Invité de l’émission « Nouvelle donne » diffusée vendredi 30 mars sur le média d’Etat RTNC (Radio télévision nationale congolaise), l’ex-G7 Aggée Matembo Toto, vice-ministre des Affaires étrangères, a étalé la mauvaise humeur de « Joseph Kabila » suite à l’adoption par le Conseil de sécurité de la toute dernière résolution sur le mandat de la Monusco. La nouvelle décision étend les « tâches » confiées à la mission onusienne à la « sécurisation des élections » provoquant l’ire du « raïs » dont le dernier mandat a expiré le 19 décembre 2016. Selon Matembo, « le pouvoir en place n’acceptera aucune forme de diktat ou ingérence ». Le Président hors mandat et ses partisans espéraient-ils organiser un vote à « huis clos » à l’abri des yeux indiscrets?
A quelques neuf mois de la tenue des consultations politiques majeures (présidentielle, législatives et provinciales), une certaine agitation semble s’emparer de la mouvance kabiliste et alliés. Il y a peu, les « communicateurs » de la « majorité » clamaient à qui voulaient les entendre que « Joseph Kabila est prêt à aller aux élections ». « Les élections sont financées à 100% par l’Etat congolais », ajoutaient-ils.
Seulement voilà. Le 27 mars dernier, le Conseil de sécurité de l’Onu a voté à l’unanimité – un cas exceptionnel – la résolution 2409. « La résolution 2409 décrit de façon plus précise les missions de la Monusco et la manière dont elle doit travailler », a déclaré, jeudi 29 mars, la porte-parole de cette mission onusienne Florence Marchal. C’était lors de la conférence de presse hebdomadaire à Kinshasa.
Outre le renforcement de la protection des civils et la mise en œuvre de l’Accord du 31 décembre 2016 – particulièrement dans son volet décrispation -, la Monusco aura également comme priorités la « sécurisation des élections » et la rédaction des « rapports » mensuels destinés au secrétaire général de l’Onu sur le déroulement du processus électoral. Désormais, le commandement de la brigade onusienne d’intervention est placé sous le « commandement direct » du commandant des forces onusiennes. Ambiance!
Interrogé à ce sujet, le vice-ministre des Affaires étrangères a estimé que cette résolution vient « compliquer » les affaires congolaises. « La Monusco va se considérer comme la 5ème institution du pays. Nous ne l’accepterons jamais », a-t-il souligné en martelant: « Les élections constituent un acte de souveraineté ».
A en croire Aggée Matembo, le Congo-Kinshasa ferait face à un « terrorisme » qui n’a rien à envier à celui des miliciens du « Boko Haram ». Selon lui, le bilan de vingt années de la présence des forces onusiennes est « négatif ». Au motif que la Monusco « n’est jamais là où l’attend ». « Vous ne pouvez pas dire que vous ne savez que sécuriser les élections et non restaurer la sécurité », hurle-t-il littéralement.
OUTRANCES VERBALES
Friand des outrances verbales, l’ex-membre de l’Unadef (Union nationale des démocrates fédéralistes) de Charles Mwando Nsimba semble avoir perdu de vue l’époque où il militait dans le « G7 », ce regroupement politique qui soutient l’ancien gouverneur du Katanga, Moïse Katumbi Chapwe. Il fustigeait alors le maire de Lubumbashi pour avoir interdit des manifestations de l’opposition. C’était en 2015.
Promu membre du gouvernement dit d’union nationale, Matembo, à la tête d’une aile dissidente de l’Unadef, accuse la Monusco d’être une « caisse de résonance de l’opposition ». La CENCO (Conférence épiscopale nationale du Congo) en prend également pour son grade. Cette dernière est accusée de « faire de la sous-traitance pour le compte des impérialistes » alors qu’elle n’a pas de « mandat » pour au nom du pays. Pour le vice-ministre des Affaires étrangères, les élections à venir se tiendront selon la « vision du raïs ».
Matembo feint d’ignorer quelques « détails de l’histoire » à l’origine de la présence des forces onusiennes au « Congo libéré ». Il n’est pas sans intérêt d’ouvrir la parenthèse.
Au commencement était l’Accord de cessez-le-feu signé en juillet 1999 à Lusaka, en Zambie, par les parties belligérantes (gouvernement de Kinshasa, MLC, RCD). Celles-ci s’étaient engagées à cesser les hostilités et à organiser un « dialogue national » qui a pour but: la réconciliation nationale et l’installation d’un « nouvel ordre politique » fondé sur l’Etat de droit et la démocratie.
Un facilitateur est aussitôt désigné par le secrétaire général de l’Oua d’alors en la personne de l’ancien président botswanais, Sir Ketumile Masire. Dès janvier 2000, le secrétaire général des Nations Unies, Kofi Annan autorise le déploiement de 5.500 hommes de troupe dont 500 observateurs pour jouer le rôle de « force d’interposition » entre les belligérants. C’est la naissance de la Monuc (Mission de l’Onu au Congo).
Après sa « victoire » à l’élection présidentielle de 2006, « Joseph Kabila » a replongé le pays dans la dérive dictatoriale. Les violations des droits et libertés ne se comptent plus. L’Etat de droit attendu est supplanté par l’arbitraire. L’élection présidentielle de 2011, « remportée » par le Président sortant, n’a apporté aucune embellie. Bien au contraire. La crise de légitimité est plus que jamais de retour.
Rien d’étonnant que l’Onu dont la mission première est de « maintenir la paix et la sécurité internationales » décide le maintien de sa Mission dans ce Congo-Kinshasa qui ressemble à une bombe à retardement. Il ne manque plus qu’une étincelle.
« LOGIQUE DE CONFRONTATION »
Au cours de l’interview précitée, Aggée Matembo a fait allusion à l’Accord de paix signé le 24 février 2013 par onze Etats du continent (Afrique du Sud, Burundi, RCA, Rwanda, Soudan du Sud, Tanzanie, Zambie, Ouganda, Angola, Congo-Brazzaville et Congo-Kinshasa).
Dans ledit accord, le « Congo démocratique » s’était engagé notamment à approfondir le caractère républicain de l’armée et de la police et à promouvoir la réconciliation nationale, la tolérance et la démocratisation. Ces objectifs ont-ils été atteints? Nullement! Le pays baigne, en cette année 2018, dans l’ambiance à l’origine de la guerre qui l’a secoué de 1998 à 2003.
Pour des observateurs, le travail accompli par la Monusco est loin d’être parfait. La Mission reste néanmoins un « mal nécessaire » pour limiter le pouvoir despotique. Question: la Mission onusienne au Congo serait-elle devenue un « témoin gênant » à la veille de la réédition d’un « hold-up électoral »?
Pour le vice-ministre des Affaires étrangères, « la Monusco est considérée désormais comme un adversaire politique ». « On se trouve dans une logique de confrontation », a-t-il conclu.
Baudouin Amba Wetshi
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