Docteur en médecine, ancien ministre sous le régime de « Joseph Kabila », Felix Kabange Numbi, 47 ans, qui n’est plus « que » député a lancé, mercredi 11 décembre, une association dénommée « Rassemblement de la Génération Joseph Kabila ». Depuis l’avènement du très controversé successeur de Mzee LD Kabila à la tête de l’Etat, plusieurs structures dites de « soutien » se sont mises au service de l’imposture. Objectif : donner une « assise sociale » à un homme dont les origines, l’identité et le parcours continuent à susciter la controverse. Le Congo-Kinshasa est plus que jamais pris en otage par des politiciens sans foi ni loi.
Au cours d’une cérémonie organisée mercredi 11 décembre, à Kinshasa, en présence des parlementaires nationaux et des prétendus « partisans » de l’ex-président « Joseph Kabila », Felix Kabange Numbi, médecin de son état, a annoncé la création de « sa » structure de soutien au prédécesseur de Felix Tshisekedi Tshilombo. Dénomination: « Rassemblement de la Génération Joseph Kabila », en abrégé « RGJK ».
Friand de la rhétorique, l’ancien ministre de la santé et de l’Aménagement du territoire a invité « toute la classe sociopolitique » congolaise à procéder à une « analyse » ainsi qu’à une « évaluation » des effets des « politiques publiques » menées sous la présidence de « Kabila ». L’homme ne dit pas un mot sur la conclusion à laquelle il est arrivé au bout de cet exercice.
Il y a quelques jours, le même Felix Kabange dévoilait un « monument » représentant « Kabila » à Malemba Nkulu dans la province du Haut Lomami, en pays Luba du Katanga. Le public présent cachait mal une certaine stupéfaction.
A ceux qui pourraient le suspecter d’être un « kabilâtre » doublé d’un fanatique, Kabange se défend. Sans convaincre. Selon lui, le « RGJK » entend vulgariser « les valeurs et les principes » chers à l’homme de Kingakati et non jouer les idolâtres. Quels sont ces valeurs et principes? Le locuteur reste muet tout en affirmant, sans nuances, que « Joseph Kabila est un homme d’Etat sans pareil » au Congo-Kinshasa.
La « trouvaille » de Felix Kabange Numbi est révélatrice du désarroi autant que de la crise identitaire qui règne au sein de la mouvance kabiliste. Une mouvance dénuée de base idéologique. Et qui n’a jamais regroupé que des personnalités hétéroclites en quête du pouvoir et des privilèges qui s’y rattachent. « Joseph Kabila » n’est ni plus ni moins que comme un « distributeur automatique » des postes. En contrepartie, ceux qui savent la « vérité » se taisent.
Ce n’est pas la première fois qu’on entend parler de la « génération Kabila ». Au lendemain de sa nomination au poste de secrétaire général du parti kabiliste, le Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (Pprd), Henri Mova Sakanyi avait organisé trois jours de « formation idéologique ». Les membres de la ligue des jeunes du Pprd ayant participé à ce colloque furent affublés de l’appellation « génération Kabila ». C’était en mai 2015.
« GÉNÉRATION DES OPPORTUNISTES-CARRIÉRISTES »
Par définition, une génération « est un intervalle de temps, estimé à trente ans environ, séparant deux degrés de filiation », peut-on lire dans n’importe quel dictionnaire. Dans le cas sous examen, une « génération » peut être définie comme l’ensemble de personnes ayant le même âge à la même époque.
Par « Génération Joseph Kabila », Felix Kabange Numbi voudrait-il parler de tous les opportunistes-carriéristes qui ont occupé des postes durant la présidence de « Joseph Kabila » (26 janvier 2001- 24 janvier 2019) ou des jeunes gens nés en 2001? Parlons un peu de ces derniers.
« Kabila » a accédé au sommet de l’Etat le 26 janvier 2001 soit trois mois après le lancement par l’Assemblée générale des Nations Unies des « Objectifs du Millénaire pour le Développement » (OMD). Éliminer l’extrême pauvreté et la faim, assurer une éducation primaire pour tous, réduire la mortalité des enfants de moins de 5 ans, améliorer la santé maternelle, combattre le VIH/sida, le paludisme et d’autres maladies, assurer un environnement durable. Tels sont les objectifs majeurs fixés par l’Onu.
Quid de l’éducation primaire pour tous au Congo-Kin? Dans un rapport publié par le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) et l’UNICEF, on apprend qu’en 2016, 18 millions d’adultes Congolais ne savaient ni lire ni écrire. On cherche en vain les membres de la « Génération Joseph Kabila » dont parle l’ancien ministre Kabange.
Lors du récent congrès du PPRD qui s’est tenu le 22 octobre dernier à Lubumbashi, le secrétaire permanent du Pprd, Emmanuel Ramazani Shadary, n’a cessé d’épiloguer sur un « retour imminent » du sénateur à vie « Joseph Kabila » dans la politique active. On imagine que les « adorateurs » de cet homme – devenu immensément riche – le voient déjà faire un come-back à la tête du pays. Pour quoi faire? Tous les yeux sont rivés sur l’horizon 2023.
Depuis le 26 janvier 2001, les Congolais ont assisté à un véritable festival de propagande d’imposture destiné à « donner » au successeur de Mzee non seulement une « identité », un lien de filiation avec le défunt président et une « nationalité tribale ». Bref, une assise sociale. En contrepartie, l’imperium devait rester entre les mains des natifs du pays Balubakat dont était issu LD Kabila.
« ASSOCIATION DES MAMANS DU MANIEMA »
En mars 2002, le « professeur » Célestin Kabuya Lumuna Sando est le premier à sonner le tocsin en publiant son « Histoire du Congo – Les Quatre Premiers Présidents » aux éditions Secco & Cedi. Un ouvrage sur commande.
