Plus on se rapproche de la date inexorable du 23 décembre fixée par la CENI (Commission électorale nationale indépendante) pour l’organisation des élections, « Joseph Kabila » et ses partisans dissimulent de moins en moins une panique certaine face à la perspective de « la vie après la présidence ». Le « raïs » et ses partisans multiplient des propos comminatoires qui donnent raison aux évêques de la CENCO (Conférence épiscopale nationale du Congo). Ces derniers avaient affirmé dans leur message daté du 23 juin 2017 qu’ « une minorité de concitoyens a décidé de prendre en otage la vie des millions de Congolais ».
Le gouverneur de la ville de Kinshasa, le PPRD André Kimbuta Yango, a finalement « pris acte », lundi soir, de la lettre lui adressée par le secrétaire général de l’UDPS, Jean-Marc Kabund A Kabund, l’informant du meeting que le président de ce parti, Félix Tshisekedi Tshilombo, tient mardi 24 avril en « commémoration » du 28ème anniversaire de la restauration du pluralisme politique.
S’il est vrai que le pluralisme politique a été institutionnalisé (article 6-1 de la Constitution promulguée le 18 février 2006), il n’en demeure pas moins vrai que l’ex-Zaïre, rebaptisé Congo démocratique, continue à évoluer dans une ambiance qui loin d’être libérale. Décriée sous la IIème République, la force publique (armée, police, garde présidentielle, services de renseignements) a renoué avec les mauvaises habitudes. L’Etat de droit et l’alternance démocratique relèvent encore de la « spiritualité ».
Les auditeurs de Radio France Internationale (RFI) ont appris au cours des journaux parlés de la matinée de lundi 23 avril qu’une nébuleuse association dite « Groupe d’action des jeunes nationalistes » a lancé une campagne en vue de récolter 100.000 signatures. Objectif: initier un référendum constitutionnel.
En guise de « bien-fondé » de cette démarche, les promoteurs entendent faire modifier l’article 10 de la Constitution afin de permettre aux personnalités qui détiennent une nationalité étrangère en plus de la congolaise de redevenir éligible. Inimaginable. Et dire que pour la même raison, le procureur général de la République, le PPRD Flory Kabange Numbi, a ouvert une information judiciaire pour faux et usage de faux contre l’ancien gouverneur du Katanga Moïse Katumbi Chapwe.
« REDONNER L’ELIGIBILITE A KABILA »
Comme si cela ne suffit pas, le même lundi, on apprenait sur les réseaux sociaux qu’un certain Jean-Cyrus Mirindi Batumike Nkuba, avocat de son état – qui se dit également assistant à l’université de Kinshasa et chercheur en droit congolais -, a choisi la journée de mardi 24 avril pour animer une conférence. Les invités sont attendus à 10h30 au Cepas. Thème: « La possible éligibilité du président Joseph Kabila pour un nouveau mandat au regard de la Constitution de 2006 telle que révisée à ce jour ». On croit rêver!
On se demande bien l’ « innovation » que le sieur Mirindi pourrait apporter après l’ouvrage « Entre la révision de la Constitution et l’inanition de la nation » du professeur Evariste Boshab d’une part et de l’autre, la grande mystification du 11 mai 2016 sous la forme d’un arrêt de la Cour constitutionnelle « autorisant » « Kabila » à rester en fonction.
A la demande des députés étiquetés PPRD dont l’inénarrable Emmanuel Ramazani Shadary, cette haute juridiction s’est crue en droit d’interpréter le deuxième alinéa de l’article 70 dont la clarté saute aux yeux d’un malvoyant: « A la fin de son mandat, le Président de la République reste en fonction jusqu’à l’installation effective du nouveau Président élu ».
Des sources jointes à Kinshasa sont unanimes au fait que l’orateur de ce mardi au Cepas est plus un militant politique qu’un « scientifique ». Le constitutionnaliste André Mbata Mangu, lui, est catégorique: « Aucune disposition constitutionnelle ne permet à [Joseph] Kabila de briguer un troisième mandat ».
D’après lui, « aucune théorie » ne justifie la démarche que préconise Cyrus Mirindi en droit constitutionnel. « La disposition de l’article 220 est totalement verrouillée » souligne Mbata en relevant que la révision constitutionnelle et le référendum « n’y peuvent rien ». A titre comparatif, il cite le cas de la France où la forme républicaine de gouvernement ne peut faire l’objet de révision pour changer la République en monarchie. « Il n’y a aucune possibilité d’un troisième mandat pour Kabila », conclut André Mbata.
ARROGANCE
Les spectateurs de la chaîne de télévision kinoise « RTGA » ont suivi récemment le PPRD Adam Chalwe face à la journaliste Pierrette Yowa. Le coordonnateur de la ligue des jeunes du parti kabiliste affichait une arrogance de mauvais aloi. Une arrogance qu’on ne rencontre que chez les fraudeurs. Selon Chalwe, « avec ou sans machine à voter », le PPRD va « gagner les élections de la base au sommet ». Tiens! Tiens!
Sans rire, « Adam » a resservi aux spectateurs un plat réchauffé selon lequel « il n’y a pas eu élections en 2016 parce qu’il n’y avait pas d’argent ». Le jeune homme feint d’ignorer qu’en 2014, la Cour des comptes avait reproché aux gouvernants en place d’avoir affecté plus d’un milliard de dollars à des projets non-prévus dans le budget. Où est parti cet argent? Le manque de sous n’a pas empêché le « raïs » de financer des infrastructures. C’est le cas notamment de l’immeuble du gouvernement.
Intervenant sur « Télé 50 » le 11 avril dernier, le « pasteur » Daniel Mulunda Ngoy, ancien président de la CENI, a eu ces quelques mots étranges: « A quoi sert-il d’aller aux élections qui vont nous amener la guerre? ». Mulunda qui parlait sans doute par procuration croit dur comme fer qu’il faut retoucher l’article 10 de la Constitution sur la nationalité. Et si c’était un prétexte pour permettre au « raïs » de faire modifier d’autres articles constitutionnels dont le célébrissime « 220 »?
L’article 220 de la Constitution est stipulé comme suit : « La forme républicaine de l’Etat, le principe du suffrage universel, la forme représentative du gouvernement, le nombre et la durée des mandats du Président de la République, l’indépendance du pouvoir judiciaire, le pluralisme politique et syndical, ne peuvent faire l’objet d’aucune révision constitutionnelle. Est formellement interdite toute révision constitutionnelle ayant pour objet ou pour effet de réduire les droits et libertés de la personne, ou de réduire les prérogatives des provinces et des entités territoriales décentralisées ».
Le dernier mandat du chef de l’Etat en exercice a expiré le 19 décembre 2016. La CENI devait convoquer le scrutin de l’élection présidentielle 90 jours avant cette expiration (article 73). La passation du pouvoir entre le « sortant et l’ « entrant » devait avoir lieu le 19 décembre 2016. « Depuis cette dernière date, Joseph Kabila assure une sorte d’intérim à la tête de l’Etat et ne peut en aucun cas initier la révision constitutionnelle », glisse un politologue congolais.
Osons espérer que le juriste Cyrus Mirindi Batumike Nkuba possède le même exemplaire de la Constitution promulguée le 18 février 2006, telle que modifiée à ce jour. On espère également que l’orateur et ses « mentors » n’ont pas choisi la date du 24 avril juste pour « parasiter » la manifestation organisée par l’UDPS.
Baudouin Amba Wetshi