Ministre congolais des Affaires étrangères et de la Coopération internationale depuis fin avril dernier, Christophe Lutundula a annoncé, vendredi 13 août, la « tenue prochaine » de la conférence diplomatique (c’est nous qui le soulignons) des ambassadeurs, ambassadrices et chefs des missions diplomatiques du Congo-Kinshasa. L’histoire ne dit pas si la rencontre se tiendra en « présentiel » ou par vidéoconférence. Depuis près de trois décennies, la diplomatie zaïro-congolaise est malade. Malade du népotisme et de la modicité des moyens mobilisés au regard du nombre de postes à entretenir. Une soixantaine. Depuis la fin de la Guerre froide en novembre 1989 et « la première guerre mondiale africaine » (dixit la secrétaire d’Etat US Madeleine Albright) qui a vu plusieurs armées africaines s’affronter sur le sol congolais (1998-2003), la diplomatie congolaise est restée empirique. Aucune leçon d’Histoire n’a été tirée de ces événements. Les autorités diplomatiques du pays n’ont toujours pas défini les priorités autant que les nouvelles orientations destinées à baliser la politique étrangère du Congo-Kinshasa. Une politique censée privilégier l’intérêt national. Rien que l’intérêt national et la sécurité aux quatre coins du pays.
Christophe Lutundula Apala Pen’Apala a rang de vice-Premier ministre. Les Kinois disent « VPM ». Juriste de formation, le tout nouveau chef de la diplomatie congolaise – qui a accompli l’essentiel de son parcours dans la magistrature et au Parlement – a annoncé la tenue de cette conférence diplomatique à l’issue d’une « réunion d’évaluation » des activités des directions et services qui forment l’administration de ce ministère régalien.
A l’instar de ses prédécesseurs, le successeur de Marie Tumba Nzeza n’a pas résisté à la tentation qu’éprouve tout nouveau ministre à annoncer de « grandes réformes » à imprimer dans son secteur d’activité. Le ministre Lutundula, lui, voudrait tout simplement « redynamiser » l’administration de son département. Qui oserait lui jeter la première pierre? Question: aura-t-il les moyens pour mener une politique réformatrice? L’intéressé parait confiant.
Au cours de la réunion citée précédemment, n’a-t-il pas laissé entendre qu’il espère bénéficier de « l’appui » du Président de la République? Selon lui, « d’ici 2023 », son département pourrait « régler à 80% la prise en charge des diplomates ». Pourquoi pas? D’aucuns pourraient néanmoins gloser que « c’est du déjà entendu! ». Alexis Thambwe Mwamba et Raymond Tshibanda ne disaient pas autre chose.
Revenons à la conférence diplomatique. Le secrétaire général aux Affaires étrangères et son collègue en charge de la Coopération internationale ont été chargés de mettre sur pied une commission ad hoc ayant pour mission de se pencher sur l’organisation matérielle de cette réunion diplomatique – censée se tenir une fois l’an – avec un « thème » précis. Lutundula est resté muet à ce sujet.
Sous d’autres cieux, une conférence diplomatique est une réunion annuelle qui regroupe les plus hautes autorités diplomatiques d’un pays et les ambassadeurs et ambassadrices déployés aux quatre coins du monde. C’est l’occasion pour les dirigeants du pays de définir des orientations en matière de politique étrangère. Les fonctionnaires en poste à l’étranger « découvrent » ainsi les nouvelles priorités de leur gouvernement.
UNE DIPLOMATIE MALADE DU NEPOTISME ET DU MANQUE DE MOYENS
Depuis plus de trois décennies, la diplomatie zaïro-congolaise est malade. Elle est malade du népotisme et de la modicité des moyens mobilisés au regard d’une soixantaine de postes à entretenir. Depuis la fin de la Guerre froide en novembre 1989 et « la première guerre mondiale africaine » (dixit Madeleine Albright) qui a vu plusieurs armées africaines s’affronter sur le sol congolais (1998-2003), la diplomatie congolaise est restée empirique. Aucune leçon d’Histoire n’a été retenue. Les autorités diplomatiques du pays n’ont toujours pas défini les priorités et les nouvelles orientations destinées à baliser une nouvelle politique étrangère. Une politique qui met au premier plan l’intérêt national. Rien que l’intérêt national. Sans omettre la sécurité aux quatre coins du pays.
Une conférence diplomatique au Congo-Kinshasa pour quoi faire? Est-ce pour définir les nouvelles priorités ou orientations de la politique étrangère du pays? Est-ce juste pour inviter le Président de la République ainsi que le Premier ministre à venir « discourir » – devant les membres du corps diplomatique – avant de laisser la tribune au ministre des Affaires étrangères pour clôturer la cérémonie? Est-ce pour transformer ce cadre en une sorte de Mur de lamentations au pied duquel les diplomates congolais vont déverser leurs doléances?
Sauf erreur, la dernière conférence diplomatique organisée au « Congo démocratique » remonte au mois de novembre 2010. Profitant de la commémoration du 50ème anniversaire de la proclamation de l’indépendance, « Joseph Kabila », alors chef de l’Etat, avait estimé que le moment était venu de procéder à « l’évaluation » du chemin parcouru. Et après?
PROMESSES NON-TENUES
Dans son speech de clôture prononcé le 1er décembre 2010, « Joseph Kabila » a passé sous silence le problème fondamental relatif à l’importance du nombre des représentations diplomatiques que compte le pays. Pas moins de 60. Le « raïs » s’est limité à ânonner trois promesses, au demeurant, non-tenues. Primo: la réduction d’un personnel pléthorique. Secundo: l’augmentation de moyens d’action des missions diplomatiques. Enfin: le rapatriement des diplomates arrivés à la fin de leur mandat. Selon certaines estimations, pas moins de 600 familles attendent toujours le retour au pays. Le diagnostic n’est pas erroné. Il est loin d’être holistique.
La conférence diplomatique en gestation n’aura un sens que par la capacité du ministre Christophe Lutunda à sortir des sentiers battus en mettant le doigt sur les fondamentaux. Quels sont ces fondamentaux? Primo: définir les priorités et les orientations de la politique étrangère du Congo-Kinshasa. Secundo: suspendre, jusqu’à nouvel ordre, tout envoi en poste diplomatique. Ce temps sera mis à profit pour « assainir » et « dégraisser » tant l’Administration centrale que les représentations diplomatiques. Tertio: restaurer la rotation dans la carrière diplomatique en rapatriant les agents arrivés à la fin du mandat. Le Congo-Kinshasa est sans doute le seul pays au monde qui compte dans sa diplomatie des fonctionnaires qui résident dans le même pays d’accueil depuis 10 ou 20 ans au lieu des quatre années statutaires. Un tel diplomate a cessé de l’être pour avoir perdu tout esprit critique pour « observer » et « informer » le pays d’envoi.
Au total, la conférence diplomatique en préparation ne serait utile que par sa capacité à répondre à deux questions tout aussi fondamentales: le Congo-Kinshasa entretient une représentation diplomatique dans un pays « X » ou « Y » pour promouvoir quel intérêt vital avec quels moyens? Quid des missions diplomatiques de « pure représentation » et inutilement budgétivore?
Baudouin Amba Wetshi