Affaire Peter Tiani: Bruno Tshibala instrumentalise la justice

Peter Tiani, directeur du magazine « Le Vrai Journal » et sa rubrique décapante « Devoir de mémoire » totalisera vendredi 7 décembre un mois de détention, sans jugement, à la prison de Makala. Et ce suite à une plainte déposée par Bruno Tshibala Nzenzhe. Victime de l’arbitraire hier, l’ex-opposant, propulsé Premier ministre depuis mai 2017, a pris goût au pouvoir et à ses excès. Il est décidé à faire sentir le poids de sa toute nouvelle puissance à ce journaliste qu’il accuse de l’avoir « diffamé ». « Bruno » ne lésine pas sur les moyens de l’Etat au point d’instrumentaliser des magistrats du parquet près des juridictions de la Gombe. Objetif: faire prolonger indéfiniment ce qui ressemble bien à une détention arbitraire.

Dans un communiqué publié mardi 4 novembre, l’organisation non gouvernementale « Reporter Sans Frontières » (RSF) n’est pas allée par quatre chemins en exigeant la remise en liberté du directeur du magazine « Le Vrai Journal ».

Responsable du bureau Afrique de RSF, Arnaud Frager considère que « les accusations de diffamation » dont Peter Tiani « a fait l’objet peut être examinées sur le fond sans attendre et ne justifient en aucun cas son maintien en détention provisoire ». Pour lui, la privation de liberté dont fait l’objet ce jeune confrère « s’apparente à une forme de représailles personnelles ou à une volonté de faire taire un journaliste à la fois populaire et critique des actions du gouvernement ».

Peter Tiani, journaliste et directeur du magazine d’informations en ligne Le Vrai Journal.  © Privé 2018

Il est reproché au directeur du média « Le Vrai Journal » d’avoir relayé un article jugé « diffamatoire » qui fait état du chapardage de plusieurs centaines de milliers de dollars américain au domicile de l’ex-opposant, devenu Premier ministre en mai 2017. Le problème, Tiani n’est pas l’auteur de ce « papier » mais bien le journal en ligne Scooprdc.

Dans une récente déclaration, l’avocat Hervé Diakese, conseil du prévenu, n’a pas hésité de qualifier la situation de son client de « préoccupante ». Au motif que les demandes de mise en liberté provisoire formulées restent sans suite. Alors que l’accusé Tiani a une adresse bien connue et n’a aucune raison de se dérober à ses obligations.

Arrêté le 7 novembre sur la base d’un « mandat d’amener » au mépris des règles de la procédure (respect des droits de la défense et présomption de l’innocence), « Peter » s’est vu décerner un mandat d’arrêt lors d’une audience foraine du Tribunal de Paix de la Gombe. C’était le 13 novembre. Le lendemain, sa détention sera prolongée de 15 jours sur décision du procureur général près la Cour d’appel de la Gombe.

UNE JUSTICE INSTRUMENTALISÉE

Un mois après son interpellation, le directeur du « Le Vrai Journal »  attend désespérément la première confrontation avec son accusateur. Tout laisse croire que « quelqu’un » tire les ficelles en coulisses pour retarder l’évolution de l’enquête. « Depuis sa privation de liberté, Peter Tiani n’a fait l’objet d’aucune audition ni enquête, fulminait le mardi 13 novembre Me Diakiese. Le parquet n’a qu’à fixer cette affaire devant un tribunal ». Pour ce juriste, « le maintien en détention de Tiani n’est justifiée ni par la nécessité d’enquête ni d’ordre public ».

Les observateurs peinent à comprendre la « mansuétude » de Tshibala à l’égard de l’auteur de l’article querellé en l’occurrence Scooprcd. D’aucuns n’hésitent pas à épiloguer sur un « vieux contentieux » qui opposeraient les deux hommes. Un contentieux qui n’aurait rien avoir avec la prétendue « diffamation ». Des analystes suspectent l’ex-opposant « pur et dur » contre « Kabila » d’exercer des « représailles » à l’égard de l’animateur d’un média qui ne cesse de le brocarder en diffusant les imprécations de l’ex-Udépésien au discours obséquieux du « Premier ». Plusieurs ex-opposants ayant rejoint le « pouvoir diabolique de Kabila », dixit José Makila Sumanda, devraient pousser un « Ouf! » de soulagement de voir l’empêcheur de « vagabonder en rond » qu’est Tiani maintenu en détention à Makala.

Un mois après l’arrestation du journaliste Peter Tiani, quatre questions restent sans réponses. 1. Quel est le fait contraire à l’ordre social ou à l’éthique journalistique commis par ce journaliste? 2. Pourquoi l’enquête n’évolue-t-elle pas? 3. Pourquoi les confrontations entre les parties en conflit n’ont toujours pas lieu? 4. Pourquoi les magistrats du parquet tardent à fixer cette affaire devant la juridiction compétente comme le prescrit l’article 18 de la Constitution dans ses alinéas 4 et 5: « La garde à vue ne peut excéder quarante-huit heures. A l’expiration de ce délai, la personne gardée à vue doit être relâchée ou mise à la disposition de l’autorité judiciaire compétente ».

En attendant des réponses nettes et claires à ces interrogations, on peut légitimement suspecter l’ex-opposant, devenu Premier ministre, d’instrumentaliser la justice. Et-ce pour faire taire un journaliste irrévérencieux?

 

Baudouin Amba Wetshi

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