Un mois, jour pour jour après la remise-reprise avec son prédécesseur, le nouveau chef de la diplomatie congolaise, Marie Tumba Nzeza, a eu, mardi 8 octobre, sa « rencontre de prise de contact » avec les directeurs chefs de service de l’administration centrale du ministère des Affaires étrangères. Le nouveau ministre semble perpétuer une « tradition » qui voudrait que le chef de la diplomatie soit toujours entre deux avions. Et ce au détriment de la gestion quotidienne de ce département régalien où, pourtant, tous les dossiers sont centralisés au cabinet du ministre. Un paradoxe! On espère que le nouveau ministre aura à cœur de réhabiliter l’administration. Celle-ci a pour mission d’apporter un « soutien technique » au ministre.
De 2001 à 2018, les directeurs chefs de services du « Minaffet » ont vu défiler pas moins d’une dizaine « d’excellences » au 7ème étage de cet immeuble jadis prestigieux. Les uns aussi grandiloquents et présomptueux que d’autres. Ce sont donc des hauts fonctionnaires blasés – notamment par des promesses non tenues – qui sont allés rencontrer le nouveau ministre.
Dans sa dépêche datée du 8 octobre, l’Agence congolaise de presse (ACP) rapporte que la nouvelle patronne de la diplomatie congolaise a invité ses interlocuteurs « à travailler avec assiduité pour que le Grand Congo existe sur le plan diplomatique ». Et d’ajouter qu’elle « compte » sur eux pour « réussir ». Les moyens tant humains que matériels ne constituent-ils pas la première condition de réussite?
D’après cette ancienne opposante étiquetée UDPS, la voix du Congo-Kinshasa serait à nouveau audible. Et ce grâce au « long périple euro-américain » qu’elle a effectué avec le président Felix Tshisekedi Tshilombo.« La communauté internationale commence à compter » sur le Congo-Kinshasa « contrairement à ce qui s’est passé avant l’avènement de l’actuel pouvoir ». Les caciques du « Front commun pour le Congo » (FCC) apprécieront.
Le secrétaire général ad intérim dudit ministère, Banza Ngoy, s’est, pour sa part, réjoui de cette réunion tant attendue de « prise de contact » étant donné que les différentes directions jouent le rôle de « bras séculier » à la politique conduite par le ministre.
Selon Banza Ngoy, le ministre Tumba a prévu de transmettre à chaque directeur une fiche à remplir. Le concerné aura à indiquer « ce qu’il a déjà accompli et ce qu’il compte accomplir ». Une démarche pour le moins inhabituelle. On cherche en vain l’objectif qui est poursuivi.
Le nouveau numéro un de la diplomatie congolaise semble se tromper de rôle. Les directeurs chefs de services qu’elle a rencontrés ne sont nullement de demandeurs d’emploi. Il s’agit de hauts fonctionnaires qui attendent que le ministre, en sa qualité de chef du département, « montre le chemin » en fixant un cap sous forme de priorités ou problèmes majeurs qu’elle entend résoudre durant son « mandat ». On pourrait ajouter qu’un coup d’œil dans l’organigramme du ministère aurait permis au nouveau ministre de savoir qui fait quoi.
PAS DE « CHANGEMENT » SANS MOYENS D’ACTION
Durant les dix-huit années de pouvoir de « Joseph Kabila », les ministres successifs des Affaires étrangères étaient très souvent entre deux avions. Aucun d’eux n’a initié la moindre réforme digne de ce nom tant au niveau de l’administration centrale que des représentations diplomatiques. Les gouvernants se plaisaient, par ailleurs, à mener une « diplomatie conflictuelle » à l’égard du monde occidental.
L’administration centrale du « Minaffet » est malade d’un personnel pléthorique, démotivé et mal équipé. A l’étranger, le Congo-Kinshasa « entretient » pas moins de 70 postes diplomatiques sans que l’on sache clairement les intérêts à promouvoir. Ici aussi, le personnel est pléthorique. Les ministres successifs ont consacré le clair de leur temps à envoyer en poste des amis et parents. La palme d’or reviendrait au PPRD Léonard She Okitundu. Celui-ci est revenu deux fois à la tête de ce ministère.
N’en déplaise au ministre Marie Tumba Nzeza, la voix du Congo-Kinshasa n’est plus audible à l’étranger. Et ce pour au moins trois raisons. Primo: la politique étrangère d’un Etat est le prolongement de sa politique intérieure. Le « poto-poto » qui prévaut à l’intérieur du pays a un impact dévastateur sur l’image extérieure du pays. Secundo: les relations internationales se fondent sur des réalités que sont notamment les rapports de force et l’intérêt. Le Congo-Kinshasa n’a aujourd’hui aucun poids économique contrairement aux pays tels que la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Nigeria et l’Afrique du Sud. Le Congo-Kinshasa n’est pas non plus une puissance militaire. Enfin: l’ex-Zaïre est, depuis belle lurette, « absent » des cénacles internationaux.
Pire, les missions diplomatiques congolaises sont impécunieuses. Le personnel diplomatique, lui, est démuni de ressources minimales pour s’acquitter des missions classiques. A savoir: représenter, négocier, observer et informer.
Depuis l’entrée joyeuse à Kinshasa de pseudo-libérateurs de l’AFDL (Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo), le ministère des Affaires étrangères n’a plus assuré la rotation de ses agents. Les fonctionnaires arrivés au terme de leur mandat attendent désespérément un hypothétique rapatriement.
Issu de l’UDPS, le ministre Tumba Nzeza avait déclaré lors de sa prise de fonction le 9 septembre dernier qu’elle allait fonder son action sur le « changement ». La nouvelle patronne de la diplomatie congolaise risque d’apprendre à ses dépens qu’en politique la rhétorique et les slogans ne peuvent suffire pour générer des « miracles ». Il ne peut y avoir de changement sans moyens d’action…
B.A.W.