C’est une histoire déchirante qui se déroule à la morgue centrale de Kinshasa. Construite par l’Union Européenne pour le compte de l’hôpital Mama Yemo, cette morgue est administrée par le ministère provincial de la santé de la ville de Kinshasa. Depuis lundi 22 janvier, la famille Kapangala tente, sans succès, de faire embaumer le corps de leur fille. Selon les responsables de cet établissement, les parents de la défunte devraient obtenir au préalable l’autorisation du procureur général près la Cour d’appel de la Gombe. La défunte a été fauchée, dimanche 21 janvier, par une rafale d’automitrailleuse tirée par un policier à l’entrée de la paroisse Saint François de Salles à Kintambo-Vélodromme. C’était lors de la deuxième marche organisée par le Comité Laïc de Coordination.
Dans une lettre datée du 24 janvier 2018 adressée au procureur général près la Cour d’appel de la Gombe, la famille Kapangala – représentée par l’abbé Joseph Musubao et Jean René Mabwilo Kabuya – fait part à ce haut magistrat du ministère public des difficultés qu’elle rencontre pour faire embaumer le corps de sa fille afin de « programmer les obsèques ».
Aspirante religieuse, Dechade-Thérèse Kapangala Mwanza, 24 ans, s’est rendue dimanche 21 janvier à la messe célébrée à la paroisse Saint François de Salles dans la commune kinoise de Kintambo. Elle a, par la suite, participé à la marche pacifique organisée par le Comité Laïc de Coordination (CLC). Vers 10 heures, note la famille, elle « a reçu une balle en plein cœur qui a causé sa mort sur le champ ».
Selon des témoins, la jeune fille a été fauchée par une rafale d’automitrailleuse tirée par un policier non autrement identifié. « Nous avons, le même jour et avec l’aide des agents de la Croix-Rouge, acheminé son corps à la morgue de Kinshasa (…) », ajoute la famille.
C’est ici que commence le problème. Le 22 janvier, des représentants de la famille Kapangala se sont représentés sur le lieu pour « solliciter l’embaumement ». « Seul le procureur général de la République peut prendre une telle initiative ou toute autre démarche ». C’est la réponse dénuée de toute humanité qui lui a été donnée par des agents de la morgue et ceux du ministère provincial de la Santé.
La famille conclut sa lettre en indiquant que sa « quiétude ne dépend que de la dignité que nous devons réserver aux obsèques de notre fille qui devra être pleurée par les siens. Cela permettra également, surtout à d’autres enfants de la famille, encore élèves, en cette période particulière d’examens, de reprendre leur vie ordinaire ».
INFORMATION JUDICIAIRE?
Selon plusieurs médecins contactés par l’auteur de ces lignes, sauf dans une affaire criminelle avérée, le parquet n’a pas à fourrer son nez dans une question d’embaumement. « L’embaumement relève de la stricte volonté de la famille du défunt », disent-ils en chœur en soulignant qu’il s’agit d’un service tarifé.
D’après des sources proches de la famille éplorée, il semble qu’une « information judiciaire » aurait été ouverte sur la mort de la jeune fille. A en croire ces mêmes sources, le magistrat précité serait à la recherche du policier qui aurait appuyé sur la gâchette. « C’est ainsi qu’il a décidé de retarder l’embaumement ». Qui dit vrai?
L’INTERVENTION DE CE HAUT MAGISTRAT DU MINISTÈRE PUBLIC ÉTONNE. POURQUOI?
Dans le compte-rendu de la réunion du Conseil des ministres présidée lundi 22 janvier par « Joseph Kabila », il est indiqué noir sur blanc que ce sont des « inciviques infiltrés parmi ces manifestants » qui « ont semé des troubles ayant entrainé deux morts et 16 blessés graves dont deux éléments de la police ». « Kabila » et l’ensemble du gouvernement avaient, à cette occasion, salué « la bravoure des forces de l’ordre qui ont bien assuré leur rôle en vue de maintenir l’ordre ».
Depuis deux décennies, les ex-Zaïrois sont choqués par le manque d’humanité qui caractérise les « libérateurs ». « Joseph Kabila » en tête. Outre la banalisation de la mort par la tendance à la gâchette facile, ceux-ci n’hésitent pas à emporter les cadavres de leurs victimes. Histoire d’effacer des traces. Lors des manifestations de janvier 2015, des éléments de la garde prétorienne de « Kabila » ont été surpris faisant cette sale besogne.
Cette fois, le « raïs » est mal tombé. La victime est la fille d’un officier de la police nationale. Les camarades du malheureux père suivent sans doute la situation. Ils sont conscients que ce genre de « bavure » n’arrive pas qu’aux autres.
Questions: « Joseph Kabila » et ses sbires redoutent-ils que l’embaumement de la jeune Kapangala Mwanza ne puisse révéler la cause exacte du décès? Le président sortant dont le mandat a expiré depuis le 19 décembre 2016 a-t-il instruit ses « exécuteurs de basses œuvres » de faire disparaître le corps? Une affaire à suivre.
Baudouin Amba Wetshi
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