candidat ». On imagine que le président Felix Tshisekedi Tshilombo a eu à parcourir tous ces éléments avant de porter son choix sur le général-major Lucien Likulia Bakumi, un homme plutôt mal connu sur landerneau politique congolais. Ce qui est de bon augure. Y en a marre de la connivence entre le monde politique et la justice civile et militaire.
ENIGMES CRIMINELLES NON-ÉLUCIDEES
Qui est le nouvel auditeur général de l’armée congolaise près la Haute cour miliaire? Sur l’incontournable « toile », il n’y a pas d’informations sur le successeur du général « Tim » Mukuntu Kiyana. Quelles sont les « forces » et les « faiblesses » du nouveau « patron » du ministère public pour les tribunaux et cours militaires? On n’en sait pas grand-chose. « C’est un homme très posé et carré sur les principes », confie un proche de l’intéressé.
On ne dit pas de mal d’une personne décédée. N’empêche, il faut être un parfait hypocrite pour encenser le prédécesseur de Likulia Bakumi. Fidèle d’entre les fidèles de l’ex-président « Joseph Kabila », le général Mukuntu Kiyana était mêlé, plus à raison qu’à tort, dans plusieurs énigmes criminelles non-élucidés à ce jour.
Après une trentaine d’années de militantisme dans les rangs de l’opposition, Felix Tshisekedi – qui a accédé au sommet de l’Etat le 24 janvier 2019 – n’a nullement besoin d’un « escadron de la mort » pour occire ses adversaires. Encore moins de quelques « exécuteurs de basses œuvres » au sein de l’appareil judiciaire. Osons espérer que le nouvel auditeur général près la Haute cour militaire s’efforcera d’incarner la « rupture ». L’Etat de droit claironné depuis bientôt deux ans doit plus que jamais se matérialiser.
D’après des informations parcellaires, le lieutenant-général Lucien Likulia a eu à intervenir en qualité d’officier du ministère public dans le procès sur l’assassinat des experts onusiens Zaida Catalan et Michaël Sharp qui se déroule depuis trois ans à Kananga. Ce dossier judiciaire est en passe de devenir une honte pour la justice congolaise. Depuis trois ans, la Haute cour militaire au chef-lieu du Kasaï parait délibérément impuissante pour identifier le mobile de ce double homicide. Inutile de parler du commanditaire.
Jusqu’à son décès survenu en janvier dernier en Afrique du Sud, l’ancien auditeur général Mukuntu a déployé toute sa verve oratoire pour « absoudre à priori » les autorités politico-administratives. Et ce tant au niveau provincial que national. Il avait pour acolyte le colonel Jean-Paulin Ntshaykolo, président de cette juridiction. Et pourtant, il y a des indices graves de culpabilité qui pèsent autant sur l’ancien président « Joseph Kabila » que l’ancien administrateur général de l’Agence nationale de renseignements (ANR).
L’ANTITHÈSE
Outre l’affaire Zaida Catalan et Michaël Sharp, l’ombre de l’ancien auditeur général des Fardc n’a cessé de planer sur la parodie de procès sur l’assassinat du colonel Mamadou Ndala. Ce digne fils du pays fut victime d’un attentat terrorisme le 2 janvier 2014 dans la localité de Matembo dans le Territoire de Beni. Le 3 janvier, le magistrat militaire Mukuntu sera le premier « enquêteur » à descendre sur le théâtre du crime. Certains témoins à charge sont morts en plein débat. C’est le cas notamment de l’ancien chauffeur du défunt colonel. Que dire de la détention illégale autant qu’arbitraire du colonel John Tshibangu? La liste est loin d’être exhaustive.
La loi n°023-2002 portant Code de justice militaire a été promulguée le 18 novembre 2002. Ce texte remplace l’ordonnance-loi du 25 septembre 1972. Pour la petite histoire, le juge militaire doit toujours être d’un grade au moins égal à celui du prévenu.
On espère que le nouvel auditeur général près la Haute cour militaire sera l’antithèse de son prédécesseur. Et qu’il mettra un point d’honneur à confirmer sa réputation d’homme intransigeant sur les principes.
Baudouin Amba Wetshi