A la page 239, les Congolais découvrent que leur nouveau Président est né à Hewa Bora, une localité qui n’a jamais existé au Congo-Zaïre. Pire, avant d’adopter le patronyme « Kabila », l’homme a porté d’autres identités. A savoir: Kabange, Mtwale, Hyppolite. On pourrait ajouter: Kanambe. A en croire l’auteur, ces diverses identités étaient motivées par des « raisons évidentes de sécurité ». Question: Quelle est la véritable identité de cet homme qui a dirigé le « Grand Congo » durant dix-huit ans? Mystère!
A la veille du premier tour de l’élection présidentielle prévu en juillet 2006, des membres de la communauté « Luba du Katanga » se sont réunis, fin janvier 2005, à Kinshasa, sous la présidence de Célestin Mbuyu Kabango. Le Grand Chef Kasongo Nyembo était présent. But: faire taire tous ceux qui contestent la citoyenneté congolaise de « Kabila ». Célestin Kabuya Lumuna Sando, professeur à l’université de Kinshasa, a conféré à cet « événement » un vernis scientifique en donnant, sans rire, des détails sur la « généalogie » du successeur de Mzee.
Le 20 février de la même année, une organisation dénommée « Association des communautés du Maniema » (ACOMA) voit le jour. La province du Maniema est la région d’origine de la dame Sifa Mahanya, la « mère » du successeur de Mzee et sa fratrie. Les « Mamans du Maniema » ont, à cette occasion, « rassuré » la « maman » du nouveau chef de l’Etat « qu’elles seront toujours à ses côtés ». Ici aussi, le but était de démentir les rumeurs selon lesquelles « Joseph » était le fils d’une Tutsi rwandaise nommée Marcelline Mukambuguje et d’un certain Christopher Kanambe, ancien collaborateur de Mzee à l’époque du maquis.
Après plusieurs « témoignages », les « Mamans du Maniema » de conclure que « Joseph Kabila est bel et bien le fils de feu LD Kabila et de Sifa Mahanya. Et qu’il est né à Hewa Bora II, village Kongo Roho ». On apprendra que la sage-femme qui avait fait accoucher « Sifa » s’appellerait « Mbeke-Mbeke ». Ouf, quel souci de détails!
En juin 2006, le Grand Chef Balubakat Kasongo Nyembo sort d’une audience auprès du vice-président de la République Abdoulaye Yoredia Ndombasi. « Joseph Kabila est un Mulubakat à 100% », décrète-t-il devant la presse. C’était la première fois qu’un chef traditionnel se croyait en droit d’attribuer l’appartenance tribale à un individu sorti du néant.
« ASBL KABILA DESIR »/ »GENERATION JOSEPH KABILA »
Dans une interview accordée au quotidien bruxellois « Le Soir » daté du 9 juin 2006, la dame Sifa Mahanya raconte une série de fariboles. « Jaynet » et « Joseph » y sont présentés comme étant les premiers nés de la locutrice. Faux! « Sifa » était mariée à un certain Michel Lukoma. Le couple avait une fille du nom de Mary Mwamini. Dans son ouvrage « La mort de LD Kabila, Ne nie pas c’était bien toi », l’ancien garde du corps de Mzee, Georges Mirindi, écrit que Mwamini résidait à Kampala, en Ouganda. L’historien belge Erik Kennes ne disait pas autre chose dans sa « Biographie de Laurent-Désiré Kabila ».
A en croire toujours la dame Sifa, « Jaynet » et « Joseph » étaient inscrits à l’école française de Dar es Salaam. Faux! Ceux qui ont pu parcourir le dossier de candidature ci-joint de Jaynet « Kabila » aux législatives du 28 novembre 2011, n’ont pas manquer de constater que la « jumelle » du « rais » ne fait guère mention de son passage à l’école française. La dame Sifa n’avait pas dit la vérité.
Après l’élection présidentielle chaotique du 28 novembre 2011, « Joseph Kabila » et ses partisans n’avaient plus qu’une seule ambition: conserver le pouvoir. En 2013, le « Président réélu » décide d’organiser les fameuses « Concertations nationales » dans le but de débaucher quelques opposants et arracher, en contrepartie, la révision constitutionnelle. N’ayant pas atteint ce but, « Kabila » mettra un certain temps pour former un nouveau gouvernement.
En juillet 2014, l’association « Kabila Désir » est née. C’est une initiative de Tryphon Kin-Kiey Mulumba. Dans le préambule des statuts, on peut lire que cette structure « entend fédérer tous les Congolais autour des réalisations de Monsieur Joseph Kabila (…). » Lesquelles? Silence radio. Dans l’article 3, il est écrit notamment que le but de l’association est de « rappeler les réalisations du président Joseph Kabila, dans tous les domaines et ce, en quelques années, dans une conjoncture des plus difficiles ».
Nul ne sait ce que « l’association des Mamans du Maniema » est devenue. En dix-huit ans de pouvoir, L’association « Kabila Désir » a cessé d’exister. Et voici Felix Kabange Numbi au centre d’une nouvelle supercherie dénommée le « Rassemblement de la Génération Joseph Kabila ». Cette dernière association est vouée à disparaître. Et pour cause?
De quelle génération parle Felix Kabange? S’agit-il de la génération des individus ayant occupé des postes juteux de 2001 à 2018 – et pour qui « Joseph Kabila est un homme d’Etat sans pareil » – ou celle des 18 millions d’adultes Congolais qui ne savaient ni lire ni écrire en 2016, à l’expiration du dernier mandat du « raïs »?
B.A.W.